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Les démineurs parachutistes du 17e RGP

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L'objectif de cette émission audiodisponible sur toutes les plateformes en ligne de Podcast, est d'ouvrir au grand public les portes d'un univers d'ordinaire plutôt secret, dans le but de donner à réfléchir à des questions qui nous concernent tous, qu'elles soient politiques, géopolitiques, économiques ou plus largement sociétales.

Dans ce nouvel entretien nous partons à la rencontre de l’adjudant-chef Julien, démineur du 17e régiment du génie parachutiste basé à Montauban. Avec lui nous allons en apprendre plus sur cette spécialité parfois fantasmée et finalement assez mal connue du grand public. Nous reviendrons sur son parcours et les étapes franchies pour atteindre cette spécialité. Ce sera aussi l'occasion de parler des qualités nécessaires pour devenir démineur et de l’évolution des matériels et de l'emploi des sections EOD dans les armées.

 

Présentation

Pouvez-vous vous présenter ?

Je suis le chef Julien je suis démineur au 17e régiment du génie parachutiste à la section EOD ce qui se traduit en français par élément opérationnel de déminage. C'est la section qui regroupe tous les spécialistes du déminage au régiment.

17e RGP, Montauban, génie

 

Quel est votre parcours ?

Je suis sous-officier direct c'est-à-dire qu'après mon bac j'ai passé les tests pour intégrer l’école nationale des officiers d'actives (ENSOA) à l'issue de laquelle j'ai choisi l'arme du génie et plus particulièrement pour servir au 17e RGP. En tant que sergent, j'ai rejoint le régiment en 2004 où je servais en compagnie de combat. J'ai tenu les postes de chef de groupe, puis sous-officier adjoint. J'ai ensuite été muté à l'ENSOA où j'ai tenu pendant trois ans le poste d'instructeur pour les jeunes élèves. À l'issue je suis revenu en 2015 au 17e RGP comme adjoint d'unité et chef de section. En parallèle, j'ai passé toutes mes qualifications pour être démineurs et j'ai intégré la section de déminage en 2019 jusqu'à aujourd’hui.

 

Quelles sont les spécificités du démineur parachutistes ?

Nous avons une double casquette. D'abord la partie démineur standard qui est commune à toutes les équipes de déminage des autres régiments du génie, ensuite du fait de la spécificité parachutiste du régiment, nous devons développer d’autres compétences. Par exemple, nous devons pouvoir être largué en zone d'opération avec très peu de matériel ou du matériel adapté à ce type de mission. Cela nécessite une réflexion sur l'emport du matériel, sa minimisation et sur le changement de certaines procédures du fait de l'absence ou des différences de matériel que l'on va utiliser.

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Comment on fait pour se préparer à ce genre de métier ?

La particularité dans l'armée de terre c'est que pour être démineur la formation est relativement longue et comprend de nombreux stages. Tout d’abord, comme dans les autres armées, il faut être sous-officier et choisir l’arme du génie. Ensuite, si vous êtes intéressé par la spécialité EOD vous aurez plusieurs paliers à franchir. C’est au cours de ces stages et formations que l’on va chercher et détecter les qualités nécessaires pour devenir démineur. Cela passe par le sang froid, une grosse capacité d’assimilation théorique et technique et le sens du travail en équipe. L’encadrement des stages est formé et habitué à détecter les meilleurs candidats pour ce poste.

 

Ce sont des qualités naturelles, peuvent-elles se développer par la suite ?

Ce sont des qualités qui se travaillent et se développent. Maintenant c'est comme pour tous les métiers je pense tout le monde n'est pas fait pour certaines spécialités et pour les EOD c'est la même chose. Il y a régulièrement des gens qui font échec au stage parce qu'ils n'ont pas le profil recherché tout simplement. Ce n'est pas qu'ils ne sont pas bons, c'est simplement qu’ils ne correspondent pas aux exigences liées à ce métier.

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Les missions d’un démineur

Quelles sont les missions de votre unité ?

Nous avons principalement deux types de missions. La première se déroule plutôt sur le territoire national. La section va armer une astreinte pour traiter des munitions, notamment celles non explosées de la première ou seconde guerre mondiale. Nous pouvons aussi intervenir sur des sacs abandonnés ou des colis suspects. En revanche, ce type d'intervention se fait uniquement sur des zones militaires. Notre deuxième mission principale consiste à fournir des équipes lors des déploiements en OPEX des forces armées françaises et qu'il y a une nécessité de présence de démineurs.

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Êtes-vous intervenants sur la mission Sentinelle ?

L’opération sentinelle est en appui des forces de sécurité intérieure. Ce sont donc les démineurs de la police ou de la sécurité civile qui interviennent en premier sauf s’ils demandent une réquisition des démineurs de l'armée en particulier.

 

Vous faites aussi de la formation pour les personnels qui sont en compagnie de combat, par quoi commencez-vous avec les jeunes engagés au 17e RGP ?

En fait, c'est compliqué de répondre en quelques mots, parce qu'au final, les militaires qui sont dans le cursus génie suivent tout un panel de formations qualifiantes qui, au fur et à mesure des responsabilités dues à leur grade, vont monter en puissance petit à petit.

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Ce qui va être commun à toutes ces formations, c'est une notion de sécurité, et notamment de distance de cordon de sécurité. À chaque fois que nous les mettons en situation, nous délivrons toujours le même message : « À quoi j'ai affaire ? ». Du coup, quelle est ma distance de sécurité par rapport à l’engin et où je peux me placer pour être en sécurité ? Après, ils apprendront les multiples gestes techniques à chaque palier de leur formation et de leur évolution, ce qui leur donnera au fur et à mesure des compétences particulières.

 

Vous utilisez des drones et des robots terrestres pour déminer, est-ce la fin des démineurs ?

À mon avis nous aurons toujours besoin de l'analyse humaine. En matière de distance de sécurité par exemple, le robot va agir de manière mathématique. Il ne prendra pas en compte tous les paramètres qu'un humain peut faire. Pour moi la présence du démineur sera toujours indispensable.

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Dans l’équipe nous utilisons un robot chenille qui a l’avantage de ne pas être très volumineux et capable de faire des gestes techniques de manière autonome. Grâce à sa caméra nous avons une vision précise lors des phases de reconnaissance et avec son bras articulé et sa pince il peut attraper ou déplacer des petites choses. Nous pouvons aussi monter un canon qui nous permet de tirer de l'eau ou des projectiles pour intervenir sur une munition ou un objet explosif à distance.

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Depuis quelques années nous utilisons aussi des drones. Au début, c'était plutôt des appareils issus du monde civil, mais maintenant que son emploi est rentré dans les mœurs, nous sommes équipés de drones fabriqués spécifiquement pour l'armée. Nous nous en servons principalement pour de la reconnaissance, pour aller sur un engin ou une munition suspecte sans engager le démineur. Par rapport au robot, il va offrir une vue d’ensemble avec une qualité d’image nettement supérieure.

 

Au régiment vous avez une salle avec des centaines d’obus et de mines, pourquoi ?

Nous appelons cette salle une collection de travail. Elle a pour but de faire travailler l’ensemble des personnels du régiment. À chaque fois que nous sommes déployés sur un théâtre d’opérations nous essayons de ramener ce qui a été trouvé de nouveau sur le terrain. On y trouve beaucoup de munitions d'origine russe parce que l'époque où elle a été créée, nous étions dans l'époque post-guerre froide. L’essentiel de nos déploiements se faisant dans les Balkans et beaucoup de munitions russes circulaient. Mais au fil des missions et des années, les munitions ramenées évoluent. Cela permet d’être à jour des dangers potentiels que nous pouvons rencontrer sur le terrain.

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Quel est l’engin le plus impressionnant que vous avez vu ?

Pour moi la chose la plus impressionnante à laquelle j'ai été confronté n'est pas dans la collection de travail. C'est un véhicule suicide, un SVBIED comme on l'appelle dans notre jargon de travail. Ce type d'intervention n'est pas forcément techniquement compliquée, mais reste impressionnante par la quantité d'explosif utilisée. Le but de ces véhicules est d'occasionner un maximum de dégâts et notamment d'essayer de "brêcher", c’est-à-dire  de tenter de rentrer de force dans les emprises militaires en occasionnant un maximum de dégâts. C'était une intervention aussi impressionnante car le kamikaze dans le véhicule, qui avait été neutralisé, était encore à l’intérieur.

 

 

Les OPEX

Votre dernière OPEX ?

Ma dernière mission était au Mali pour l’opération Barkhane. Mais elle est un peu particulière parce que c’était l'amorce du désengagement des forces. Comme la priorité de la mission était de se désengager, il n'y a pas eu de d’intervention de déminages à proprement parler. Cela consistait à beaucoup de convois logistiques où nous étions en appui "au cas où". Il y avait donc moins d'opérations de déminage que sur les mandats précédents. Deux ans auparavant j’étais déjà déployé au Sahel à une époque ou les missions de déminage étaient plus nombreuses et nous avions eu beaucoup plus de travail.

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Sur Barkhane en tant qu’EOD il y a plusieurs facettes dans notre travail, mais principalement deux gros cas de figure. Le premier est quand la force découvre un explosif improvisé ou une cache de munitions. À ce moment-là nous sommes déployés pour traiter la menace ou, malheureusement, quand la force a été touchée, pour aborder en sécurité le lieu de l’explosion, traiter les blessés éventuels et surtout sécuriser la zone pour pouvoir continuer la mission.

 

Pendant l'opération Barkhane les IED étaient une menace majeure, comment s’y préparer ?

La particularité des groupes EOD en France est que nous avons accès à une base de données régulièrement mise à jour, où figure toutes comptes rendus d'intervention notamment au Mali. Cela nous permet d'avoir des documents auxquels se référer pour monter des thèmes similaires à l’entraînement. Grâce à ça, nous travaillons toujours sur des cas concrets de manière à être au cœur de l'actualité et mieux préparés quand on arrive sur place.

 

Qu’est-ce qu’un IED ?

En français un IED c'est engin explosif improvisé. Improvisé car il est constitué d’éléments qui n'ont pas forcément vocation à être utilisés pour fabriquer cet engin. Dans les IED nous retrouvons toujours des éléments communs : Un système de déclenchement qui va permettre de faire fonctionner l’IED, une charge d'explosive qui peut être soit une munition récupérée et détournée de sa fonction première, soit de l'explosif fabriqué de manière artisanale et une source d'énergie pour faire fonctionner cet IED, comme des batteries ou des piles. Tous ces éléments forment l’engin explosif improvisé. Après il y a de nombreuses formes d’IED en fonction des théâtres d’opérations. La limite de conception de ces engins dépend surtout de l'imagination de celui qui le conçoit.

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C'est très artisanal ou au contraire il y a de plus en plus de technologie dans sa fabrication ?

Cela dépend des théâtres. Au Mali, on retrouve beaucoup de munitions des pays qui les approvisionnent. Mais on trouve aussi de l'artisanat car ils se débrouillent avec les moyens du bord. A contrario, au Moyen-Orient, comme en Irak par exemple, des gens vont concevoir et fabriquer de nouvelles munitions mais à l'identique de munitions existant. C'est une nouvelle munition mais avec des systèmes de fonctionnement qui sont identiques à d'autres munitions manufacturées. Si on regarde l'actualité ,aujourd’hui avec le conflit ukrainien nous sommes face à des armées conventionnelles qui utilisent principalement des munitions manufacturées directement sorties d'usine. Mais pour les mines et IED les schémas de conception et d'utilisation évoluent en permanence.

 

 

L’évolution de la guerre des mines

En Ukraine l’usage du minage semble s’être intensifié. Est-ce un mode d’action qui revient ?

C'est un mode d'action qui ne s’est jamais vraiment arrêté. La particularité est que sur les théâtres où nous étions déployés ces dernières années cela s'apparentait plus à de la contre guérilla. Nous étions face à des groupuscules terroristes ou des groupes armés qui n'ont pas les moyens de mettre en place ce type d'action d'où la présence d'engins explosifs improvisés. En revanche en Ukraine nous avons deux armées conventionnelles qui s’affrontent dans des combats de haute intensité. Les belligérants appliquent tout simplement ce que l'on apprend à l'école, notamment pour les troupes du génie avec la mise en place d'obstacles à base de mines. On retourne sur des schémas de guerre classiques avec des champs mines et des points minés. De plus, comme l'artillerie est très employée, on retrouve de facto une forte pollution du champ de bataille. Ces événements nous obligent à refaire une bascule dans notre entraînement pour revenir à des concepts d'emploi plus traditionnels.

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Pour préparer les combats de haute intensité, notre doctrine ne change pas radicalement mais nous retournons aux fondamentaux de notre métier. C’est notamment le cas pour nos jeunes en compagnie. Depuis plusieurs années ils se préparaient beaucoup à lutter contre les IED. Aujourd’hui nous les redirigeons vers des interventions plus "classiques" comme le minage et le déminage de combat.

 

Vous êtes chargé de déminer, mais faites-vous de la pose de mine, pour de la protection d’emprises ou l’interdiction d’une zone à l’ennemi par exemple ?

Pour les EOD, le travail consiste uniquement à déminer. En revanche, en compagnie de combat, les sapeurs ont deux missions : offensives et défensives. En offensif le but est d'enlever les mines de l’adversaire pour continuer notre progression. En défensif c’est à nous d'en poser pour empêcher l’ennemi d’avancer. En revanche la France a ratifié une convention interdisant l’usage de mines antipersonnel, contrairement à la Russie par exemple.

 

En Ukraine, mais déjà en Irak, les belligérants utilisent des drones de loisir emportant de petites charges explosives. Comment traitez-vous ce type de menace ?

Il y a quelques années encore, nous étions les seuls à utiliser les drones, principalement pour la reconnaissance. Mais nous avons effectivement vu leur emploi devenir plus offensif. Aujourd'hui cela fait partie des process que nous avons mis en place. Ce type de menace est désormais régulièrement inclus dans les scénarios d’entraînement.

 

 

Le mythe du démineur au cinéma

Le film "Démineur" à connu un succès mondial, quel est votre regard sur cette production ?

Personnellement j’ai plutôt apprécié ce film. Évidemment dans la communauté des EOD chacun à son avis. En restant critique il y a des choses dans ce film qui sont proches de la réalité, notamment l'organisation d'une équipe de démineurs, même si elle est un peu différente de celle que nous avons en France. Mais l’équipement, les robots ou la tenue lourde sont des matériels qui existent vraiment dans l'univers du déminage. Il y a eu aussi un véritable effort de fait sur le rendu des explosions. D’habitude dans les films hollywoodiens on voit des grosses boules générées par du carburant. Cela permet de donner un côté plus "sensationnel". Dans ce film on voit la projection des clous et de la poussière, ce qui est assez réaliste. Après, certains gestes techniques sont plus éloignés de la réalité, notamment quand le démineur soulève à la main plusieurs obus. Dans la réalité ce sont des obus de 155mm qui pèsent 40 kg chacun donc impossible de tous les soulever en même temps et d'une seule main. C’est aussi peu crédible quand on le voit courir avec la tenue lourde qui pèse près de 50 kg. Mais à part ça, c’est un film qui retranscrit assez bien notre métier.

 

Cette tenue est assez impressionnante. Est-elle vraiment efficace ?

La tenue a été créée avec un certain cahier des charges, mais après cela dépend aussi de la menace sur laquelle on intervient. Je prends le cas du véhicule suicide, par exemple. Forcément quand nous sommes à côté de la voiture la tenue ne nous sauvera pas la vie. Elle sert surtout à mettre en sécurité le démineur le plus longtemps possible dans sa phase d'approche et de repli. Une fois sur l'engin, elle ne sera pas forcément efficace, mais par contre, en cas de déclenchement intempestif de l’engin, si le démineur est encore à plusieurs dizaines de mètres de lui, grâce à la tenue, il sera peut-être blessé mais en vie. Ce type de tenue est surtout là pour préserver le démineur un maximum de temps possible. Après, une fois sur l’engin, même si elle peut préserver l'intégrité du démineur, cela ne lui permettra peut-être pas de survivre.

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Dans les films, on ne comprend pas que le vrai danger, ce n'est pas forcément l'explosion, mais les impacts qui vont être projetés.

C'est ça ! Il faut comprendre qu’il y a plusieurs effets dans une explosion. Déjà, il y a celui de l'explosion en elle-même : le blast qui, suivant la distance où vous allez le prendre, va avoir un effet direct sur vos organes internes. Cet effet de choc est un des principaux dangers de l'explosion. Ensuite, en fonction de là où est située l'explosion, on aura les dangers de tout ce qui est éclats. Si c'est une munition antipersonnel par exemple, on aura les dangers des éclats générés par la munition elle-même. Mais dans le cas d'un engin explosif, ça peut être des projections de pierres qui sont dans la zone. Si on est en milieu urbain, ça peut être aussi l'effet du blast sur les bâtiments : des tuiles qui tombent, des morceaux de verre d'une fenêtre, etc. La majorité des blessés dans une explosion le sont de manière indirecte en étant dans le rayon d’action des éclats projetés.

 

L’acteur principal du film a un côté tête brûlée. Ce sont des qualités recherchées chez les démineurs ?

Au contraire nous recherchons l'inverse de ce profil, même si nous avons besoin de personnes capables d’aller face au danger. Il nous faut des équipiers pouvant analyser une situation malgré la pression. Dans ces moments-là il faut savoir rester calme pour prendre la bonne décision.

La première chose que l’on demande chez un démineur c'est toujours d'essayer de trouver des solutions en évitant de s'approcher un maximum de l'engin ou de la munition. Le but n'est pas de foncer tête baissée dessus et de vouloir mettre les mains dedans. Grâce à tous les gestes techniques que l’on apprend en formation et tout le panel de matériel que nous avons à disposition, nous devons être capables de trouver une solution pour nous mettre, ainsi que notre environnement, le moins en danger possible. Pour cela, il faut arriver à garder son sang-froid et réfléchir sans se précipiter.

Sur les interventions nous avons une responsabilité car nous sommes les dernières personnes vers qui le commandement se retourne. C’est parfois délicat car il y a toujours un ratio réussite de la mission/risques encourus qu’il faut savoir doser et analyser. C’est là que notre rôle prend tout son sens. Nous devons permettre à la chaîne de commandement de prendre la bonne décision. Par exemple, si vous décidez de pas intervenir sur un engin mais que les chefs ont besoin d’avancer, c’est bien le commandement qui prend la décision mais en suivant nos conseils techniques et ça peut arriver qu'il y ait des écarts. C’est peut-être quelque chose que l’on perçoit dans le film quand il désobéit à un ordre parce qu’il a une appréciation plus réelle que celle que peut avoir le commandement. Je ne l'ai jamais vécu et en France nous avons la chance d'avoir en commandement où le chef est à l’écoute. Évidemment c’est parfois aussi à nous de nous adapter, nous ne devons pas être en "frontale". C’est pour cela que nous donnons un maximum d’option à nos chefs pour qu’ils puissent choisir celle la moins contraignante pour la mission. Mais s'il y a vraiment une notion de sécurité engagée, ils iront la plupart du temps dans notre sens. Ils ne nous forcent jamais la main.

 

Contrairement à ce que l’on voit dans le film, vous travaillez toujours en binôme ?

Oui et c’est une image un peu erronée dans le film car il est souvent seul, même si on aperçoit un peu le binôme. En France, nous travaillons toujours à deux. Le numéro 1 est celui qui va intervenir sur la menace tandis que le numéro 2 est en retrait en sécurité à l'arrière et sa fonction principale est de préparer le matériel pour le numéro 1. Comme il intervient sur l’objectif le numéro 1 va réfléchir à chaud. Le numéro 2 de son côté va plutôt analyser la situation à tête reposée. D’ailleurs, entre chaque geste technique, le numéro 1 revient voir le numéro 2. Il y a alors une discussion et le numéro 2 va tempérer le numéro 1 car il a les idées un petit peu plus clair. Comme il a le temps d'analyser plus d’éléments il est forcément de bons conseils. En général il y a une rotation chaque fois qu'il y a une intervention. On fait tourner le binôme de manière que chacun soit mis en situation de numéro 1 et numéro 2.

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Conseils pour devenir démineur

Quel est le conseil qui vous a le plus aidé sur dans cette spécialité et que vous aimeriez repartager à quelqu'un qui souhaite se lancer ?

Il y en a plusieurs, mais les anciens m'ont conseillé de toujours se référer à notre premier stage de formation qui nous permet de faire de la reconnaissance mais sans intervention technique. Ils nous disaient : « Si vous êtes face à une situation où vous êtes en difficulté, où vous pourriez perdre vos moyens, revenez aux bases quand vous étiez tout petit remettez-vous dans la peau de ce qu’on vous a appris au tout début et ça vous remettra dans l’axe ». Pour l'avoir vécu, je confirme que c’est vrai et que ça fonctionne. C’est certainement le conseil qui m'a le plus servi.

 

Justement, pouvez-vous nous parler d’une intervention qui vous a paru compliquée ?

C’est sur le fameux véhicule suicide dont j’ai parlé précédemment. Quand je suis intervenu, à ma première approche j'étais relativement euphorique. Ce n’est pas quelque chose qu'on fait tous les jours et c'était ma première mission en tant que démineur. J'étais excité et content. Mais une fois arrivé sur l’engin j'ai eu un petit moment de stress et de panique car je réalisais ce à quoi j'étais confronté. Pendant quelques secondes j’ai commencé à douter et justement je me suis rappelé cette phrase de mes aînés. Je me suis recentré sur les fondamentaux et ça m’a permis de tout simplement dérouler ce que j’avais appris. Avec mon binôme nous avons réussi l'intervention sur le véhicule et sans difficulté particulière.

 

Vous avez choisi un métier qui comporte des risques. Lors de vos déploiements, comment faites-vous pour que votre famille ne soit pas trop stressée ?

Cela peut paraître un peu bête, mais je m'appuie sur les faits. J’explique à mon épouse que les victimes d’IED sont celles qui roulent dessus sans le savoir et rarement celles qui interviennent pour les neutraliser. Même s'il y a forcément un danger à venir mettre la tête au-dessus de ce type d’engin, je dis toujours à mon épouse que je préfère être celui qui va enlever la menace plutôt que celui qui roule sans savoir sur quoi il passe exactement. Évidemment il y a eu des accidents, des EOD blessés ou décédés en opération, mais il y a cette notion de maîtriser un peu plus le risque même si ce n'est jamais à 100%. Je me sers toujours de ces arguments pour rassurer mes proches et comme ils m’ont toujours vu rentrer, je pense que ça fonctionne.

 

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