Les systèmes de drones de l'armée de terre

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Les systèmes de drones de l'armée de terre

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L'armée de terre détient 70% des systèmes de drones. Ils représentent un atout tactique et stratégique et sont déployés dans les zones de combat depuis des dizaines d'années à des fins de renseignement, de surveillance et de reconnaissance. L'armée de terre dispose de drones de contact, de minidrones et, bientôt, de drones tactiques. Elle s'est fixé un objectif de 1.200 drones d'ici 2023. 

Utilité et utilisation des drones par l'armée de terre

Le drone est un aéronef piloté à distance ou automatiquement. Si l'on veut être plus précis, il faut parler de système de drone car le drone n'est qu'un élément d'un système conçu pour assurer une ou des missions. 

 

 

L'armée de terre et les drones : une vieille histoire

Les drones ne sont pas une technologie récente. Ils sont employés depuis une soixantaine d'années sur les champs de bataille des principales opérations extérieures. Et ils sont devenus incontournables dans le combat aéroterrestre moderne. 

Pourtant, la France, comme d'autres pays européens, a manqué en partie le "tournant décisif des drones", constatait la commission des affaires étrangères et de la défense en 2017. Si la France présente toujours un retard stratégique et capacitaire, un rattrapage est en cours, notamment concernant les drones MALE (Moyenne Altitude Longue Endurance) et les drones de contact. 

L'armée de terre utilise les drones pour des emplois variés. Les drones employés par l'armée de terre sont de tailles très différentes et ont donc des missions spécifiques. Les capteurs emportés et l'autonomie diffèrent selon la taille du drone et permettent de mener des missions plus ou moins dans la profondeur. Le pilotage de ces différents drones n'est donc pas le même. 

 

Le drone, un atout tactique

Le drone est un atout tactique pour de nombreuses unités interarmes, que ce soit pour aborder des objectifs, escorter des convois, ouvrir un itinéraire… Il permet notamment d'effectuer des missions de reconnaissance dans des zones hostiles. Il est devenu à la fois une capacité à acquérir pour les armées mais également une menace dont il faut se protéger.  

Lors d'un déplacement à Biscarosse sur le site DGA Essais de missiles sur la lutte anti-drones, le 7 juillet 2021, Florence Parly, la ministre des Armées a d'ailleurs souligné le grand intérêt des drones pour l'armée françaises "dans les récents engagements opérationnels militaires, notamment au Levant et au Sahel". "En plus d’assurer une permanence en vol et de permettre d’opérer dans les milieux les plus hostiles, ce sont des appareils qui apportent un avantage opérationnel indéniable pour des coûts maîtrisés d’acquisition, de maintenance et d’emploi", a-t-elle appuyé. 

La carte ci-dessous fait état de l'emploi des drones par l'armée de terre, à la fois pour des missions intérieures et des missions extérieures.

EMPLOI DES DRONES PAR L’ARMÉE DE TERRE

 

Source : État-major de l’armée de terre.

 

1.200 drones dans l'armée de terre d'ici 2023

"L'armée de Terre possède aujourd'hui environ 160 drones. En 2023, elle en comptera environ 1.200", a annoncé, en 2019, le général Thierry Burkhard, alors chef d’état-major de l’armée de terre (il est devenu chef d’état-major des armées en juillet 2021). Cela correspond à 3.000 vecteurs aériens. 

Son prédécesseur, le général Bosser, avait annoncé que l'équipement en drones de l'armée de Terre irait ainsi "du nano drone de quelques grammes au drone tactique dont les performances permettront d'appuyer l'engagement d'une unité au combat dans la durée et sur de fortes distances". 

 

 

Les nanodrones

Le nanodrone de combat le plus utilisé par les armées est le Black Hornet, conçu et produit par Prox Dynamics, une société norvégienne rachetée par FLIR Systems en 2016.

 

 

Le Black Hornet, le nanodrone préféré des armées

Des militaires du monde entier utilisent le nanodrone de combat Black Hornet depuis une dizaine d'années. Une trentaine de pays en serait doté dont les armées française, américaine et australienne. Depuis 2016, le Black Hornet équipe les troupes de l'armée française de l'opération Barkhane. 

En 2019 et 2020, 210 systèmes de nano drones opérationnels de poche (DROP) - chaque système contenant trois vecteurs Black Hornet 3 - de la société américaine FLIR ont été livrés à l'armée de terre française. En mai 2021, la DGA a commandé 50 systèmes de plus.

 

Caractéristiques et emploi du Black Hornet 3

Le système Black Hornet 3 est composé de deux nanodrones, d'une télécommande et d'une sacoche ventrale qui comprend un écran. 

Le Black Hornet 3 ressemble à un hélicoptère miniature. Il mesure 16 centimètres de long et pèse seulement 33 grammes. Un poids et une taille qui lui permettent de mener des missions de reconnaissance et de surveillance de façon très discrète. Silencieux, facile à manoeuvrer, quasi indétectable, il équipe les soldats envoyés en première ligne. Ils l'utilisent par exemple pour lancer des opérations de reconnaissance dans des lieux dangereux.

Surnommé le "Frelon noir", le Black Hornet 3 est équipé d'une microcaméra infrarouge qui permet de diffuser en direct ce qu'il "voit", de jour comme de nuit, avec ou sans GPS. Ainsi, le soldat qui porte une sacoche avec un écran sur sa poitrine reçoit instantanément les photos et les vidéos du drone (passant par une liaison cryptée). 

S'il est capable de voler à plus de 20 km/h, ce nanodrone ne dispose cependant que d'une autonomie de 25 minutes et il ne peut voler à plus de 10 mètres d'altitude.

 

 

Les micro drones

Directement issus du marché civil ou développés spécifiquement pour un usage militaire, les microdrones représentent aujourd'hui une gamme d'appareils utilisés par de nombreuses unités de l'armée de Terre. Pour un poids de quelques kilos, et dotés de caméra à haute performance, les microdrones permettent, aux unités tactiques ou forces spéciales, la reconnaissance à courte distance en milieu ouvert ou en zone urbaine ou la défense d'une emprise.

 

Les micro drones Anafi USA de Parrot

En mars 2021, l'armée française a commandé 300 microdrones Anafi USA à la société française Parrot, dont 150 seront livrés entre juillet et septembre 2021. Ces systèmes de microdrones répondent à un besoin opérationnel de l'armée, à la fois pour les forces spéciales mais aussi pour les forces conventionnelles. Ils seront employés pour des missions de reconnaissance et de renseignement diurne et nocturne.  

60% de ces micro drones sont destinés à l'Armée de Terre, 28% à la Marine nationale et 12% à l'armée de l'Air et de l'Espace. Ils sont destinés aux troupes déployées en opération, à la protection de sites militaires et aux bâtiments de la Marine nationale.  

Le micro drone de Parrot présente l'avantage d'être très discret : passé 130 mètres, il devient silencieux et il ne pèse que 500 g. Équipé d'un zoom 32x, de la vidéo HDR en 4K, il est doté de trois caméras, dont une thermique, et il est capable de distinguer des formes humaines jusqu'à 2 km, de jour comme de nuit. Son autonomie est de 32 minutes. 

Très facile d'utilisation, il se déploie en une minute. Le constructeur assure également à l'armée avoir fourni beaucoup d'efforts sur la protection des données : ce drone est conforme aux obligations du RGPD et aucun composant n'a été fabriqué en Chine (des craintes existent quant au détournement de drones fabriqués en Chine à des fins d'espionnage). 

 

Les micro drones NX70

Fin 2020, la DGA a commandé 49 micro drones NX70 au profit de l'armée de terre à l'entreprise française Novadem. Ils s'ajoutent ainsi à la flotte de 94 systèmes portant le nombre de NX70 de l'armée de terre à 143. 

Les NX70 sont des aéronefs discrets et faciles à mettre en œuvre. D'après la DGA, ils contribuent "au renseignement de proximité des unités, permettant ainsi de renforcer leur protection rapprochée et de garder l'ascendant tactique sur l'adversaire". 

Le NX70 permet d'explorer un terrain hostile sans mettre en danger les vies des militaires. Il pèse un kilo, est doté d'une caméra de jour et de capteurs thermiques rendant possible la vision nocturne. Il est aussi doté d'une liaison chiffrée pour éviter que ses données ne soient interceptées. Il ne requiert aucune connexion internet pour fonctionner et ne stocke aucune information. Il dispose d'une autonomie de 45 minutes et opère dans un rayon d'action de plus de 3 km au maximum.

De plus, la moitié des nouveaux drones livrés sont dotés d'une caméra thermique au double de la résolution actuelle. Une évolution de la performance du NX70 permise grâce aux retours d'expérience (RETEX) des militaires français en opération. 

 

 

Les SMDR

Les systèmes de mini-drones de reconnaissance (SMDR) remplacent les systèmes DRAC (drones de renseignement au contact). Ils assurent des missions de reconnaissance, de détection et d'identification au plus près de la zone de contact.  

 

 

35 SMDR pour l'armée de terre

La DGA a commandé 35 SMDR, dont dix ont été livrés à l'armée de terre en 2020, 10 de plus devant être livrés en 2021, conformément à la Loi de programmation militaire (LPM) 2019-2025. A la date du 7 juillet 2021, 10 SMDR et plusieurs kits opérationnels avaient été livrés.

En juin 2020, l’armée de terre a reçu ses trois premiers SMDR, une livraison marquant le début du remplacement des DRAC en service au sein du 61e Régiment d’Artillerie (61e RA) depuis 2008. 

Ils ont été déployés pour la première fois fin 2020 au Sahel sur le théâtre de l'opération Barkhane. Capables d'escorter les convois, de guider les tirs d'artillerie, de détecter les poseurs d'engins explosifs ou encore de protéger les emprises, les SMDR satisfont les équipes au Sahel. 

 

Les SMDR, deux fois plus performants que les DRAC

Les SMDR sont décrits comme un système de drones deux fois plus performant que les DRAC.  

Un SMDR est composé de trois drones Spy'Ranger de Thales et d'une station au sol. Il a une envergure de presque 4 mètres et pèse 15 kg. Il est équipé d'une boule optronique HD, capable de fonctionner de jour comme de nuit. Et son autonomie est de 2h30 pour 30 km de portée, contrairement à une heure d'autonomie et 10 km de portée pour le DRAC. Le SMDR peut aussi transmettre en direct et de manière sécurisée des vidéos HD. 

Il est également rapide à mettre en œuvre puisqu'il suffit de 12 minutes à un duo pour le déployer. Un déploiement qui comprend l'installation de la rampe de lancement, l'assemblage du drone, l'initialisation de la station de contrôle et les tests avant le vol.        

 

 

Le SDT Patroller

Le Patroller est le successeur du Système de drone tactique intérimaire (SDTI). Grâce à ce nouveau drone tactique, le 61e RA va pouvoir accéder aux dernières technologies en matière d'endurance, d'imagerie et de rayon d'action.

 

 

Deux premiers Patroller livrés en 2022

Le programme SDT prend la suite des drones Sperwer / SDTI. Le SDT Patroller a été sélectionné par les forces françaises en 2016. 

Les deux premiers Systèmes de Drones Tactiques (SDT) Patroller devraient finalement être livrés à l'armée de terre au cours du premier semestre 2022. La date a été repoussée plusieurs fois par Safran Electronics & Defense, son constructeur, qui les livrera donc avec trois ans de retard. Un retard dû à des défaillances découvertes après un accident survenu en décembre 2019 lorsqu'un drone s'était écrasé près de la base aérienne d'Istres lors d'un vol de "réception industrielle" sans faire de victime. 

Ce retard de livraison prive notamment l'armée française d'un atout précieux dans le cadre de l'opération Barkhane. "Les retards industriels ont donc provoqué une perte de chance pour les armées, en diminuant leur capacité de renseignement et, ce faisant, d’intervention à l’encontre des groupes armés terroristes qui sévissent au Sahel", souligne les députés dans leur rapport sur "la guerre des drones" daté du 7 juillet 2021. 

Il est d'autant plus pénalisant que l'armée de terre a suspendu l'utilisation de la flotte de drones SDTI en juillet 2020 pour des raisons de sécurité. En attendant, les pilotes de drones du 61e régiment d’artillerie de Chaumont s'entraînent sur le simulateur SDT de Safran afin de maintenir leurs compétences. 

D'ici 2025, Safran doit livrer à la France un troisième système de quatre vecteurs et compte proposer le Patroller à l'export.

 

Caractéristiques techniques du Patroller

Le Patroller est composé de cinq vecteurs et deux stations au sol. Drone de longue distance, le Patroller dispose d'une autonomie de 14 heures emportant jusqu'à 250 kg de charge utile. Il mesure 18 mètres d'envergure. Et il peut surveiller une zone sur un rayon de 150 km autour de sa station au sol. Sa station sol est aussi interopérable avec les systèmes de commandement et les réseaux de l'OTAN.

Il est doté d'une large gamme de capteurs et Safran l'a conçu pour qu'il soit facilement projetable sur un théâtre extérieur. Il est ainsi doté d'un système de décollage automatique et peut être déployé depuis un aéroport sans modification de ses installations. Il est équipé d'une boule optronique Euroflir 410 qui permet de voir dans le domaine du visible et de l'infrarouge ainsi que de lasers qui permettent de désigner des cibles. 

Safran explique sur son site que le Patroller a été conçu "pour les forces armées, le renseignement, le soutien aux opérations, ou encore la surveillance maritime". 

Faire voler un SDT Patroller est un travail d'équipe. Une quinzaine de personnes devront accompagné ce SDT lors de son déploiement dont le pilote, le commandant de bord, l'opérateur de charge utile et l’analyste images.

 

Le Patroller, un drone armé ?

Un article du Figaro daté du 9 juillet 2021 explique que "l'armement des drones tactiques Patroller n'est pas tranché" et ajoute que, "sur le terrain, l'armée n'en a pas exprimé le besoin".

Pourtant, dans un rapport du Sénat de juin 2021, les rapporteurs soulignent qu'il est "important d'avancer sur la question de l'armement de ces drones tactiques", à la fois pour répondre à un besoin des forces mais aussi pour "assurer l'exportabilité du Patroller face à ses concurrents américains, israéliens, turcs qui sont armés ou au moins qui ont la capacité de l'être". 

Soulignons aussi que fin 2019, le général Thierry Burkhard, alors chef d'état-major de l'armée de Terre, annonçait que l'armée de terre allait armer le Patroller. "Nous faisons aussi preuve d'imagination et d'anticipation en armant le Patroller alors que ce n'était pas prévu au départ. Le Patroller sera donc armé parce que l'armée de terre le souhaite mais sa mission première ne sera pas d'appuyer nos troupes. Cependant, il bénéficiera de cette capacité. Par conséquent, si un Patroller découvre un poste de commandement ennemi à détruire, il doit pouvoir le faire", déclarait le général Thierry Burkhard lors de son audition devant le Sénat le 16 octobre 2019. 

S'il devait être armé, le Patroller serait doté de la roquette guidée laser de 68mm de Thales, roquette qui équipe déjà l'hélicoptère Tigre. Cette roquette est dimensionnée aux besoins de l'armée de terre et adaptée aux objectifs du Patroller (tirs sur des cibles d'opportunité lors de missions de surveillance). 

 

 

Le centre de formation des drones

Pour former ses soldats, l'armée de terre s'appuie sur le centre de formation des drones (CFD) qui instruit tous les télépilotes, maintenanciers, interprètes images et autres militaires amenés à employer ces aéronefs. Il est situé sur la base militaire de Chaumont (Haute-Marne) et intégré au 61e régiment d'artillerie.

 

900 stagiaires par an

Actuellement, "l'armée de terre compte environ 300 télépilotes spécialisés dans le pilotage de drones tactiques ou de mini-drones et 2 300 télépilotes non spécialisés (qui utilisent les drones dans le cadre de leurs fonctions sans qu'il s'agisse de leur métier)", détaille le Sénat dans son rapport de juin 2021 intitulé "Drones dans les forces armées".

Le CFD accueille jusqu'à 900 stagiaires par an. Il forme les télépilotes spécialisés mais aussi des référents instruction drone (RID). Ces derniers sont formés afin d'ensuite être capables d'enseigner les techniques de pilotage de drones aux membres de leurs unités. 

Les formations dispensées au CFD sont techniques mais concernent également l'analyse des informations collectées à l'aide des drones et leur utilisation à des fins tactiques. Les militaires apprennent aussi les règles de navigation et la sécurité aérienne.

 

 

Les différents cycles de formation

Les opérateurs drones sont formés en fonction du type d'appareil télépiloté et des missions qui les attendent en opération. 

Voici les différents cycles de formation dispensés aux pilotes de drones de l'armée de terre selon le rapport d'information déposé le 7 juillet 2021 par la commission de la défense nationale et des forces armées en conclusion des travaux d’une mission d’information sur la guerre des drones : 

 

 

Type de drone

Durée de formation

Contenu de formation

Micro et nano-drone

1 semaine

ou

2 semaines avec module de spécialité (tactique/ renseignement / artillerie)

1 semaine de formation au télépilotage, éventuellement une semaine spécialisée en sus.

 

Formation réalisée dans les régiments par les référents instructions drones (RID) - ces derniers ont une formation plus complète de 5 semaines.

Mini-drone

4 semaines

ou

5 semaines avec module de spécialité (tactique / renseignement / artillerie)

4 semaines de formation au télépilotage

 

1 semaine de spécialité.

Drone tactique

8 mois

15 semaines pour la partie pilotage pour LAPL – Light aircraft licence pilot à l’EALAT de DAX.

 

1 semaine d’acculturation 3D 

10 semaines de formation emploi / tactique au CFD au 61e RA.

Source : état-major de l’armée de terre.

La formation au pilotage du SDT Patroller débutera certainement fin 2021. 

Dans son rapport de juin 2021, le Sénat préconise également une mutualisation des formations et des rapprochements ciblés entre armées, comme entre le 61e régiment d'artillerie de Chaumont et la 33e escadre de Cognac en raison des caractéristiques proches des Patroller et des drones Reaper. Reste que les pilotes de Patroller ne seront pas forcément des officiers contrairement à ceux des drones Reaper. 

 

Le récapitulatif de cet article en vidéo : 


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