L’équipage d’un Rafale

L’équipage d’un Rafale

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Bienvenue dans Défense Zone, le podcast qui traite des questions de Défense et de sécurité. Aujourd’hui, nous nous rendons sur la base aérienne 113 de Saint-Dizier pour rencontrer un de ses équipages Rafale, composé d'une pilote de chasse et d'un navigateur officier systèmes d'armes. N’oubliez pas de vous abonner au podcast ainsi qu’à notre magazine papier en vous rendant sur le site defense-zone.com

 

 

Présentations

Le lieutenant Romain est pilote de chasse à l’escadron de chasse 2/4 « La Fayette » sur la base aérienne 113 de Saint-Dizier. Il est arrivé sur cette base il y a quatre ans, vers 2019, et est devenu récemment sous-chef de patrouille, c’est-à-dire leader d’une patrouille de deux avions de chasse. Pour en arriver à ce stade, il est entré dans l’armée de l’Air en 2015 où il a fait ses premières armes : « pendant un an et demi, j’ai fait mes classes et mes entraînements initiaux au pilotage sur des avions basiques, type avion d’aéroclub. » Ensuite, il rejoint la base aérienne de Cognac pendant deux ans, et s’oriente vers la spécialisation « chasse ». Il vole en Grob 120, puis en Epsilon (des avions-écoles), sur des scénarios de plus en plus techniques : « les missions ont évoluées et ont été de plus en plus complexes pour se rapprocher de celles qu’on peut avoir sur avion de chasse. » En 2018, il part à Tours, une base aérienne qui n’abrite plus d’avion-école aujourd’hui, et poursuit sa formation, sur des Alpha-Jet ancienne génération. C’est là qu’il est macaroné et reçoit son brevet de pilote de chasse. Pendant un an, à Cazaux, il effectue sa transition opérationnelle sur Alpha-Jet de nouvelle génération. A la fin de cette période, il a pu rejoindre sa base d’affectation, dans son cas la base aérienne de Saint-Dizier.

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Le commandant Mathieu quant à lui est navigateur sur Rafale, également au sein de l’escadron de chasse 2/4 « La Fayette » de la base aérienne 113 de Saint-Dizier ; il est aussi commandant d’escadrille. Cette vocation lui est venu très jeune, et après un Bac S, puis math Sup/maths Spé, il passe le concours pour intégrer l’école des officiers de l’armée de l’Air. Comme tous les officiers de carrière, il intègre donc l’Ecole de l’Air pendant trois ans, pour « une formation générique pour un cursus d’ingénieur en aéronautique. » Il poursuit par une formation en vol, initialement en pilotage, mais se réoriente rapidement vers la spécialisation de navigateur. Il obtient son brevet de chasse en 2014 et est affecté sur Rafale en 2015.

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Qualités pour intégrer un équipage Rafale

Après plusieurs années de formation sur des avions-écoles, les futurs équipages peuvent vivre leur premier vol en Rafale. Même si l’enveloppe de l’Alpha-Jet et du Rafale, leur rapidité et leur altitude de vol peuvent se rapprocher, le Rafale possède un système d’arme complètement différent : « il faut énormément de travail pour l’appréhender, souligne le lieutenant Romain, car sur Alpha-Jet on faisait toutes nos navigations avec des aiguilles, et là on passe avec un système d’arme développé, des écrans tactiles, et énormément d’armements à connaître. »

Pour cet officier, son premier vol a été mémorable : « on ressent une puissance énorme, contrairement à l’Alpha-Jet ». Le fleuron de Dassault Aviation peut en effet accélérer de 0 à 600km/h en quelques dizaines de secondes seulement. Pour savoir encaisser, une bonne condition physique est nécessaire. Sans forcément être un grand athlète, il faut néanmoins « s’entretenir physiquement, faire du sport régulièrement pour avoir une bonne position et du cardio, note le lieutenant Romain, car le facteur de charge demande à notre cœur de battre beaucoup plus vite. »

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Pour le commandant Mathieu, l’une des qualités à détenir est de savoir rester calme. « Il ne faut pas être impacté par le moindre imprévu qui arrive en l’air », explique-t-il. Au moins l’un des deux membres de l’équipage doit avoir cette faculté développée afin de maintenir une vision à moyen ou long terme. Cela s’acquiert avec l’habitude et les entraînements ; certains, comme le commandant Mathieu, évacuent par le sport intensif, ou apprennent à se canaliser par l’effort physique, d’autres préfèrent la méditation, ou les séances de TOP (techniques d’optimisation du potentiel).

Les deux officiers navigants se rejoignent sur le fait qu’un pilote ou un navigateur doit faire preuve de persévérance, car la formation est longue et exigeante, beaucoup de qualifications doivent être passées (certaines prennent des années) et le militaire est « repoussé dans [ses] retranchements », indique le chef d’escadrille.

Enfin, pour la filière AOPN comme c’est le cas pour le lieutenant Romain, il n’est pas nécessaire d’être un champion des maths, car ce sont surtout les aptitudes psychotechniques et psychomotrices qui sont jugées, tout comme « la vivacité d’esprit, avoir un raisonnement clair et rapide, confirme l’officier. Mais savoir faire une intégrale n’est pas du tout ce qui est recherché pour être pilote de chasse. »

 

 

Les missions d’un équipage Rafale

Le quotidien sur une base aérienne

Les combats aériens à la « Top Gun » sont loin d’être le quotidien des équipages. « On intervient rarement pour des aéronefs qui ne sont pas censés être là », souligne le lieutenant Romain, mais le plus souvent pour « des pannes, qu’elles soient mineures ou majeures, sur un avion, ou alors des avions type aéroclub qui sont en détresse et qu’il faut aider, rassurer et ramener en toute sécurité. »

« En tant que commandant d’escadrille, indique le commandant Mathieu, mon quotidien est de gérer l’entraînement de l’ensemble des équipages affectés sous ma responsabilité. » Ainsi, il doit gérer les plannings selon les objectifs de chacun (qualifications à passer, formation des jeunes personnels, maintien des compétences…)

Découvrez dans notre magazine n°2 le portrait du lieutenant-colonel Romain, pilote de chasse et ancien commandant de l'escadron 2/4 "La Fayette".

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Le rôle du navigateur

Les membres d’un équipage Rafale sont complémentaires, le pilote ayant une vision à court terme tandis que le navigateur a plutôt une vision à moyen et long terme. « Son but est de faciliter la conduite de la patrouille dans la gestion de mission en anticipant la gestion tactique, celle de l’avion ou celle de la patrouille (carburant, ravitaillement, menace air-air ou sol-air) », explique le commandant Mathieu. Le navigateur fait en sorte que la mission soit la plus sereine possible.

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Le binôme doit bien s’entendre et se faire confiance, mais la conception de l’escadron le permet facilement : « les affinités aident à ce que ça se passe mieux, mais globalement les méthodes de travail sont standardisées pour permettre de mettre dans un équipage n’importe quel navigateur avec n’importe quel pilote », révèle le commandant Mathieu. Le choix de la constitution des binômes revient au chef des opérations. Son rôle est de planifier l’activité aérienne de l’escadron à moyen et long terme sur une année, et il décide quel personnel va sur telle ou telle mission. C’est aussi lui qui groupe les membres d’équipages en définissant un besoin (x personnes pour tel exercice/opération). Puis au sein de chaque groupe, un chef est désigné et associe les binômes selon les affinités, les qualifications et les besoins (un jeune ou un membre qui doit plus s’entraîner sera mis avec un personnel plus expérimenté). Il n’y a qu’en opération extérieure que les binômes sont « figés, précise le commandant Mathieu, pour créer cette symbiose et faire que l’équipage soit rodé à travailler ensemble dans le but de réussir la mission. »

 

La mission de dissuasion nucléaire

« Notre rôle est de participer à ce qu’on appelle la composante aéroportée de la dissuasion nucléaire française. C’est une composante visible, c’est-à-dire qu’il faut permettre une montée en puissance pour faire appel à tous les principes de la dissuasion contre tout pays qui serait belligérant envers la France », rappelle le commandant Mathieu. Les équipages s’entraînent régulièrement à cette mission cruciale de l’armée de l’Air et de l’Espace (que nous abordons dans notre magazine n°10). L’exercice Poker est une simulation d’un raid nucléaire, depuis la phase de préparation jusqu’à la délivrance d’un armement fictif, en passant par des phases techniques (vol en basse altitude, combat aérien, ravitaillement en vol…). Ce raid est difficile tant par sa durée (cinq heures) que par son environnement (haute et basse altitude, conditions météorologiques, de jour comme de nuit). Il est effectué quatre fois par an, dans toutes les conditions possibles pour « garantir l’assurance que la mission de dissuasion est permanente, peu importe les conditions », souligne le navigateur. Chaque personnel navigant doit réaliser au minimum une fois par an cet exercice Poker ; selon leurs disponibilités, certains équipages y participent plusieurs fois voire les quatre.

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Néanmoins, malgré toute la préparation possible, le lieutenant Romain relève qu’il est difficile de savoir quelle sera la réaction le moment venu « tant que ne l’a pas vécu. Tout le monde se prépare, mais au final c’est très compliqué de s’y préparer, même si l’aspect technique et l’entraînement sont poussés. »

 

Les opérations extérieures

Le lieutenant Romain a participé deux fois à l’opération Chammal, une fois depuis les Emirats Arabes Unis puis une seconde depuis la Jordanie. Il a effectué des missions d’emergency cast, en vol avec des bombes afin d’aider à tout moment les forces au sol, mais aussi de reconnaissance : muni d’une nacelle Reco-NG, l’avion réalise des prises de vue pour apporter du renseignement pour l’état-major, afin de l’aider à préparer les missions suivantes ou juste comprendre la situation actuelle.

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Enfin, il a aussi pris part à la mission de réassurance de l’OTAN sur le flanc est de l’Europe. Le commandant Mathieu a également participé à l’opération Chammal. Il précise que lors de son lancement en 2014, il y avait « beaucoup plus de support aux troupes au sol », ce qui est moins le cas aujourd’hui car « Daech existe toujours, mais ses actions sont un peu moins visibles et le territoire est considéré comme reconquis en Irak, où la coalition opère. » Néanmoins les avions français continuent d’y voler, pour patrouiller et assister les forces locales partenaires.

« Ce qui est incroyable en mission extérieure, raconte le pilote de chasse, c’est qu’on se retrouve avec un noyau de personnes, beaucoup plus petit que sur une base aérienne, et ça nous permet de pouvoir apprendre des métiers de tout le monde, avoir une symbiose plus forte qu’en métropole. Et il y a cette saveur d’être toujours dans le côté opérationnel et de se dédier à 100% aux missions opérationnelles, ce pourquoi on s’entraîne tous les jours en métropole. »

 

Gérer ses émotions

En plus des qualités déjà évoquées, les pilotes et navigateurs doivent savoir gérer leur stress. Cela s’apprend et s’acquiert au fur et à mesure, mais doit se développer dès la formation, car celle-ci est exigeante. La concentration doit être gérée tout au long du vol : il faut savoir la doser, rester vigilant même lors des phases plus calmes, et pouvoir se remobiliser et atteindre une attention maximale lors des phases techniques ou si un exercice se transforme en mission réelle. Ce type de situation arrive régulièrement : « quand nous décollons tous les jours sur des missions d’entraînement en France, nous pouvons être re-taské, donc être appelé par le CNOA (Centre national des opérations aériennes) pour effectuer une mission opérationnelle, à tout moment au-dessus du territoire. »  Cette manière d’opérer en privilégiant les avions déjà en vol plutôt que de faire décoller ceux de la permanence opérationnelle permet de gagner du temps.

Enfin, pour gérer sa peur ou son appréhension, le dialogue est primordial, selon le commandant Mathieu. Le fait de partager ses sentiments, livrer ses peurs ou dialoguer au cours d’une simple réunion peut permettre de se rendre compte que ses craintes ne sont pas fondées et d’aller de l’avant. « Globalement les gens nous voient comme un groupe assez soudé, on ne se mélange pas beaucoup, mais c’est cette cohésion qui fait que les gens ont une facilité à communiquer entre eux et de justement parler de ces différents ressentis », soutient l’officier. C’est pourquoi, même s’il a beaucoup de responsabilités dans la gestion de son unité, le chef d’escadron est proche de ses personnels pour communiquer sur les tenants et aboutissants de chaque mission et pour être à l’écoute de ses hommes.

 

 

Dernier conseil

Pour le lieutenant Romain, la passion est essentielle dans cette profession. « On a la chance de faire ce métier. Moi personnellement, dès que je me lève le matin, je suis extrêmement content de partir au travail, et quand je passe plus de deux semaines en vacances, le travail me manque. » Il faut également être persévérant, rigoureux, beaucoup travailler et apprendre à gérer son stress.

Le commandant Mathieu, lui, souligne l’importance de la réflexion : « même dans une situation la plus critique possible, il faut toujours prendre deux secondes pour réfléchir et se détacher de ça, même si c’est compliqué, pour décider si ce qu’on va faire ou décider est la bonne décision. » Par contre, une fois que la décision est prise, l’officier assure ne plus revenir dessus, « aller de l’avant », améliorer si possible mais pas la ruminer.

 

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