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La lutte anti-drones

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La lutte anti-drones est aujourd'hui devenue l'une des priorités du ministère des Armées. La menace que les drones représentent aussi bien sur les théâtres d'opérations extérieurs que sur le territoire national ne cesse de croître. Alors que l'organisation de deux grands événements sportifs devra se faire demain, les ministères mettent les bouchées doubles pour être prêts à assurer la protection des civils comme des infrastructures et des forces armées.

 

Les drones : une menace pour la France

La France n'a encore jamais fait l'objet d'une attaque de drone trafiqué. Mais ils représentent une menace grandissante à la fois pour ses forces armées sur le territoire national et les théâtres extérieurs mais aussi pour les installations étatiques sensibles comme pour les personnes physiques, lors de grands rassemblements par exemple.

 

  • Une menace qui s'accélère

Dans un récent rapport d’information consacré à l’opération Barkhane, il est notifié que "plusieurs sources de renseignement laissent en effet entendre que sur le théâtre [sahélien], les groupes armés terroristes seraient dorénavant à même de conduire des attaques à partir de drones, comme cela s’est déjà produit sur d’autres théâtres, en particulier au Levant".

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Pour l'instant, la prolifération de drones militaires, armés ou susceptibles de l'être, est observée principalement au Moyen-Orient et l'utilisation de drones civils piégés est principalement observée au Levant. 

L'utilisation massive de drones tactiques et de petits drones moins coûteux - parmi lesquels des drones-suicides - que ceux des puissances occidentales a été observée lors des combats en Libye. Mais aussi lors de la campagne de la Turquie dans le nord de la Syrie (où 60 attaques coordonnées de drones auraient été menées en 2019). Au Yémen, les milices houthies utilisent des drones iraniens (dont le drone tactique armé Abalil). C'est également le cas pour le Hamas à Gaza, le Hezbollah au Liban, des milices au Soudan, en Irak et en Syrie... 

Ces groupes peuvent ainsi conduire, à bas coût, des attaques ciblées très efficaces. En 2019, en Arabie saoudite, les raffineries d'Aramco ont subi des attaques attribuées à l'Iran d'une vingtaine de drones low-cost. Résultat, les raffineries n'ont pas pu produire pendant six mois. Le 5 juillet, à Bagdad, en Irak, un drone piégé a survolé l'ambassade américaine et a été abattu par les militaires qui assuraient la protection du bâtiment.

En 2020, lors du conflit dans le Haut-Karabakh, l'Azerbaïdjan a fait usage d'essaims de drones peu élaborés contre l'Arménie. Une première dans le cadre d'un conflit interétatique. Ce conflit a montré la vulnérabilité des unités au sol face à des drones difficilement détectables par des moyens conventionnels. 

 

Les drones risquent bien de révolutionner les prochaines guerres. Et, selon le rapport sur la guerre des drones publié le 7 juillet 2021 par l'Assemblée nationale, la France n'est pas suffisamment prête à faire face à cette menace. 

 

  • Des usages malveillants ou terroristes de drones de loisir

En Europe, les incidents impliquant des drones sont de plus en plus fréquents. En 2019, environ 2.000 incidents liés aux drones se sont produits dans le ciel européen, selon l'Agence européenne de la sécurité aérienne (AESA). En 2018, des dizaines de survols de drones au-dessus de l'aéroport londonien de Gatwick ont provoqué l'annulation de plus de 1.000 vols. Des incidents similaires se sont produits aux aéroports de Madrid et de Francfort en 2020. Un an avant l'Euro de football 2016, des drones avaient survolé des centrales nucléaires. 

Les "gros" drones, potentiellement armés, utilisés par des puissances étatiques représentent la menace la plus dangereuse. Mais, selon un rapport du Sénat publié fin juin, les drones représentant la menace la plus probable sont les drones civils, de plus petite taille, utilisés à des fins de renseignements, de prises de vues, d'actes criminels ou terroristes. 

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C'est contre eux, estiment les rapporteurs, qu'il faut "articuler la défense aérienne avec les différents dispositifs de lutte anti-drones déployés par de multiples d’acteurs, au premier rang desquels les forces de sécurité intérieure, les administrations et les opérateurs d’importance vitale". Mais aucun dispositif ne sera infaillible contre ces drones. "Il sera impossible qu’aucun acte terroriste, criminel ou malveillant ne soit commis au moyen de drones", constatent les rapporteurs. Et différencier un petit drone à usage civil d'un petit drone criminel ou terroriste s'avère de plus en plus difficile. Ils sont peu ou pas détectés par les défenses sol-air classiques car ils volent à une vitesse réduite et avec une faible signature radar. 

Les petits drones, dits de loisir, constituent donc une menace pour la France. Et leur nombre sur le territoire national a augmenté ces dernières années, passant de 400.000 en 2017 à 2,5 millions en 2021. Des chiffres qui augmenteront dans les années à venir. Et la gendarmerie des transports aériens a répertorié une importante croissance des incidents répertoriés durant les premiers mois de l'année 2021 avec une centaine de survols de sites sensibles ou de zones interdites. 

Ces drones, qui évoluent en basse altitude,voire très basse altitude, peuvent tomber accidentellement, mais surtout, être détournés de leur usage premier et utilisés à d'autres fins. Ces menaces sont regroupées en deux catégories : l'usage malveillant des drones, y compris criminel, et l’usage des drones à des fins terroristes.

Sept scénarios sont ainsi susceptibles de survenir sur le territoire national : l’atteinte à la vie privée ; la mise en cause de la crédibilité des pouvoirs publics ; l’organisation et la commission d’actes criminels, dont une menace spécifique visant l’administration pénitentiaire (préparation d’évasion, livraison de colis en tous genres, etc.) ; la perturbation de la circulation aérienne ; la recherche, le vol et l’obtention d’informations protégées, ressortant notamment de l’espionnage industriel ; la commission d’actes terroristes à l’encontre de hautes personnalités ; l’attaque d’installations sensibles. 

Exercice d'interception de drone à la base militaire d'Avord

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Pour protéger les infrastructures et les civils sur le territoire national, des dispositions ont été prises depuis quelques années. La loi du 24 octobre 2016, relative au renforcement de la sécurité de l’usage des drones civils, impose "un enregistrement et une immatriculation des drones acquis dans le commerce et la formation des pilotes, qui a permis de limiter les vols illégaux, ainsi que de l’obligation, depuis le 29 juin 2020, d’équiper les drones de plus de 800 grammes d’un signalement électronique". 

De plus, le choix a été fait de se concentrer sur la protection des sites les plus sensibles et des événements particuliers (foule importante, présence de hautes personnalités). Ainsi, chaque opérateur est responsable de la protection de ses installations. Par exemple, le groupe Aéroports de Paris (ADP) est chargé de protéger les infrastructures aéroportuaires de Roissy Charles de Gaulle, d’Orly ou encore du Bourget. Et Électricité de France (EDF) est chargé de protéger les centrales. 

Cependant, seules les forces de sécurité intérieure et les armées peuvent neutraliser un drone, et ce dans certains cas spécifiques. Les personnels des sociétés de sécurité peuvent détecter un drone mais pas le neutraliser. En outre, afin d'interdire à un drone ou un bateau l'accès à un espace particulier, des dispositifs particuliers de sûreté aérienne (DPSA) ou de sauvegarde maritime (DPSM) peuvent être déclenchés pour créer des bulles de protection temporaires et planifiées.

 

  • La lutte anti-drones : une priorité

Quantitativement et qualitativement, les capacités de lutte anti-drones de la France apparaissent limitées selon le rapport de l'Assemblée nationale de juillet dernier. Pour les rapporteurs, la priorité est donc de "mettre en place un ambitieux plan d’équipement au profit des forces de sécurité intérieure comme des armées, visant d’abord à accroître en nombre les capacités de lutte anti-drones des différents acteurs". Et la seconde priorité est de "rehausser la qualité des dispositifs de lutte anti-drones" afin de faire face à une menace en évolution permanente. 

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Dans son dernier rapport, le Sénat constate qu'en matière de lutte anti-drones, que ce soit sur le territoire national ou sur les théâtres extérieurs, "il n'existe pas de solution totalement adaptée et satisfaisante, en termes de détection comme de neutralisation". Les rapporteurs appellent donc à un renforcement des moyens de détection et de neutralisation et appuient sur la nécessité de "rassembler l'ensemble des moyens et technologies (capteurs et effecteurs) concourant à la lutte anti-drones dans un système intégré". Pour les rapporteurs, ce système intégré devra être ouvert et s'articuler avec les défenses sol-air (DSA) de courte et moyenne portée grâce à un système de commande et contrôle (C2) agile. Ce système devra aussi pouvoir résister à des vols en essaim et à des attaques saturantes. 

La mise en place d'un système de navigation aérienne et de contrôle dans l'espace aérien de très basse altitude, est aussi une priorité selon le rapport. Tout comme l'adaptation du cadre juridique en vigueur, notamment dans le domaine de la neutralisation des petits drones.

La commission estime qu'il est aussi essentiel que les forces disposent d'une "capacité de défense anti-aérienne de contact" mobile au niveau des unités. Elle recommande également de lutter contre la propagande sur les réseaux sociaux.

 

  • Être prêt pour la Coupe du monde de Rugby 2023 et les Jeux Olympiques 2024

Face à ces multiples menaces, la France doit accélérer ses recherches et proposer rapidement des solutions de lutte anti-drones d'autant plus que deux événements majeurs, dont il faudra assurer la sécurité, auront lieu en France dans peu de temps : la Coupe du monde de rugby en 2023 et les Jeux olympiques et paralympiques de Paris en 2024, qui concentreront plusieurs événements sur 25 sites différents. 

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D'ici là, les ministères des Armées et de l'Intérieur devront disposer de moyens de détection et de neutralisation de drones malveillants adaptés à ces événements sportifs. Or, en l'état actuel des choses, la France n'est pas suffisamment prête pour pouvoir affronter une attaque coordonnée de drones sur son territoire, souligne le rapport de l'Assemblée nationale publié le 7 juillet 2021. 

 

 

Les systèmes anti-drones de la France

Pour se protéger de la menace que représentent les drones, la France dispose de systèmes de brouillage de drones. Ces systèmes sont notamment déployés en bande sahélo-saharienne. Début 2021, afin de rattraper leur retard, les armées ont adopté une feuille de route dans le domaine de la lutte anti-drones et un programme d'armement dédié a été créé.

Les derniers rapports plaident pour l'acquisition de plus de moyens de lutte pour les armées et la police et la gendarmerie nationales. Et pour l'anticipation des futures évolutions du secteur. 

 

Les systèmes anti-drones militaires

En plus de la modernisation en cours de la défense aérienne classique (notamment les évolutions du SCCOA), les armées ont développé plusieurs dispositifs afin de renforcer la lutte anti-drones et de faire face à l'accentuation de la menace des drones sur les théâtres d'opérations, et sur le territoire national. 

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La capacité AR-LAD

Les blindés des unités terrestres ne sont pas assez protégés de la menace que représentent les petits drones armés. Ainsi, à la demande de la force Barkhane, la section technique de l’armée de terre (STAT) a développé la capacité AR-LAD (adaptation réactive de lutte anti-drones). 

Cela consiste à doter un véhicule de l’avant blindé (VAB) d’une capacité de lutte anti-drones associée à ses tourelleaux téléopérés. Le système procède d'abord à la détection et à l'identification du drone à 2 km de distance. Et si c'est nécessaire, le drone peut ensuite être neutralisé grâce à une mitrailleuse 12,7 mm. 

  

En 2021, plusieurs de ces systèmes sont déployés en bande sahélo-saharienne. Et d'autres seront mis en place dans les prochains mois. L'armée de terre, confrontée directement à la menace des drones dans cette zone, est donc dotée d'une première capacité mobile, prémices de la défense sol-air d’accompagnement.

 

Le système BASSALT

Pour la lutte anti-drones, l'armée de l'Air dispose du système BASSALT, développé par la société Hologarde (filiale d'ADP). Ce système est issu d'un partenariat noué entre le commandement de la défense aérienne et des opérations aériennes (CDAOA) et les Aéroports de Paris avec l'appui de l'Agence de l'innovation de défense. 

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Le système BASSALT permet de détecter, identifier, classifier et neutraliser par brouillage la menace drone qui intègre un C2 à base d’intelligence artificielle et offre une visualisation globale de la situation en basse altitude. L'architecture ouverte de ce système permet d'ajouter ou de retirer différentes briques en fonction du contexte d'emploi. Ainsi, différentes sortes de capteurs peuvent être combinées : radar, caméra de surveillance, goniomètre. 

Ce système a notamment servi dès 2019 pour la sécurisation du salon du Bourget et du G7 de Biarritz, dans le cadre des dispositifs particuliers de sûreté aérienne (DPSA). Lors des ces événements, l'Armée de l'air coordonne l'ensemble des systèmes interministériels de lutte anti-drones pour assurer la sûreté aérienne jusqu'à la très basse couche. Des bulles de protection temporaires sont mises en place à l'occasion de ces évènements. 

Le système BASSALT a également été déployé dans le cadre d’une expérimentation menée à Gao. Un seul exemplaire est donc en service mais l'armée de l'air compte s'en procurer deux autres. 

 

Le système MILAD

Le système MILAD (moyens interarmées de lutte anti-drones) s'appuie sur la technique du brouillage. Fin 2017, CS Group a remporté ce marché auprès de l'armée française pour déployer son système de lutte BOREADES dans le but de protéger les bases militaires en France et celles des théâtres d'opérations au Mali. BOREADES est un système multi-senseurs et multi-effecteurs qui agit par brouillage et leurrage. Il est destiné aux trois armées (pour les opérations extérieures et le territoire national). Acquis en 18 exemplaires, il commence seulement à être déployé. 

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Le marché comprend l'acquisition de 500 systèmes pendant 15 ans. Le programme est encore en cours de certification mais la DGA pense qu'il sera pleinement opérationnel bientôt. Des sites fixes pourraient être équipés des premiers systèmes MILAD courant 2021. 

Le marché MILAD a aussi permis l'acquisition de fusils brouilleurs Nerod. Développés par la société MC2 Technologies, ils sont destinés à l'Armée de terre. Une dizaine de ces fusils ont été livrés. Et 25 sont attendus pour 2021. Grâce à ce fusil, les militaires peuvent brouiller la communication entre le drone et la commande du pilote après l'avoir détecté et identifié à l'aide de jumelles numériques équipées de laser, et d'un Aéroscope (valise permettant de visualiser la menace sur une carte). Si la menace est forte, les militaires peuvent tirer sur le drone à l'aide d'un fusil Benelli Nova (fusil à pompe calibre 12). 

Pourtant, le système MILAD est déjà en partie obsolète. En cause : l'évolution de la menace des drones, qui sont de plus en plus autonomes, préprogrammés et donc capables de se déplacer seuls. Ainsi, ils ne se perdent plus en cas de brouillage de leurs liaisons radios. 

Les représentants de l’état-major des armées ont indiqué que le système MILAD est peu mobile et donc peu adapté à une utilisation dans le cadre de dispositifs particuliers de sûreté aérienne. D'où une orientation récente des armées vers le système BASSALT. 

 

Les défenses aériennes et maritimes

La menace que représentent les drones militaires est en partie prise en compte par les postures permanentes de sûreté aérienne et de sauvegarde maritime.

L'armée de l’air et de l’espace a pour mission de tenir la posture permanente de sûreté aérienne (PPSA). C'est l’outil ultime de l’État pour protéger le territoire national et ses habitants contre toute agression d’origine aérienne. Cette défense aérienne repose sur le triptyque : détecter et identifier, classifier, et intervenir. Si des drones ennemis survolaient le territoire national, la chaîne classique de la défense serait actionnée. Le drone menaçant pourrait être neutralisé par un tir effectué depuis un hélicoptère ou par une frappe d'avion de chasse. Mais il n'est pas certain que le dispositif permette de détecter les drones de petite taille (surface équivalente radar faible) ou saturants même si le niveau des dernières générations de radar est bon. Quant au missile sol-air français à courte portée, le Crotale NG, qui est une composante majeure de la défense antiaérienne de la France, il est qualifié de "vieillissant" par le rapport de l'Assemblée nationale. Un nouveau système d'arme doit lui succéder dès 2027. 

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La Marine nationale assure quant à elle la posture permanente de sauvegarde maritime (PPSM). Son but est de prévenir ou de combattre les menaces liées aux activités conduites en mer ou à partir de la mer, qu’elles soient de nature civile ou militaire, qu’elles soient navales ou aériennes. Elle doit donc assurer la protection des approches maritimes à Brest afin de garantir la liberté de mouvement des sous-marins nucléaires lanceur d’engins (SNLE). Si des drones navals ou aériens représentaient une menace sur les approches maritimes, les points stratégiques ou l'espace maritime national, la Marine nationale serait chargée de détecter et potentiellement neutraliser ces drones. 

D'après les travaux des rapporteurs de l'Assemblée nationale, "le domaine naval connaîtra les évolutions les plus disruptives des années à venir, en particulier dans le domaine sous-marin". Actuellement, la Russie et les États-Unis sont notamment en train de développer des drones sous-marins. La possibilité de devoir bientôt lutter contre des drones sous-marins espions qui viendraient observer l'activité de la base navale qui accueille les quatre SNLE au large de l'Ile Longue, ou encore le déploiement potentiel de drones dans les grands fonds marins dans le but de recueillir du renseignement ou de saboter des câbles sous-marins, pourraient rapidement devenir réalité, préviennent les rapporteurs. D'où la nécessité pour la France de développer rapidement des solutions de lutte anti-drones. 

 

Les systèmes anti-drones de la police et de la gendarmerie 

Fortes de l'expérience opérationnelle des militaires et face à la recrudescence de l'utilisation des drones pour menacer des personnes ou des infrastructures, les forces de sécurités ont décidées depuis de nombreuses années de se former à la lutte antidrone par la formation des personnes mais aussi avec l'arrivée d'équipements spécialisés

 

Les équipements de la gendarmerie nationale

La majorité des drones de loisir en circulation en France sont des drones commercialisés par l’entreprise chinoise DJI. La gendarmerie nationale a donc fait l'acquisition de plusieurs exemplaires du dispositif de détection de DJI qui ne fonctionne que pour les drones de cette marque. Ce dispositif de détection consiste en une valise Aéroscope qui permet de repérer les drones à plusieurs dizaines de kilomètres. Il est complété par des solutions de détection radio-fréquence.  

La gendarmerie est également équipée de fusils et de pistolets brouilleurs qui servent à neutraliser les drones en coupant la liaison entre le drone et la télécommande actionnée par le télépilote. Mais ils doivent être utilisés prudemment car en cas de brouillage de signal wifi ou de signal GPS, il y a un risque de perturber le trafic aérien. Mais ces capacités ne permettent pas de détruire les drones menaçants.  

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En tout, elle possède une trentaine de kits anti-drones (une station de détection tactique, deux armes de brouillage, des matériels de saisie des drones brouillés). Chacune des treize régions métropolitaines est dotée d'un kit. Et chaque kit coûte 60.000 euros. Une dépense finalement modeste. Ces kits peuvent être mis en œuvre par l'ensemble des gendarmes, sous réserve qu'ils aient suivi la formation de deux jours, soit 550 militaires en 2021. En revanche, la Garde républicaine dispose de personnels dédiés à la lutte anti-drones. 

La gendarmerie peut ainsi déployer ses systèmes lors de manifestations culturelles ou sportives. Elle l'a fait pour la première fois lors de l'Euro 2016, organisé en France. Depuis 2017, 60 drones malveillants ont été neutralisés par la gendarmerie dont l'activité de lutte anti-drones représente environ 350 opérations par an. 

De son côté, la gendarmerie des transports aériens (placée pour emploi sous l'autorité de la direction générale de l'aviation civile) a pour mission d'assurer la sécurité des aéroports français.  

 

Les équipements de la police nationale

Tout comme la gendarmerie nationale, la police nationale est équipée de valises de détection Aéroscope. Mais elle en possède bien moins : sept kits au total, qui comprennent chacun une valise de détection et un fusil ou pistolet brouilleur. 

Après les attentats de 2015, le RAID s'est doté de moyens de lutte anti-drones (pour contrer le risque de sur-attentat par exemple). Cette expertise reconnue en la matière a valu au RAID d'être déployé pour la protection d'évènements sensibles, en appui du groupe de sécurité de la Présidence de la République (GSPR) ou de la Garde républicaine par exemple. Le nombre de missions de lutte anti-drones du RAID augmente : elles sont passées de 8 en 2018 à 19 en 2020. Au cours du premier semestre 2021, le RAID en a déjà effectué 21. 

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En 2021, la société Nuances Technologies a remporté le marché du ministère de l'Intérieur et va donc fournir son système de lutte anti-drones à la police nationale et à la gendarmerie jusqu'en 2024. Ce système permet la détection, l'identification et la neutralisation de plusieurs drones simultanément. 

 

Les équipements de la préfecture de police de Paris

La Préfecture de police de Paris est le troisième acteur des forces de sécurité intérieure expert de la lutte anti-drones. Elle est également équipée de kits de détection et de fusils brouilleurs. A l'occasion de grands événements, elle peut aussi mettre en œuvre sa composante RADIANT (Recherche active de drones intrusifs, acquisition, neutralisation) qui combine plusieurs moyens de détection et de neutralisation. 

 

Les projets de lutte anti-drones

Afin de rattraper leur retard dans la lutte anti-drones, les armées ont adopté une feuille de route début 2021. Elle prévoit une réflexion sur de nouvelles technologies et l'adoption de systèmes dédiés : commande urgente de trois systèmes BASSALT; réalisation en plusieurs exemplaires de l’adaptation de véhicules de l’avant-blindé (VAB) pour déploiement en opération au travers du système ARLAD; appel d'offre PARADE de la DGA. 

 

Le programme PARADE

La Direction générale de l'armement (DGA) a lancé un nouveau marché pour l'acquisition d'une protection déployable modulaire anti-drones (PARADE). Le programme prévoit des investissements de 350 millions d’euros sur 11 ans (dont 70 millions d'euros pour la période 2022-2025). Thales et CS Group ont répondu à l'appel d'offre et sont partenaires.

Le ministère des Armées souhaitent que les 10-15 premiers systèmes soient livrés avant fin 2022, avant les deux évènements sportifs de grande ampleur organisés en France. 

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Le but de ce système complet sera d'assurer la protection permanente de sites militaires ou civils en France ou sur des théâtres d'opérations extérieures. Cette solution devra au moins être dotée d'un système C2 évolutif, un radar, un goniomètre, un système optronique et un système de brouillage. Le système devra aussi assurer la détection, la caractérisation, l'identification automatiques et la neutralisation de jour comme de nuit, et par tous les temps, contre des drones émetteurs ou non d'ondes électromagnétiques. 

 

Le laser Helma-P

Le laser anti-drones développé par la PME française Cilas (Compagnie industrielle des lasers) a été baptisé Helma-P. La démonstration de la destruction en vol d’un mini drone au moyen de ce laser a eu lieu le 7 juillet 2021 en présence de la ministre des Armées, Florence Parly. La destruction d'un drone par une arme laser est une grande première en France. Ce système devrait être opérationnel en 2024, espèrent les armées, notamment pour la protection des personnes pendant les JO 2024 à Paris. 

Le laser se place sur une tourelle fixe ou mobile (véhicule naval ou terrestre). Il consiste en un boîtier monté sur un trépied qui contient un système de détection du drone, un système de pointage qui permet de le suivre et un laser d'une puissance de 2 kilowatts qui permet de  neutraliser un drone en quelques secondes jusqu'à un kilomètre de distance. Le laser brûle le drone ou l'éblouit et l'empêche ainsi de se diriger. Très précis et efficace, il peut détecter de petits drones (moins de 100 kg) jusqu'à 3 km et détruire plusieurs drones à la suite. De plus, cette solution anti-drones résiste au brouillage. Mais son utilisation requiert de bonnes conditions météorologiques.  

 

 

Ce système pourra intervenir dans la protection de sites sensibles civils ou militaires et des convois mais également être un atout dans le combat aéroterrestre. L'armée de terre pourrait par exemple intégrer cette capacité laser dans certains véhicules Scorpion.

 

L'alliance entre l'armée de l'air, le Cnes et ADP

Au printemps 2021, l'armée de l'Air, le Centre national d'études spatiales (Cnes) et le groupe  Aéroports de Paris (ADP) ont conclu une convention pour cinq ans. Cette coopération les engage à partager leur expérience et solutions techniques pour contrer la menace que représentent les drones. 

Pour ADP, l'enjeu est d'être capable de faire la distinction entre des drones inoffensifs et des drones malveillants. Le Cnes, quant à lui, souhaite renforcer la protection du Centre spatial guyanais situé à Kourou et s'assurer de la protection du centre spatial de Toulouse (d'ici 2025, il doit abriter le commandement militaire de l'espace). L'armée de l'air, qui est chargée d'instaurer des bulles de sécurité aérienne pour certains événements, souhaitent faire évoluer ses matériels. 

 

La tourelle RAPIDFire de la Marine

Dès 2023, la tourelle RAPIDFire (un canon de 40 mm à tir rapide) équipera les bâtiments ravitailleurs de forces (BRF) de la Marine. Elle a été mise au point par Nexter et Thales. Et elle est capable d'engager successivement des cibles multiples. 

  

D'autres solutions sont en cours d'étude. C'est le cas des protections passives comme les filets tendus en mer pour contrer les drones sous-marins. Mais aussi des drones intercepteurs de drones (un appel à projet a été lancé en avril 2021), des armes à impulsion électromagnétique pour répondre efficacement à la menace des essaims (Thales y travaille); des radars quantiques… 

La lutte anti-drones demeure complexe. De plus en plus de solutions techniques existent aujourd'hui mais elles présentent toutes des inconvénients, en termes de détection ou de neutralisation des drones. La technique du radar actif peut confondre un drone avec un animal par exemple alors que la détection électro-optique dépend des conditions météorologiques. 

Un autre paramètre s'ajoute à la difficulté de trouver des solutions : la tendance au développement de drones autonomes et semi-autonomes. Les drones autonomes peuvent se déplacer seuls et sont capables de détecter eux-mêmes leurs cibles. Dépourvus de liaisons radio, ils échappent donc plus facilement à la détection mais aussi à la technique de la neutralisation par brouillage. 

 

 

Les systèmes de lutte anti-drones dans le reste du monde

Le but n'est pas ici de lister tous les systèmes de lutte anti-drones existants à travers le monde mais d'expliquer quels pays sont les plus en pointe et de répertorier quelques solutions innovantes développées par d'autres pays.  

Dans le domaine de la lutte anti-drones, les pays les plus avancés sont les États-Unis et Israël selon le ministère des armées. 

En 2019, les États-Unis ont consacré 1,9 milliard de dollars à la lutte anti-drones. Depuis 2017, l'armée américaine développe un système de lutte anti-drones plutôt étonnant. Le Mobile Force Protection Program (Protection mobile des forces) a été créé dans le but de protéger des convois de "haute valeur". Ce système détecte tout d'abord les drones malveillants grâce à un radar en bande X (supra-haute fréquence). Puis un logiciel d'intelligence artificielle tente d'identifier les intentions de l'aéronef. S'il représente une menace, la seconde partie du système entre en scène : un drone d'interception en forme de tube qui, grâce au tir de serpentins dans les hélices du drone menaçant, va provoquer sa chute. Tirés depuis un véhicule en mouvement, les drones d'interceptions peuvent être réutilisés. Le développement du MFP touche à sa fin, il devrait donc bientôt être déployé. 

  

En Israël, d'ici 2024, l'armée devrait disposer d'un dispositif au sol permettant d'abattre roquettes et drones. Il s'agit d'un laser aéroporté, testé avec succès à une altitude de 900 mètres et dans un rayon d'un kilomètre. L'armée veut perfectionner le laser pour lui permettre d'intercepter un drone jusqu'à 20 km. 

Concernant les armes lasers anti-drones de moyenne puissance, la France fait partie des nations leaders avec les États-Unis (High Energy Laser de Raytheon et Compact Laser Weapon System de Boeing) et donc Israël (Drone Dome de Rafael). En Europe, en Allemagne, MBDA Deutschland avait fait la démonstration d'un laser prometteur en 2015. La Russie, l'Australie et la Chine développeraient également cette capacité selon CILAS. 

La Russie investit énormément d'argent dans la lutte anti-drone, notamment pour protéger ses troupes contre des drones autonomes. Selon l’analyste militaire Samuel Bendett, la lutte anti-drones de la Russie serait articulée autour de radars perfectionnés et de missiles anti-aériens qui peuvent cibler des drones de petite taille. 


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