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Rencontre avec Marc Antoine, ancien opérateur au 1er RPIMa

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Bienvenue dans Defense Zone, le Podcast qui traite des questions de défense et de sécurité à travers des entretiens avec des militaires, des membres des forces de l'ordre, des personnalités politiques, ou encore des entrepreneurs.

L'objectif de cette émission audio disponible sur toutes les plateformes en ligne de Podcast est d'ouvrir au grand public les portes d'un univers d'ordinaire plutôt secret, dans le but de donner à réfléchir à des questions qui nous concernent tous, qu'elles soient politiques, géopolitiques, économiques ou plus largement sociétales.

Dans ce nouvel épisode nous partons à la rencontre de l’adjudant Marc-Antoine aujourd'hui instructeur au centre d’entraînement spécialisé du commandement des forces spéciales Terre. Engagé à 17 ans ce chuteur opérationnel ancien membre d’un groupe de contre-terrorisme et libération d’otage du 1er régiment parachutiste d’infanterie de marine de Bayonne nous parlera avec conviction de sa carrière au sein de cette prestigieuse unité, de sa formation, ses premières opérations et de son expérience pour intégrer les forces spéciales.

 

 

 

Présentation

Qui êtes-vous ?

J'ai 33 ans, je suis adjudant de l'armée de terre et je travaille aujourd'hui au Centre d'Entraînement Spécialisé de Pau. Je suis issu du 1er RPIMa (1er régiment parachutiste d'infanterie de marine) où j'ai fait, jusqu'à cet été, toute ma carrière. Je me suis engagé à 17 ans, je sortais tout juste de mon bac, j'avais une petite lettre d'émancipation de mes parents pour pouvoir m'engager avant la majorité, et j'ai intégré le 1er RPIMa en tant qu'engagé volontaire. J'ai suivi toute la formation qui a duré un peu plus d'un an, et il m’a fallu presque deux ans, pour intégrer les groupes action fin 2007, début 2008, j'avais tout juste 19 ans. J'ai gravi les échelons jusqu'à finir mon temps de chef de stick action cet été et être muté au Centre d'Entraînement Spécialisé du commandement des forces spéciales Terre.

 

Pourquoi s'engager si jeune et plus particulièrement dans les forces spéciales ?

Pour ma part ce sont deux questions différentes. Pour, l’armée, c’est assez simple pour moi, ce sont les attentats du 11 septembre aux États-Unis. J'étais dans ma phase d’adolescent qui se pose des questions : qu'est-ce que je vais faire de ma vie ? Au collège, comme beaucoup de garçons, j'avais envie de devenir pompier, pilote de chasse, ou bien militaire. À l’époque j'avais un de mes cousins qui venait d’intégrer les nageurs de combat à Quélern. On en a discuté un peu et j'ai dit : "Moi, je veux servir, je veux avoir ma carte à jouer, je veux que ma vie serve à quelque chose." Mes parents ne sont pas du tout issus du domaine militaire, donc un peu réticent à l'idée de l'engagement. Mais comme tout bon breton, j'ai un caractère un peu forgé. Ça, je le veux, et je vais le faire, je vais m'engager dans l'armée. Mon cousin, qui connaissait mon tempérament m’a dit : « vise le plus haut. » Et le plus haut aujourd'hui dans l'armée de terre, c'est le 1er RPIMa. Donc c'était simple et entendu pour moi, j’allais demander Bayonne. Mais d’abord mes parents m'ont forcé à passer le bac, pour eux les études c’est important. J’ai accepté et bizarrement, mes notes se sont un peu améliorées. Finalement j'ai eu mon bac avec mention, et tout de suite après, j'ai été recruté.

 

Le choc a été rude à l’arrivée ?

Évidemment qu’il l’a été, mais j'ai envie de dire, qu’il faut un peu démystifier quand même. Bien sûr ce n’était pas facile. J'avais 17 ans, je n'avais pas fini de grandir, je faisais 60 kg et j’arrivais dans un monde avec des gars qui avaient 25 ans, qui pour beaucoup avaient déjà une expérience dans le monde du travail. Moi je vivais encore chez mes parents avec le rythme d’un lycéen qui commence les cours à 8 heures et qui trouve que c’est tôt. Là j’arrivais avec des monstres, des mecs qui vont faire 100 kg chacun, qui font tous des sports de combat, et c’était le cas.

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Au début de nos classes nous étions 45. À la gare de Bayonne, un gars en tenue militaire vous attend sur le quai avec une tête de tueur. J’étais avec mon frère jumeau, nous avions été recrutés tous les deux, on s'est dit : « On est où là ? » Je n’avais quasiment jamais quitté mes parents, je suis jamais parti en voyage tout seul. À Bayonne, le gars nous emmène à la citadelle. On passe le porche c'est quelque chose d’assez majestueux. On prend une petite claque. Une fois débarqués, on nous fait poser nos affaires et là c'est parti. La première nuit, on courait, on pompait, on se mettait dans la boue, on était encore avec nos tennis d'adolescents, on finit à 4h du mat. On s’est regardé en se disant : « On ne va pas tenir, c'est quoi ce rythme de fou ? » Finalement on part se coucher mais ils nous réveillent 1h30 plus tard. C’était reparti de nouvelles séances de sport. L’arrivée à durée finalement trois jours ! Mais on se rend compte qu'il n'y a pas de secret, tout le monde est fatigué, même les champions de sport de combat. Et là, on se dit : « Pourquoi moi je craquerai plus que les autres ? » Il y a une part de fierté déjà qui rentre en ligne de compte, suffisamment pour se dire : « Moi, je ne craquerai pas. » En une semaine on avait perdu une quinzaine de gars. La deuxième part de fierté, c’est de se dire que depuis le collège j’avais dit à mes parents que je voulais m’engager. Je ne voulais pas faire échec et montrer que j’étais capable d’aller jusqu’au bout.

Donc on prend une grosse, grosse claque car c’est un monde très différent avec des comportements et un langage à part mais avec le temps rien n'est insurmontable, on avance tout simplement.

 

Il y a des changements physiquement et psychologiques au fil de la formation ?

On évolue tout le temps et encore plus vite à l’armée. Mais on ne se voit pas forcément changer. À cette époque nous étions coupés du monde. Plus d’affaires civils, plus de téléphone et on se voyait à peine dans le miroir car le rythme était vraiment dense. Mais finalement, au bout de quelques mois quand on enfile nos vêtements civils on ne rentre plus dedans. Mes cuisses ont doublé. En fait c’est normal quand on y pense. On passe toutes les semaines à faire 30 km de nuit dans le Pays basque, on se muscle, on grossit. On vieillit aussi. Quand j’ai terminé la formation initiale pour intégrer groupe j’ai vu mon premier cheveu blanc. Mon frère lui, il s'était blessé aux classes, donc il avait quitté, et on se retrouve au bout d'un an et demi chez mes parents, et ma mère constate que je ne lui ressemble plus trop. La formation use, elle est dure, mais c’est aussi cela qu'on aime.

 

 

La formation au 1er RPIMa

Comment ça se passe le cursus de formation au 1er RPIMa ?

Aujourd’hui, il y a deux manières d'arriver au 1er RPIMa : en s'engageant directement ou en étant déjà militaire. Dans mon cas, j'ai suivi une FGI (Formation Générale Initiale). Les classes vont durer trois mois, mais c'était six mois à mon époque. C’est la partie initiale qui permet de devenir militaire mais pas encore force spéciale même si celle-ci est spécifiquement encadrée par des militaires de Bayonne.

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Après cette phase on intègre une FTS (Formation Technique Spécialisée). C'est un stage qui dure un an qui permet de se former pour devenir opérateurs dans un groupe d’intervention. C’est ce qu'on appelle le stick action. Le stick action c’est l'unité élémentaire d’intervention. Elle comprend 10 personnes et est commandée par un sous-officier supérieur ou un lieutenant. Il a un adjoint à peu près du même niveau, et 8 équipiers. À ce niveau-là vous n’êtes pas encore entré dans la phase de spécialisation, vous êtes l'opérateur de base. Sauf que dans un stick action à 10, on doit quasiment remplir les fonctions d'une section d'infanterie où ils sont 30. Donc forcément aucun équipier ne peut avoir qu’une seule fonction. Chacun va suivre formation spécialisée dans un domaine spécifique. Quand je suis sorti, j'étais le spécialiste santé du groupe et je suivais aussi une formation de tireur d’élite. Mais vous avez aussi des spécialistes en explosifs, en transmission, des dronistes etc. Ensuite vous allez continuer à acquérir des savoir-faire tout au long de votre carrière et en fonction de la mission sur laquelle vous êtes envoyé. La formation d'un opérateur spécial n'est jamais terminée.

 

Vous intégrez le stick action en quelle année ?

On est début 2008 mais je dois d’abord suivre la formation sur mes deux spécialités santé et TE, qui sont celles qui manquaient dans le groupe à ce moment-là. Les formations sont longues et contraignantes Après, toutes les spécialités le sont. Les transmissions par exemple sont très techniques. Encore plus aujourd'hui avec les nouvelles technologies. Comme le pilote de drone qui est sans cesse en train de se remettre en question pour savoir comment il peut améliorer sa spécialité, et c'est là que la grande force des forces spéciales : chaque opérateur, qu’il soit première classe ou adjudant-chef, doit innover. Mais notre chance dans les forces spéciales c’est qu’on nous donne la possibilité de le faire. Quand vous êtes commando, vous n'êtes plus regardé comme le simple première classe avec un balai à la main sous l’œil de l’encadrement. Le spécialiste d'un domaine, quel que soit son grade, se doit d’innover et de faire progresser son domaine de compétence parce que l'ennemi fait la même chose en face. L’ennemi lui innove. On se pose tout le temps la question de comment faire pour gagner la guerre. Mais c'est la grande liberté que l'on a dans les forces spéciales, on nous laisse réfléchir pour innover.

 

Ça se traduit comment pour un spécialiste santé par exemple ?

C'est tout simple : il faut regarder dans le monde civil ce qui se fait, qu'est-ce que font les pompiers, qu'est-ce que font les Delta Force aux États-Unis, qu'est-ce que font les Australiens ? Vous regardez un petit peu partout, vous regardez aussi les revues. Quelles sont les nouvelles blessures, quelles sont les armes que les ennemis utilisent, quelles blessures vont-elles créer ? Il y a aussi les moyens d’évacuation : quels sont les nouveaux hélicoptères, comment on fait pour évacuer nos blessés sous le feu avec ce type d’appareil ? C'est toutes ces questions-là qu'on se pose, qui sont des questions techniques, mais aussi de stratégie, de tactique tout simplement pour rester les meilleurs.

 

Ça fait quoi son premier saut en chute ?

Au début on commence dans un paraclub, c’est donc assez facile. Le vrai premier c’est celui en opération, celui au-dessus d’une zone de guerre. Vous sautez de nuit, et vous savez que quelqu'un vous attend en bas. Il y a une part de fierté forcément en se disant : « ça y est, j’y suis ».

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On a le temps d’y penser pendant le saut ?

Absolument pas ! La réflexion c'est dans l'avion. On fait souvent un long vol avant, de plusieurs heures et là on a le temps de réfléchir. Pendant le saut on a plus le droit de se tromper, mais comme tout le reste finalement. Mais le saut, le saut opérationnel, il y a quelque chose en plus. Vous êtes à 4 000 mètres, de nuit, il n'y a aucune lumière, vous volez au-dessus d'endroits habités par des personnes qui ne sont pas forcément vos amis, vous vous posez sans un bruit, vous récupérez votre groupe, vous marchez quelques kilomètres, et vous allez traiter un objectif. Ça reste quand même assez mythique.

 

 

Les opérations

À quel moment le premier départ ?

Je pars fin 2008, donc assez rapidement. Après ma formation santé à Metz, j’enchaîne sur le stage tireur d’élite. La formation se termine à peine que le stick est envoyé en mission.

 

On est dans quel état d'esprit sur sa première mission ?

On ne sait pas à quoi s'attendre, mais on a hâte. Je pense avoir eu la chance de partir sur une mission où il n’y a pas eu de gros contacts. On est en 2008, l’Afghanistan se terminait pour les forces spéciales, même s’il y a eu un gros réengagement par la suite. Les forces conventionnelles commençaient les premières grosses actions de feu et le Mali n’était pas encore commencé. Je partais sur une mission et de protection. J’étais pressé de commencer cette mission tout en profitant de celle-ci pour continuer à progresser. Même si on est assez jeune, quand on arrive en opération en tant que FS on est regardé différemment. Il y a un peu un poids des responsabilités et de cette image de forces spéciales. Sur place, comme nous sommes mélangés avec les autres militaires, il y a souvent deux regards. On va voir celui des personnes qui viennent vous voir avec sympathie, qui vous pose des questions et j’aime bien car je pense que tout le monde a sa place et ceux qui sont intéressés par notre spécialité ont le droit d’y penser, d’avoir ce rêve et de venir nous en parler.

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En revanche, on a aussi le regard de ceux qui sont jaloux et c'est là qu'il ne faut pas tomber dans le piège de cette jalousie. À ce moment-là j’étais dans une grande base aérienne avec des militaires de l'armée de l'air et notamment beaucoup de femmes. Pour le coup, le commando arrive là-dedans un peu comme une rock star. Quand vous rentrez un endroit, tout le monde vous regarde. C’est à ce moment-là qu’il ne faut pas tomber dans le piège. Il ne faut pas en faire trop ne pas penser que l’on est le meilleur. Après, nous avons la chance d’avoir tous les âges dans le groupe, et les plus anciens sont là aussi pour nous guider. C’est important de garder beaucoup d’humilité. Mais je pense que je suis toujours resté quelqu'un d'assez humble et je me suis toujours dit ce n’est pas parce que moi j'ai réussi à tenir pendant un an de formation que je suis devenu Superman.

 

Premier coup de feu, comment réagit-on ?

On est programmé. On ne se pose pas de question. Avant j’y ai beaucoup réfléchi, comment je vais réagir quand ça va être réellement le moment pour lequel on s'est entraîné ? Est-ce que je vais avoir peur est-ce que je vais dépasser par le stress ? Et finalement quand ça arrive, on s'est tellement entraîné, on a tellement tiré de coup de feu sur des pas de tir, on a tellement fait de combat, de simulation, qu’on le fait quasiment automatiquement. C’est comme respirer, on ne se pose pas la question si mon cœur doit battre. Au combat c’est vraiment la même chose ce sont des automatismes qui se mettent en place. On fait des choses sans se poser la question de les faire. On les fait parce qu'on doit les faire parce qu'on a été entraînés pour ne pas se poser la question le moment venu. On peut se poser des questions avant, ou au retour sur base, mais jamais pendant le combat.

 

Est-ce un soulagement de connaître sa réaction sur une prise à partie ?

Je ne l’ai pas ressenti comme ça, mais chacun le vit d’une manière différente. AU retour il y a surtout le groupe qui est uni. On a tous vécu ce moment intense et nous sommes surtout contents de tous êtres rentrés entiers et d'avoir réussi notre mission. Ensuite, même si nous sommes contents quand ça s’est bien passé, on réfléchit à ce qui a été ce qui n'a pas été comment faire mieux la prochaine fois et on se prépare à repartir.

 

Cette spécialité est dangereuse, comment réagit-on face à la blessure et à la mort ?

La première fois que j’ai été confronté à la mort, c’était justement sur ma première opération. Un de nos partenaires est mort dans un accident de la route. Il s’est retrouvé écrasé par un bidon, ce qui peut arriver quand on roule très vite dans le désert et assis sur le toit du pick-up. Comme j’étais le spécialiste santé, je suis appelé pour intervenir. Vu son état, je ne pouvais rien faire pour lui. C’était la première fois que j’étais confronté à une mort "non naturelle". Mais ce qui est encore plus frappant c’est de voir le comportement de son entourage. Les gens étaient tristes, mais pour le manque qu’il allait laisser, pas pour lui. On peut avoir l’impression que la vie humaine peut avoir moins de valeur qu’en France, c’est juste qu’ils partent du principe que la mort est un cycle naturel de la vie. Après ça, on prend déjà un peu plus de recul. On se rend compte que cela peut arriver et que ce n’est pas parce que l’on est FS qu'on ne va pas juste mourir d'un accident de voiture ou se faire écraser sur le trottoir en France.

Hommage, mort au combat

Après il y a les morts que vous vous faites en opération c'est encore une autre étape c'est vous qui donnez la mort moi j'ai la chance de jamais avoir eu à donner la mort sur quelqu'un qui ne voulait pas me la donner. J’étais dans un rapport très simple. SI moi je ne donnais pas la mort, c’est celui d’en face qui le ferait. Même si l’on a une certaine forme de respect pour l’adversaire, sa mort ne va pas vous attrister. Après ce qui est beaucoup plus dur par contre c'est quand vous perdez un gars de votre équipe c'est autre chose parce que là vous vous identifiez par rapport à lui et c'est là où vous dites qu’il faut rester humble parce que ça pourrait être vous. Il n’était pas moins bon que vous, peut-être même meilleur et pourtant il y est resté. C’est aussi pour cela qu’il faut rester humble. Cette perte est vraiment triste, mais c’est surtout très dur pour la famille. Nous nous l’acceptons. On s'est engagé en sachant que cela pouvait arriver. Il y a eu 90 morts en Afghanistan une soixantaine au Mali mais il faut penser aussi que pendant la Première Guerre mondiale ce sont près de 1 300 000 soldats qui sont tombés. Ça fait partie de la vie, ça fait partie de notre travail. Depuis que l’on s'est engagé on sait que ça peut arriver.

 

Les opérations s'enchaînent ensuite ?

Oui et il y a des pics ce n’est pas dévoiler un secret si je dis que les armées ce sont engagées à plus ou moins grand niveau. Il y a des moments nous étions en véritable surchauffe avec parfois de 8 mois sur 12 de mission à l’étranger. Le reste du temps nous étions en entraînement sur différents camps français, sans compter les séances de sauts. Donc on peut dire que globalement c’est assez dense.

 

Avec ce rythme, est-il possible d'avoir une vie de famille ?

Oui mais ce n’est pas facile. Après, un VRP ou un PDG une grande entreprise n'est pas très souvent à la maison non plus, et pourtant on ne se pose pas la question s'il arrive à avoir une vie de famille pourtant je pense qu'il a un rythme qui est bien plus important que nous. Regardez notre président, il a un rythme de déplacement qui est bien plus important qu’un personnel de l'armée de terre et même des forces spéciales et pour autant il a une vie de famille. Donc oui on peut l’avoir mais ce n’est pas facile et surtout c’est difficile à comprendre surtout que on a on a quand même très peu de récompenses pour la famille. Vous partez des fois ils ne savent pas où nous sommes, ni réellement pour combien de temps. Il y a certaines missions où on n’avait pas beaucoup de contacts avec la famille et ça faut qu'elle encaisse. Nous nous l’acceptons, mais notre engagement n'est pas celui de notre femme. Nous nous avons signés car nous voulions servir, mais pas elle. Donc ce n’est pas évident mais une vie de couple n'est jamais simple de toute façon, mais on y arrive.

 

Est-ce que les missions et l'organisation ont évolué ?

Les sticks évoluent parce que les conflits changent, donc les sticks s'adaptent au conflit. La technologie prend énormément de place aujourd'hui dans nos actions. Donc le personnel qui doit s’en servir évolue lui aussi.

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Par contre, ce que j'ai appris quand j'étais tout jeune équipier il ne faut pas l’oublier. On a vite tendance à se reposer sur la technologie mais c’est une erreur . On ne peut pas faire confiance à 100% dans la technologie et on fait tout pour que ce ne soit pas le cas. Quand je suis sorti de mon année et demie de formation je savais tirer, marcher, me déplacer dans la nature et porter des charges lourdes et j’avais l’impression de ne savoir faire que ça. Mais ce que je faisais, je le faisais bien. Aujourd'hui, on apprend à faire énormément de choses. On utilise des postes radio satellitaires, on sait envoyer des données, des images et des vidéos de façon sécurisée à l'autre bout du monde. On utilise des drones, on utilise des systèmes d'armes qui sont très évolués. Pour autant, on reste des combattants, et le combat ça reste de la tactique. On n'a pas besoin de technologie. Nos adversaires utilisent aussi la technologie, parfois ils sont même plus rapides que nous. Nous l’avons vu avec Daesh, ils allaient très vite dans la création de nouveaux outils de combat. Mais ce qui nous caractérise, c'est le combat et cela passe avant la technologie. Si on sait combattre, on sait évoluer, on sait réfléchir et s’adapter. Ce sont des principes que l’on nous inculque depuis nos premiers jours de formation et ça ne changera jamais.

 

 

L'esprit commandos

C'est important l’humilité dans les forces spéciales ?

Oui parce que l'humilité poussera toujours à se remettre. Celui qui se prend pour un guerrier sans faille finira par perdre parce qu'il ne se remettra plus en question et il ne cherchera plus à progresser. Tout le monde peut être le meilleur un jour mais personne ne le restera sans effort et remise en question.

 

Est-ce qu'un équipier est une personne à part ?

L’équipier des forces spéciales n’est pas quelqu’un de meilleurs que les autres mais il fait tout pour l’être. Quand vous faites le bilan, on a été recruté parmi des milliers de jeunes pour venir au régiment. Nous avons été formés pour être les meilleurs on se doit de rester les murs c'est normal et en toute humilité quand on suit des stages avec d’autres militaires de l’armée de Terre on fait tout pour être les meilleurs et ce serait anormal de ne pas avoir cet été d’esprit et tout faire pour y arriver.

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Il y a toujours une envie d'être le meilleur possible ?

Ce n'est pas volontaire c’est peut-être même pas des fois assumé et conscient dans la formation mais oui il y a une programmation. Déjà il y a une compétition en interne pendant les stages de formation. Cela peut paraître un peu malheureux, mais c’est comme dans une équipe de foot, il y a toujours une compétition pour savoir qui sera le meilleur et lequel sera sélectionné. Nous, c’est un peu pareil. On veut toujours être devant car à la fin du stage il y a une affectation dans des groupes plus ou moins spécialisés et nous voulons tous être dans celui qui potentiellement peut faire le plus de missions. Mais c’est important ce type d‘émulation. J'ai souvent entendu dire quand j'étais plus jeune si vous n'y arrivez pas, personne n'y arrivera c'est donc vous qui devez le faire. Donc oui il y a une programmation qui fait qu'on cherche toujours à être à la pointe de notre spécialité.

 

La notion d'équipe paraît importante, pourquoi ?

Parce que l’on a fait le cumul et quand on voit le résultat je passe plus de temps avec mon groupe qu'avec ma femme. Déjà, hors de temps de sommeil, je suis plus souvent au travail qu’à la maison. En plus nous partons plusieurs mois avec les mêmes personnes où l’on vit des choses que vous ne vivrez avec personne d’autre. Nous sommes envoyés au bout du monde, on vous donne des missions où l’on vous balance en parachute en pleine nuit en plein milieu du désert, avec des combats qui vous attendent en bas. On a eu des moments très durs ensemble. Une fois nous avons passé 48 heures dans le désert, sans eau et sans savoir comment et quand nous allions être récupérés. Ce sont des moments très difficiles qui tissent des liens très fort entre nous. Sur le terrain nous sommes dix commandos, chacun avec des caractères très fort mais pour autant dans les moments durs on est tous ensemble, on se sert les coudes, donc forcément la cohésion est très importante. Après ce qui est paradoxal c'est que dans les Forces Spéciales vous allez avoir une très grande cohésion en interne des sticks mais la cohésion régimentaire je pense qu'elle est plus faible que dans un régiment de l'armée conventionnelle parce qu’on ne part jamais en compagnie constituée.

 

 

Devenir équipier au 1er RPIMa

Être équipier paraît être une alchimie complexe entre le physique, le mental, l'entraînement et les connaissances techniques. Qu'est-ce qui prend le pas par-dessus tout ça ?

Tout est une histoire de cycle. Pendant la formation, c'est le physique et le mental. Évidemment on dit souvent que c’est le mental qui fait la différence, mais entre un militaire qui a une VMA de 20 et un autre de 11 et que l’on doit courir toute la journée avec nos sacs à dos et que pendant trois semaines, on vous interdit de marcher, à mental légal, il y en a un qui sera quand même beaucoup plus facile à cet exercice que l'autre. Donc, le physique est important, c'est certain. Mais le physique s'acquiert, le mental s'acquiert aussi, mais pas la mentalité.

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La mentalité pour nous c’est l’esprit. Pour moi c’est presque quelque chose d’innée. Quelqu'un qui pensera constamment à lui, qui a besoin d’être dans la lumière, il ne peut pas faire ce métier, du moins pas longtemps. L’esprit c'est aider, donner, se sacrifier pour le gars qui est à côté de nous. C’est l’esprit de corps. Si on fait une erreur, c’est ce dire « ce n'est pas grave, on va l'assumer ensemble et on va s'en sortir ». Ça c’est souvent inné chez les équipiers et pour moi c’est le plus important. Tout le reste peut s’apprendre.

 

Qu'est-ce qu'il faut comme qualités pour intégrer les forces spéciales ?

Il faut surtout avoir l’esprit. Tout le reste, je pense qu’on peut l’acquérir. Notre recrutement n’est pas fermé, les femmes peuvent postuler aussi. Une fois que l’on a passé les filtres RH et la sélection inhérente à la formation, tout le monde peut y arriver. Mais il faut de la motivation. Évidemment il faut de bonnes qualités physiques pour pouvoir suivre les entraînements mais avec de la volonté on peut tout réussir.

 

 

Pour conclure

Votre plus grand défaut ?

Manquer de sang-froid parfois quand quelque chose ne me plaît pas et de le dire un peu trop haut et fort. J’ai certainement un peu trop de convictions parfois et je pense que de temps en temps j’aurais dû être un peu plus souple et laisser faire les choses même si la façon dont elles sont faites ne me plaît pas forcément. Il faut parfois laisser faire et attendre la finalité. Quand j’étais plus jeune j'étais un petit peu trop "rentre-dedans", je voulais toujours que tout aille vite. Je sais que j’ai parfois froissé certains de mes chefs.

 

Le meilleur conseil que l'on vous a donné ?

Quand j'étais jeune, j'avais l'ambition de rejoindre un groupe chuteurs opérationnels. À mon époque, c'était un petit peu le Saint Graal des Forces Spéciales. C'était le saut en chute libre, les sticks contre terrorisme, la libération d’otage. Je ne pensais qu’à ça. Problème, il fallait avoir au moins 25 ans et 5 ans d’expérience avant d’intégrer les chuteurs. Pendant la formation, j'ai eu un sergent à ce moment-là, qui lui intégrait les groupes "chute ops". Il m'a dit : « ne te laisse pas décourager, tu peux y arriver ». Et c'est celui que je donnerais à tout le monde : « n’écoutez pas ceux qui veulent vous décourager. Si vous avez l'ambition de le faire, si vous avez la motivation, pour le faire, il faut le faire, et vous verrez bien ce qui se passe ». En cas d’échec il faut savoir rebondir et prendre ça comme une expérience que l’on doit vivre. Personne n'y arrivera sans essayer, et je pense que je suis vraiment le bon exemple. À 17 ans, je faisais 60 kg, je pratiquais un petit peu l’athlétisme, pas beaucoup de sport de combat à part du judo et pourtant je suis là aujourd’hui…et j’ai intégré les chuteurs trois ans après ma formation, j’avais 21 ans !

Votre plus beau souvenir ?

C'est aussi une de mes plus grandes fiertés. C'est une opération où j'étais jeune sergent en groupe chuteur opérationnel, mais elle ne pouvait se faire que par le sol. Notre mission consistait à récupérer une personne dans un village rempli d'ennemis. Il fallait donc y aller en "souplesse". J'ai proposé de prendre une échelle depuis le départ de la mission et pendant les 14 km d’infiltration jusqu'à l'objectif. C'était, pour moi, le moyen le plus simple et efficace de passer les enceintes des maisons et d'aller récupérer la cible pendant son sommeil sans réveiller un habitant. L'équipe m'a dit « non, c'est impossible ! On ne pourra jamais porter cette charge en plus dans le sable alors que nous avons déjà nos sacs pleins d'eau, de munitions et d’équipements ». J’ai répondu qu'à 19 ans, perndant notre formation on portait des sacs de 60 kg, donc avec l'âge et l'expérience, ce serait plus "simple" et que j'allais m'en charger. J'ai porté cette échelle pendant les 14 km. Quand nous sommes arrivés sur l'objectif j'étais littéralement épuisé. Mais nous avons mené la mission jusqu'au bout et nous sommes repartis avec la cible sans tirer un coup de feu ni faire un bruit. C'était une belle opération.

 

En un seul mot, votre carrière à Bayonne ?

Intense

 

 

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