Parachutiste, légionnaire, 2e REP

Sergent Temuulen, moniteur parachutiste au 2e REP (Podcast DZ)

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Dans ce podcast nous vous emmenons en Corse et plus précisément à Calvi dans l'enceinte du prestigieux 2e régiment étranger de parachutistes, le seul régiment para de la Légion étrangère. Nous avons pour l'occasion rencontrer le sergent Temuulen, un sous-officier d'origine mongole arrivé en 2015 en France et désormais moniteur parachutiste au régiment.

 

 

Présentation

Est-ce que vous pouvez vous présenter ?

Je suis le sergent Temuulen, originaire de Mongolie. Je sers à la Légion étrangère et plus précisément au deuxième régiment étranger de parachutistes (2e REP) depuis le 28 mai 2015.

 

Avant d'arriver à la Légion, vous ne parliez pas français ?

Non, je parlais un peu anglais, mais pas du tout français. Même en anglais, je savais me présenter, mais pas plus.

 

Comment avez-vous fait pour être aussi à l'aise avec la langue française alors que ce n'est pas votre langue maternelle, étant donné que vous êtes originaire de Mongolie ?

Au début, j'avais vraiment beaucoup de difficultés. Quand je suis arrivé ici, il n'y avait pas d'autres Mongols pour m'aider, donc j'ai dû travailler dur pour apprendre le français. J'avais de nombreux exemples autour de moi dans le régiment, et je me suis dit que je devais être comme eux et donc travailler mon français. J'ai commencé par apprendre le vocabulaire, puis j'ai lu beaucoup de livres, écouté des histoires, regardé des films sur Netflix, etc. Mais ce que je préfère, c'est parler ; cela m'a beaucoup aidé à progresser. Même aujourd'hui, je continue à travailler sur mon français pour m’améliorer.

 

C'est vrai que lorsqu'un légionnaire est le seul de sa nationalité, il n'a pas d'autre choix que de parler français avec le groupe.

Oui, tout à fait. Mais ce n'est pas seulement une question de nécessité ; cela dépend aussi du caractère de chacun. Personnellement, j'aime beaucoup parler et j'apprécie quand les gens me comprennent. Aujourd'hui, si on ne comprend pas le français ici, on n’a rien à faire au régiment.

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Pourquoi avoir choisi la Légion ?

J'ai toujours aimé les forces spéciales. J'ai grandi dans une famille militaire et j'étais lutteur professionnel. J'ai pratiqué beaucoup de lutte, mais je me suis cassé le pied et j’ai dû abandonner l’idée de faire une carrière professionnelle. J'ai demandé à ma mère ce que je pouvais faire. Ma mère m'a alors dit : « ce que je vois pour toi c’est la Légion étrangère. C’est une armée exceptionnelle et qui a vraiment besoin de personnes rustique et motivée ». Comme j’aime l’armée, j’ai décidé de tenter ma chance. Je suis parti pour la France, j'ai rejoint le Fort de Nogent près de Paris et j'ai postulé.

 

Mais c'est impressionnant de quitter son pays pour aller s'engager dans un autre.

En fait, quand je suis arrivé en France, j’étais très jeune, un peu perdu et tout seul. Je ne savais pas vraiment quoi faire, si j'avais fait le bon choix. Il n'y avait personne pour me soutenir et autour de moi ce n’était que des étrangers qui comme moi ne parlaient pas français. Et donc, je me suis dit : "Ok, mais bon, après tout, c'est ça qui m'a attiré". Quand je suis arrivé au fort de Nogent  il y avait une vidéo du 2e REP qui existait depuis longtemps, elle passait sur YouTube. Et là, je me suis dit : « C’est dans ce régiment que je veux être. »

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Et comment se sont passées les classes ?

Je suis arrivé dans la légion à 17 ans et demi. J’étais très jeune mais j’avais envie de devenir légionnaire donc j’ai fait ce que l'on m'a demandé de faire et finalement mes classes se sont bien très bien passées.

 

Vous êtes retourné en Mongolie pour voir votre famille ou ils sont venus ici ?

J’y suis déjà retourné, mais ma famille n’est pas encore venue, mais c’est prévu. Certainement pour le prochain Camerone.

 

En Mongolie, il y a du saut en parachute aussi.

Ouais, mais ce n’est pas développé comme ici en France. La plus grande différence c’est qu’en Mongolie on saute depuis un hélicoptère, rarement depuis un avion. Plus tard, j’aimerais créer une entreprise de parachutisme de chute libre en Mongolie, mais c’est un projet à long terme.

 

 

La spécificité parachutiste

Quelles sont vos missions au régiment ?

J’ai plusieurs missions. La première c’est chef de groupe d’infanterie et je suis aussi moniteur parachutiste. Si j’ai le droit de former n’importe quel militaire, ici je me consacre à la formation des légionnaires parachutistes pour qu'ils deviennent de véritables parachutistes.

 

C'est une particularité de ce régiment de former les parachutistes ici et pas au sein de l'ETAP de l'école des troupes aéroportées de Pau ?

Oui, nous avons une délégation de l'école qui nous permet de former les légionnaires avec notre propre pédagogie.

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C'est quoi les différences de méthode ?

La formation est plus difficile parce qu’il faut expliquer les techniques à des hommes qui viennent d’autres pays et qui parfois parlent mal le français. Il faut être très pédagogique, répéter encore et encore. Parfois, je travaille une bonne partie de la nuit pour aider les légionnaires. Nous prenons le temps nécessaire pour qu’ils comprennent sans aucune limite de temps. C'est une unité particulière et l'apprentissage peut être dangereux.

 

L'apprentissage se fait différemment, mais est-ce la même technique ?

Effectivement l’utilisation du parachute est la même que celle enseignée à l’ETAP

 

Votre monitorat se déroule à l’ETAP ?

Toutes les formations spécifiques se passent à Pau. ET là-bas il n’y a pas de passe-droit quand on est légionnaire et encore plus non-francophone. Quand on devient moniteur parachutiste, il faut apprendre un manuel, le "mémento", qui contient 120 à 126 pages. Il faut apprendre mot par mot, et cela s’applique pour tous les futurs moniteurs de l'armée française. C’est d’ailleurs un des stages les plus difficiles dans les armées et cela demande beaucoup de travail encore plus quand on ne maîtrise pas bien le français. Comme nous sommes formés comme moniteurs parachutistes de l’armée française il n’y a que deux options soit on travaille et on réussit le stage, soit on ne travaille pas et on échoue.

 

Le parachutisme, c'est ce qui vous a le plus intéressé comme spécialité ?

Oui, les parachutistes, pour moi, c'était un rêve. En Mongolie les régiments parachutistes ont beaucoup de spécialités et font beaucoup de missions différentes. C’est exactement comme ça au 2er REP où chaque compagnie à une spécialité. On a des commandos parachutistes, des plongeurs, des instructeurs chuteurs, des moniteurs parachutistes. C’est une force pour le régiment qui peut accomplir de nombreuses missions.

 

Sauter en parachute, ça ne vous a pas fait peur au début ?

Tout le monde a peur au début. Quand j’ai fait mes premiers 6 sauts au brevet j’avais peur, mais je ne voulais pas le dire. Les premières fois je me disais : "Mais en fait, pourquoi je suis là ?" Et puis quand j’étais dans l’avion je savais que je devrais en sortir. Mais ça fait bizarre au début car les gens quand ils montent dans un avion ils redescendent avec ! C’est quand même un peu fou de sauter d'avion. Mais maintenant après plus de huit années à sauter, je n’ai plus peur.

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Et comment vous faites pour apprendre aux jeunes à ne pas avoir peur ?

Quand je suis devenu moniteur, j'ai décidé d'être quelqu'un qui est très dur et en même temps très pédagogique. Quand je donne des formations, je deviens complètement différent. Quand je suis au régiment c’est « sergent Temuulen » mais quand je forme les futurs parachutistes ils m'appellent « moniteur Temuulen » et c’est différent. En tant que sergent, je suis un peu rustique, un peu méchant, mais quand je passe en mode moniteur, je suis beaucoup plus gentil, plus pédagogue pour que mes élèves comprennent parfaitement. Il faut faire vraiment attention avec ça. C’est une spécialité difficile et dangereuse et je ne peux pas laisser un personnel, qui n'a rien compris, embarquer dans l’avion car c'est ma responsabilité.

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Moi, j'aime bien donner des cours pour les promos des futurs parachutistes, en fait. Quand je mets ma combinaison pour donner des cours je deviens complètement différent. J’ai ma propre pédagogie, je capte l'attention de tout le monde, je fais un peu de blagues, tout le monde rigole mais ils restent sérieux quand même. Avec moi il n’y a pas de "ramassage". Les élèves ne passent pas leur temps à pomper ou hurler, mais on fait quand même quelques pompes de temps en temps. Lors de la première promo que j'ai formée, j'étais stressé, mais dès la seconde je me suis dit : "Ok, ça, c'est mon travail". J’ai trouvé que je suis et j'adore mon travail. Je suis content d’être passé moniteur parachutiste. Je considère que c’est une des choses qui m'a amélioré dans ma vie. Aujourd’hui j’ai formé environ 150 légionnaires de 80 nationalités différentes et j’en suis très fier. Parfois quand je croise des légionnaires ils m'appellent « moniteur Temuulen », ils posent des questions parce qu'ils me font confiance. Dans l'avion, les légionnaires me parlent quand ils ont peur ou qu’ils ont oublié quelque chose et je suis là pour leur répondre car j’aime vraiment ça, être là pour les aider. Quelle que soit l’heure, je serais toujours là pour les aider.

 

Pour venir un peu sur la partie spécificité ici, j'ai lu que vous sautiez assez régulièrement au-dessus de l'eau et que vous vous entraîniez à atterrir dans l'eau, c'est assez particulier, ça.

Oui, justement, c’est ce que j’expliquais en disait que chaque compagnie avait sa spécialité. Dans notre compagnie, la 3e nous avons la spécialité amphibie. Nous avons des plongeurs de l’armée de Terre qui ont la particularité de pouvoir être largué au-dessus de l’eau. On saute en combinaison de plongée, une fois dans l’eau on se déséquipe et on commence le palmage souvent sur plusieurs kilomètres, tout dépend de la mission. Le parachute est récupéré plus tard. Certains sautent et font du palmage, d’autres vont partir directement en plongée. C’est aspect vraiment très intéressant de notre spécialité. Le matériel de plongée est protégé pendant le saut. Une fois dans l’eau les plongeurs gonflent le bateau, récupèrent le matériel de plongée et partent pour leur mission.

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Et vous sautez un peu dans le civil aussi, sur votre temps libre ?

Oui je saute en chute dans le civil parce que j’aime vraiment beaucoup. Je saute au régiment mais aussi dans d’autres endroits avec des amis des forces spéciales ou du GIGN. Ici c’est vraiment magnifique de sauter au-dessus de la Corse. Quand on saute à 4000 mètres à Calvi, on voit le régiment, les montagnes, la Méditerranée et je me dis que c’est ici chez moi, j’adore.

 

 

Sous-officier à la Légion étrangère

Revenons un peu sur votre parcours, aujourd'hui, vous êtes sous-officier, donc ça veut dire que vous avez fait des stages à Castelnaudary, au 4e RE, c'est ça ? Comment ça s'est passé ?

Je me suis engagé en 2015, après, ma formation je suis venu au 2e REP. Ensuite j’ai passé trois ans à travailler mon niveau sportif et mon français avant de partir au stage caporal qui se fait après avoir obtenu le statut de première classe. Ce stage dure deux mois et est vraiment très dur et exigeant. Il n’y a pas de temps libre. On arrive, on se rase les cheveux et c’est part pour deux mois. On se réveille à 4h30, ensuite on chante pendant plusieurs heures jusqu’à 7h30. À l’issue,  c’est l’instruction faite par les sous-officiers ou entre nous et le départ sur le terrain toute la journée et souvent pour marcher une partie de la nuit. On doit apprendre beaucoup de choses pour devenir chef d’équipe. Nous travaillons la topographie, comment s’orienter de jour comme de nuit et sans OB évidemment. Il faut aussi apprendre à utiliser correctement les transmissions et bien parler à la radio. Évidemment nous travaillons beaucoup le combat, comment organiser son équipe, comment donner des ordres, aider les plus jeunes sur le sac, la tenue. Pendant tout ce temps, nous sommes dans des conditions très rustiques avec très peu de sommeil, des marches toutes les nuits, c’est vraiment très dur. Après on retourne au régiment pour tenir son poste de chef d’équipe et là, les cadres vous nous jauger pour savoir si on a un potentiel de sous-officier. Si on a un bon niveau, soit on peut passer caporal-chef après quelques années, soit le régiment décide que nous avons le niveau et la motivation pour devenir sous-officier de la Légion étrangère.

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Moi, j'ai demandé à devenir sous-officier et après deux ans de garde de caporal j’ai réussi à partir en stage sous-officier. Le stage dure quatre mois et, je trouve, est en encore plus difficile que le stage pour être caporal. Pendant la formation il y a beaucoup de technique, de pédagogie. On apprend à donner des cours, à maîtriser l’informatique, à faire de la topographie et surtout comment commander son groupe de combat. On marche et on court beaucoup, tout le temps. Il y a de longues courses d’orientation et chaque fin de semaine on fait un raid en marchant, c’était vraiment dur. Pendant cette période ils nous entraînent à être vraiment autonome pour pouvoir ensuite commander notre groupe. On doit être en mesure de comprendre et d’exécuter la mission que le chef de section nous donne.

 

 

L'esprit légion

Ce qui vous plaît le plus à la Légion étrangère ?

Le comportement. Ici au 2e REP, il y a beaucoup de discipline, mais du respect vers chacun de nos camarades. Il y a aussi une grande écoute de nos supérieurs. Ici le chef nous donne une mission on fera tout pour l’accomplir. Il y a aussi un grand esprit de camaraderie, au régiment, chacun est toujours prêt à aider l’autre. Je pense que ça a toujours été comme ça et ça le restera toujours.

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Quel conseil donneriez-vous à un jeune futur légionnaire, un engagé volontaire qui arrive ou qui ne sait pas encore trop quel régiment choisir, mais qui se dirigerait vers le deuxième REP ?

Si vous voulez vous engager dans la légion, venez au 2e REP. C’est un régiment unique. Vous affronterez votre peur, et vous vous connaîtrez vous-même. Évidemment c’est dur, il faut aimer le sport et le dépassement. Quand on saute d’un avion, ensuite que l’on marche en montagne, qu’il faut ressauter encore une fois. Vous êtes très fatigué, mais vous êtes allé plus loin que ce que vous pensiez pouvoir faire. Vous découvrirez votre potentiel. Mais le plus important pour moi reste la discipline et le respect. SI vous avez déjà ça, le reste vous allez l’apprendre petit à petit et vous aurez une vie incroyable au régiment.

 

Quel est votre plus grand enseignement, ce que vous avez appris qui vous a le plus marqué ?

Une fois de plus je dirais la discipline. J'ai appris à être respectueux, à parler correctement, à donner et recevoir du respect. C'est important dans la vie. Si tu ne supportes pas quelqu'un en face de toi, ce n’est pas bien.

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Avez-vous eu l'occasion de partir en opération ?

Oui, en 2015, je suis parti en Côte d’Ivoire lors d’une alerte Guépard. J’étais encore un jeune légionnaire. J’ai aussi fait beaucoup de missions dans les DOM-TOM et plusieurs pays européens. J’aimerais bien partir en opération avec mon groupe. C’est la finalité quand on s’engage et je sais que je le ferai avec tout mon cœur. Partir avec ses Hommes c’est ce qu’il y a de mieux pour moi.

 

 

Pour en savoir plus

Tout savoir sur l'alerte Guepard de la 11e brigade parachutiste

 

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