EMHM, l'école des chasseurs alpins
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Lorsque l’on entre dans l’enceinte de l’école militaire de haute montagne (EMHM), on n’imagine pas être sur une propriété de l’armée de terre. Heureusement, les panneaux flanqués d’une cocarde tricolore nous ordonnant « défense de pénétrer », nous le rappellent.
L’EMHM, c’est une succession de grands chalets, comme il y en a un peu partout ici, à Chamonix. À l’intérieur, l’ambiance n’est, elle non plus, pas à l’image de la traditionnelle rigidité militaire.
"Il y a beaucoup de gens qui sont sortis en montagne ensemble. Par-delà les grades ou les fonctions, il y a des amitiés qui se sont construites dans les voies, donc forcément ça crée des relations particulières. Ce qui n'empêche pas de faire son boulot comme les autres", explique le chef de corps de l'EMHM.
Formateur de chasseurs alpins depuis 1932
Solidement ancrée sous la falaise du Brévent, face au Mont Blanc, l'EMHM est une véritable institution dans toute la vallée. C'est à la fois la "maison de la montagne" de l'armée de terre, mais aussi un bout d'Histoire de Chamonix.
Créée en 1932, elle est alors commandée par le Capitaine Pourchier, dont une plaque à l’entrée du bâtiment principal fait hommage.
En 1948, l’école qui bien que militaire n’inclut pas encore le terme dans sa dénomination, participe à la création de la Société chamoniarde de secours en montagne. D’ailleurs, actuellement, les médecins de l’école participent avec les secouristes du PGHM aux secours dans le massif du Mont-Blanc.
La section d'éclaireurs de montagne (SEM)
Dans les années 1960, l’EHM devient l’EMHM et, à l'occasion, cette dernière accueille une toute nouvelle formation de sous-officier qui va devenir rapidement une référence au niveau européen et mondial.
La section d'éclaireurs de montagne (SEM) vise à répondre à un besoin de la brigade d'avoir des cadres formés au niveau militaire et montagne, projetable en opération et efficace.
L'appellation s'inspire des anciennes sections d'éclaireurs skieurs qui étaient l'élite des troupes de montagne notamment dans les bataillons de chasseurs alpins.
Durant la deuxième guerre mondiale, ce sont eux qui patrouillaient sur la ligne Maginot dans les Alpes. Aujourd'hui, il s'agit de l'une des deux seules écoles de sous-officiers avec Saint-Maixent, de l'armée de terre.
"L'objectif c'est de former d'abord des soldats, puis des chefs, puis enfin des montagnards. C'est important parce qu'on n'est pas là pour former des guides de hautes montagne", souligne un cadre de l'école.
Pour pouvoir intégrer la formation, les candidats passent une batterie de tests physiques et des entretiens. "Évoluer dans un milieu montagneux et extrême nécessite une formation plus dans la durée qu'un stage commando ou parachutiste, ajoute l'officier. Pendant les deux premiers mois, ils rejoignent Saint-Maixent en Vendée pour faire leurs classes. Puis ils reviennent à l'EMHM pour véritablement se former à l'univers montagneux".
Former les officiers de l'armée française
Mais ce n'est pas le seul axe de formation. L'école propose également des stages de qualification et de perfectionnement aux techniques de déplacement et de combat en montagne. "Pas que pour la brigade, car il y a plein d'autres unités dans l'armée française qui pratiquent la montagne, même dans la Marine. Il y a aussi des stagiaires étrangers qui viennent se former ici", insiste le chef de corps.
Par an, ils sont plus de 580 à passer par l'EMHM, pour des stages. Certains sont notamment officiers et viennent apprendre à mener des troupes dans un environnement montagneux.
Le brevet d'alpinisme militaire
Le BAM, brevet d'alpinisme militaire, leur permet notamment d'amener leurs sections sur des glaciers, grimper des sommets ou encore se déplacer sur ski.
Le programme proposé par l'école est loin d'être léger ni reposant ! Courses en montagne avec un très lourd sac sur les épaules, épreuves de ski hors-piste et escalade sur des grandes voies, mieux vaut être en forme pour suivre les enseignements de la quarantaine d'instructeurs de l'EMHM.
Mission : rayonnement
Cette "maison de la montagne" est également une vitrine pour l'armée française, notamment avec la présence au sein de l'école, du Groupe militaire de haute montagne (GMHM).
Groupe militaire de haute montagne
"La mission du groupe est de faire rayonner l'armée de terre et la France en terme d'alpinisme mondial", affirme le chef de corps.
Un peu à l'image de la patrouille de France pour l'armée de l'air, l'armée de terre peut compter sur le GMHM pour porter la cocarde tricolore sur les plus hauts sommets des cinq continents.
Cette unité d'élite sillonne le monde et ses endroits les plus extrêmes pour y mener des expéditions extraordinaires. Mont Everest sans oxygène ou ascension du mon Kamet par une voie encore vierge, ces experts de l'extrême et du milieu polaire ont, en 2011, réalisé l'incroyable exploit de traverser pour la première fois dans l'histoire, la Cordillère de Darwin (au Chili), en 30 jours et en complète autonomie.
En effectuant cette dangereuse expédition dans une partie du monde encore inexplorée, le groupe militaire de haute montagne a affirmé son expertise et son avancée sur le reste du monde.
L'aventure a notamment fait l'objet d'un documentaire vidéo, primé par ailleurs lors de la cérémonie des Piolets d'or dans les Alpes.
L'équipe de France militaire de ski
Autre manière de rayonner pour l'armée, l'école accueille également une véritable petite armée de champions. Vous connaissez probablement Martin Fourcade ? Savez-vous que ce skieur de talent est également sous-officier dans l'armée française ? Tout comme la championne du monde Tessa Worley !
En tout, ils sont 27 skieurs et alpinistes à partager leur temps entre compétition sportive et port de la tarte des chasseurs alpins.
"Nous recrutons ces athlètes afin de valoriser la Défense au travers de leurs performances", résume le directeur de l'équipe de France militaire de ski.
Un très bon "deal" pour ces sportifs car l'institution leur permet de s'entraîner correctement, sans avoir à se préoccuper des questions financières. "En tant que militaire, leur mission c'est de gagner des médailles", ajoute l'officier. "Il signent un contrat initial de 3 à 5 ans, renouvelable en fonction de leur performance" et ce dernier de conclure, "le gros avantage de ce type de contrat, en plus d'avoir une continuelle aide technique, c'est qu'ils ne sont pas remis à eux-mêmes quand ils sont blessés, comme c'est malheureusement le cas dans le civil".
D'ailleurs, dans certains sports comme le biathlon, l'armée est l'un des meilleurs moyens d'atteindre le très haut niveau, du fait de cette assistante technique et financière.
Ces sportifs ne font pas officiellement partie de l'armée de terre, car depuis le 1er août 2014, les 88 sportifs de haut niveau de la Défense, été comme hiver, sont regroupés au sein de l'armée de champions, à Fontainebleau au centre national des sports de la Défense. C'est là-bas qu'a été créé le bataillon de Joinville, imaginé par le Général De Gaulle et où passaient tous les athlètes de haut niveau après la seconde guerre mondiale pour faire leur service national.
Le moins que l'on puisse dire, c'est que la mission rayonnement de ces derniers est un vrai succès, puisque la France remporte très régulièrement les championnats du monde militaire qui ont lieu une fois par an, ainsi que les jeux mondiaux militaires, l'équivalent des Jeux olympiques, version militaire.
Une institution pionnière et leader mondiale
Enfin, si la France, avec notamment Chamonix, est déjà l'un des pays leaders dans l'univers de la montagne, l'EMHM avec son statut de pionnière du genre et ses différentes formations, est la structure de référence en matière de formation montagne dans toutes les armées du monde.
Régulièrement, elle est mise à l'honneur dans différents événements à travers la planète. "L'EMHM est la première école militaire de montagne reconnue dans tout l'arc alpin et même dans le monde. Elle fait donc autorité dans ce sens-là", et le chef de corps d'ajouter, "chaque année, il y a un rassemblement de toutes les écoles militaires de montagne du monde, où l'EMHM a toujours la place centrale. Certes il y a une question d'antériorité, mais c'est aussi parce qu'elle est à Chamonix, la Mecque de l'alpinisme pour le reste du monde".
Une finalité opérationnelle
"Le premier coup de piolet est pensé à finalité opérationnelle", martèle le chef de l'école en rappelant l'objectif opérationnel des formations proposées par l'école.
"Nous avons également une expertise en terme de doctrine avec un bureau d'étude "étude prospective" qui réfléchit à toute l'évolution de la formation montagne pour l'ensemble de l'armée française. Ce bureau a produit en 2014 un document sur les années d'engagement des alpins en Afghanistan. Il a compilé tout ce qui est disponible comme sources ouvertes ou fermées".
Commandos montagne : l'élite des chasseurs alpins
Car si l'école forme aux techniques d'alpinisme, elle permet également à des soldats de bénéficier d'un très important retour d'expérience de la part d'unités comme le GMHM ou le GCM, comprenez "Groupement commando de montagne".
En fait, il est question plus particulièrement d'une chaîne de transfert de connaissances et d'expériences. Au sommet de cette chaîne, le GMHM, au fil de ses exploits techniques et physiques, accumule des expériences et des connaissances des milieux extrêmes et polaires.
Dès leur retour, les membres du groupe transmettent ces dernières à une autre unité d'élite de l'armée de terre : le GCM, afin qu'elle puisse être en mesure de mener ses opérations plus efficacement. Les commandos montagnes sont très régulièrement déployés en zone de guerre, notamment au Niger et au Mali.
Enfin, le GCM transmet à son tour, au reste de la brigade de montagne, car ces commandos sont dispersés dans les différents régiments de cette dernière.
De cette façon, les militaires de l'armée française sont constamment à la pointe des techniques de montagne et de combat en milieux extrêmes. Le point d'orgue de cette chaîne de transmission, c'est donc l'EMHM qui fait le lien entre les différents acteurs.
Partenariat GMHM / GCM
C'est notamment à Chamonix que les GMHM et GCM, dans le cadre d'un partenariat, organisent différents exercices de franchissement, afin de s'entraîner et de "faire leurs gammes" avant d'être déployés sur le terrain.
Sous l'oeil avisé des membres du GMHM, les commandos montagne ont pour mission d'installer un équipement qui permettra à une section de leurs collègues de franchir, de nuit et avec tout leur équipement et armement, un passage réputé infranchissable.
Pour se faire, ils installent sangles, goujons et même, rappels et tyroliennes, afin de facilité la progression, comme pour une vraie opération.
Pour les membres du groupe, il s'agit d'une expérience également intéressante, comme le souligne l'un des membres : "on est obligé de s'adapter aux gens et à du matériel plus classique que celui que nous utilisons habituellement, c'est intéressant. Cela permet de garder le contact avec le corps de troupe, voir comment leur matériels évoluent. Vu que tu passes une semaine avec eux, ils te racontent leurs expériences des opérations extérieures. C'est un trait d'union avec la réalité du corps de troupe".
Il ajoute : "C'est enrichissant pour nous qui faisons du haut niveau au quotidien car c'est en transposant nos compétences à ce contexte particulier que le GMHM apporte, en partie, sa plus-value aux capacités opérationnelles de notre armée. Ce que l'on fait est utilie, on est dans le concert. Il ne viennent pas là pour prendre l'air, ils viennent apprendre quelque chose".
Pour en savoir plus sur l'EMHM, nous vous conseillons la lecture du livre "À l'école des soldats de montagne" de Fred Marie