Le métier de pompier de l’Air

Le métier de pompier de l’Air

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Bienvenue dans Défense Zone, le podcast qui traite des questions de Défense et de sécurité. Dans le numéro 11 du magazine papier Défense Zone, nous vous proposons un éclairage sur un métier peu connu, celui de pompier de l’air. Dans cet épisode du podcast, nous allons encore plus loin avec un entretien plus long et plus complet avec l’adjudant Jordane, pompier de l’air sur la base aérienne de Saint-Dizier, la BA113. N’oubliez pas de vous abonner au podcast et au magazine papier en vous rendant sur le site internet defense-zone.com.

 

Présentation

L’Adjudant Jordane a 32 ans, est pacsé et père de deux enfants. C’est en 2009 qu’il entre dans l’armée de l’Air. A l’époque, il ne s’épanouissait plus dans ses études en BTS, et s’est renseigné au CIRFA sur les métiers de l’armée. Déjà pompier volontaire, c’est assez naturellement qu’il se dirige vers celui de pompier de l’Air : « je me suis dit pourquoi pas tenter ce recrutement, et ça fait 13 ans que ça me plaît bien. » Il entre donc à l’EFSOAA (Ecole de formation des sous-officiers de l’armée de l’Air) de Rochefort en 2009, suit ses classes militaires et passe son permis poids lourds sur place. Il enchaîne ensuite avec une formation professionnelle à Cazaux, dédiée à la spécialisation de pompier de l’Air, intégrant des modules de base jusqu’à ceux de chef d’agrès. A l’issue de sa formation en février 2011, son affectation l’amène sur la base aérienne de Drachenbronn. Désormais fermé, ce site était un ouvrage enterré, complètement différent de celui de la base aérienne de Saint-Dizier dans lequel il est en poste depuis 2015 : « j’avais un emploi où je faisais de la surveillance d’ouvrage, où il n’y avait pas d’avions, alors que c’est un peu la base du métier de pompier de l’air. Et après, je suis arrivé sur cette base à vocation nucléaire, où il y a [des escadrons de] chasse, le Rafale, et de temps en temps d’autres aéronefs ».

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Les particularités du métier de pompier de l’Air

Si la formation des pompiers de l’Air comporte une base commune avec celle des pompiers de la Sécurité Civile, elle se différencie par quelques spécificités et est adaptée à l’environnement aéronautique.

 

Le risque d’incendie d’aéronef

Dès leur formation professionnelle à Cazaux, les pompiers de l’Air apprennent à contrer un incendie d’aéronef grâce à une aire de manœuvre dédiée, mais aussi à réagir si du carburant se répand au sol. « Il y a beaucoup de kérosène dans les avions, et s’il y a un problème dessus il faut qu’on puisse intervenir très rapidement pour pouvoir sauver le personnel et essayer aussi de sauver l’aéronef », indique Jordane. Il explique que « pour chaque aéronef, il faut qu’il y ait un minimum de potentiel d’extinction. » Comprendre qu’il faut une certaine quantité minimale de produits d’extinction, dans un véhicule prêt à intervenir, à chaque fois qu’un avion décolle. « Nous c’est de l’eau avec de l’émulseur, et il y a aussi la poudre qui est prise en compte », poursuit-il, « mais il faut qu’il y ait un minimum qui soit établi en moins de 3 minutes. »

En fonction de l’aéronef, la moitié de ce potentiel va être établi. Pour un Rafale par exemple, il faut prévoir deux véhicules lourds d’extinction, les mêmes que ceux dans les aéroports civils. Chaque véhicule contient environ 10 000L, il faut donc être capable de projeter 5000L par véhicule, en moins de 3 min. La menace n’est pas tant le risque d’explosion, mais le coût de l’aéronef : « un avion coûte très cher, donc plus l’intervention est rapide, moins le feu a le temps de se développer, et moins il y aura de dégâts sur l’aéronef », dans le but de pouvoir le réparer ensuite.

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Le risque NRBC

Le risque NRBC (nucléaire, radiologue, biologique et chimique) a connu une montée en puissance ces dernières années. « Ça s’est vraiment spécialisé pour les pompiers de l’air et c’est maintenant inclus dans les formations de base, ce qui n’était pas le cas il y a 10 ans », précise le sous-officier. Il existe plusieurs modules de différents niveaux. Le niveau 1 est le module de base et comprend l’utilisation du matériel de détection pour savoir quel type de produit est en présence et l’échelle de contamination. Le niveau 2 s’intéresse à la chaine de décontamination, avec le matériel adapté. C’est une « formation complète et très large sur le NRBC », qui va potentiellement être renforcé en France avec les évènements internationaux qui ont lieu en France (Coupe du monde de rugby, Jeux Olympiques) et pour lesquels le risque zéro n’existe pas.

Concernant le risque lié à l’armement nucléaire, « tout est fait pour qu’aucune radiation ne sorte », indique Jordane. Des exercices sont toutefois organisés régulièrement sur la base aérienne pour répéter les procédures, qui ont des similitudes avec celles du domaine civil (centrales nucléaires par exemple) : « ça reste le même principe, on prend en compte le vent, on se met dos au vent pour éviter les radiations, on détermine la zone contaminée qui devra être évacuée et les victimes devront être prises en charge. » Des messages peuvent être diffusés aux riverains en cas d’alerte, mais l’adjudant Jordane rassure : « il n’y a aucun risque de pollution extérieure ». Lors des exercices de niveau 4 (SN4), l’échelon le plus élevé d’entraînement, les préfectures peuvent y prendre part et gérer la partie « civile » (confinement des écoles, prévention des riverains sur la date de l’exercice etc.) Ces exercices SN4 ont lieu seulement à Istres, Avord et Saint-Dizier.

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La carrière des pompiers de l’Air

L’escadron de sécurité incendie et de secours de la base aérienne 113 compte 90 pompiers de l’Air environ, de différents grades et différentes fonctions, au sein des unités ou auprès des véhicules.

 

Le recrutement des pompiers de l’Air

Pour être pompier de l’Air, il faut avoir un niveau 4 en CCPM au minimum. Les épreuves sportives comprennent un test d’endurance (luc léger), des pompes et de la natation. Chacun de ces trois épreuves est notée sur 20 points, pour un total sur 60 points. « Il faut être un minimum sportif pour atteindre le niveau 4 mais ce n’est pas inaccessible », assure le sous-officier. La sélection comporte aussi des tests psychotechniques et un entretien individuel. Les qualités requises sont la disponibilité, « aimer la vie de groupe parce qu’on monte des gardes pendant 24h voire 48h les week-end tous ensemble », et avoir le sens du contact et de la communication. Découvrez notre article complet sur le recrutement des pompiers de l’Air dans notre magazine n°11.

 

Evolution de carrière

L’adjudant explique qu’un pompier peut être amené à changer d’affectation tous les ans, même si certains (notamment les militaires du rang) font toute leur carrière sur une même base, et que les sous-officiers et officiers ont plutôt tendance à bouger tous les trois ans. Des détachements sont prévus pour les SDIS (service départemental d’incendie et de secours), mais il s’agit de cas rares. Il est également possible d’évoluer en grade et de passer de militaire du rang à sous-officier, en restant au sein de l’armée de l’Air et de l’Espace, en faisant ce qui est appelée la passerelle jeune. Le changement d’arme (passer de l’armée de l’Air et de l’Espace vers l’armée de Terre par exemple, ou inversement) est plus compliqué : « il y a des difficultés de recrutement partout, donc tout le monde essaye de garder son effectif, que ce soit la BSPP, les marins-pompiers etc. » En général s’il veut changer, le pompier affecté à une arme finit son contrat et en démarre un autre dans une autre unité.

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Les missions à l’étranger

L’adjudant Jordane indique être déjà allé au Tchad et au Niger dans le cadre d’opération extérieure : « deux fois 4 mois, la première fois en tant que chef d’agrès et la deuxième fois en tant que chef des secours. »

 

Quels pays sont concernés ?

D’autres lieux d’opex ou de missions sont possibles : Nouvelle Calédonie, Sénégal, Djibouti, Tchad, Niger, Jordanie, et Lituanie/Estonie (quand l’armée de l’Air et de l’Espace est en renfort sur place). « Pour les personnes qui veulent vraiment partir, elles peuvent partir tous les deux ans, pour ceux qui veulent moins, ça peut aller jusqu’à 5 ans entre deux opex. Comme il y a des difficultés de recrutement, ils essayent de respecter les souhaits de chacun, parfois par rapport à la vie de famille. »

Des séjours (poste de plusieurs années à l’étranger) sont possibles, surtout pour les brevetés supérieur (à partir du grade de sergent-chef). « Mais c’est plus pour des postes de préventionnistes », précise le sous-officier. « En tant que pompier on peut passer des stages dans la prévention, par rapport aux risques bâtimentaires, la gestion du positionnement des extincteurs dans les bâtiments, savoir les règles d’évacuation sont respectées etc. » Dans ce cas, l’affectation peut être en Guyane, au Sénégal, à Djibouti, à la Réunion ou en Nouvelle Calédonie.

 

La plus-value des missions à l’étranger

Pour Jordane, ces expériences sont très enrichissantes, et il retient l’apport culturel de ces missions : « quand on revient en France, on se dit qu’on a quand même de la chance, quand on voit dans quoi ils veulent et le peu qu’ils ont. » La partie opérationnelle est tout aussi riche, car l’environnement est bien différent du climat français : « les avions sont mis à rude épreuve. Parfois la chaleur est à la limite du supportable pour l’homme, alors ça peut être problématique pour les machines. On est intervenu plusieurs fois pour des échauffements de freins. » Le nombre d’interventions augmente, mais il faut aussi prendre en compte qu’il y a moins d’avions en opex que sur le territoire français. Les machines encaissent donc beaucoup plus, et les mécanos ont du travail pour les maintenir en bon état.

Le sous-officier rappelle que le fonctionnement de l’armée de l’Air et de l’Espace est différent de celui de l’armée de Terre, qui se déplace en régiment. En opex, l’ESIS peut comporter des pompiers de l’Air de différentes bases aériennes, pas seulement ceux d’une même unité. « Il y a des spécificités qui se font sur chaque base. Les drones, pour la plupart on les découvrait sur le théâtre d’opération. Après, c’est ça l’enrichissement, on voit des personnes d’autres bases, qui connaissent d’autres choses. On a eu des personnes d’Istres, il y avait des C135. Forcément, eux qui sont plus habitués à travailler dessus nous faisaient un peu d’instruction dessus pour l’avion en lui-même. Les gens sur des bases Mirage 200 avaient plus de connaissances sur cet avion donc on s’appuyait plus sur eux etc. C’est un vrai travail d’équipe. Le chef n’est pas tout seul, on bosse tous ensemble et le but c’est que l’objectif soit atteint tous ensemble. »

 

L’adaptation aux aéronefs

En mission à l’étranger, les pompiers de l’Air peuvent intervenir sur des aéronefs différents de ceux rencontrés habituellement sur leur base aérienne d’affectation. S’il y a des spécificités pour chaque avion, les aéronefs sont surtout classés par catégorie, entre avion de chasse et avion à hélice par exemple. Les procédures sont alors différentes : « il y a des endroits où il ne faut pas se positionner avec les camions ou éviter, on ne va pas se mettre derrière les réacteurs, on ne va pas se mettre devant les canons de tir ou face aux missiles. » De même, lorsqu’ils procèdent au tour de l’avion, il y a certaines trappes d’aspirations desquelles il ne faut pas s’approcher. Sur A400M, certaines hélices sont à éviter, que ce soit devant (aspirations) ou derrière (souffle). « L’avion de transport on va privilégier les couloirs d’évacuation pour effectuer des refroidissements en cas d’incendie, pour que les personnes évacuent de ce côté-là ; alors que la chasse, il n’y a pas de couloir d’évacuation à effectuer car il y a maximum deux pilotes dedans. »

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Il peut aussi arriver d’intervenir sur des avions étrangers. « Hier il y avait des F16 qui étaient là. On est formé sur un peu tous les aéronefs qui existent », indique Jordane, car les procédures sont assez standards : vérifier la sécurité au niveau du siège éjectable, la sécurité armement etc. « La checlkist de sécurité est globalement la même, à quelques petites spécificités près. » En opex, les interventions sur avions étrangers sont plsu rares et ne se font qu’à la demande du pays hôte. « Ils ont leurs pompiers à eux. Après, en cas de problème, ils peuvent très bien nous appeler pour qu’on vienne intervenir. »

 

 

Dernier conseil

En étant rentré sous-officier, l’adjudant Jordane conseille de « bien prendre l’expérience des anciens caporaux-chef qui connaissent très bien le travail. Il vaut mieux les avoir dans notre poche que contre nous ! » Surtout en début de carrière car celui qui arrive en sous-officier doit diriger une équipe de militaires du rang, mais n’a lui-même pas d’expérience. « Il ne faut pas mettre une barrière directe, il faut bosser avec eux et c’est là qu’on en apprend beaucoup ». D’autant plus que la formation ne comprend pas de module management ou leadership, « on fait que du scolaire au départ, on a des commandements mais on apprend vraiment les bases du métier. Là ou on acquiert de l’expérience c’est sur base par la suite ».

 

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