L'artillerie de l'Armée de Terre

L'artillerie de l'Armée de Terre

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De la baliste au canon Caesar, du boulet en pierre à l'obus, l'artillerie a plusieurs fois révolutionné la manière de faire la guerre et tient une place majeure dans toutes les armées. du monde. Apparut en Chine entre 453 et 221 av. JC, l'artillerie désigne le matériel servant à lancer, à grande distance, sur l'ennemi ou sur ses positions et ses équipements, divers projectiles de gros ou petit calibre. Arme de siège il y a déjà plusieurs siècles, elle est encore aujourd’hui l’élément d’appui par excellence pour accompagner les troupes au contact, protéger son espace aérien et saper le moral de l’ennemi grâce à la précision de ses tirs et sa puissance de feu.

"Et par sainte Barbe… Vive la Bombarde !"

Histoire de l'artillerie

La Chine est la première à avoir maîtrisé l'ancêtre de l'artillerie occidentale : l'arbalète et la baliste. Les armes de jet se sont ensuite répandues dans toute l'Europe. En plein IVe siècle, les Grecs utilisaient des lithobolos, sorte d'arbalète projetant de petits boulets en pierre. Plus tard, Alexandre Le Grand puis les armées romaines en feront une pièce maîtresse de leur stratégie de combat. La fin du Moyen âge marque un nouveau tournant pour l'artillerie : l'arrivée en Europe de la poudre à canon, l'artillerie à jet laissant ainsi sa place à l'artillerie à feu. Sous Charles VII, les frères Jean et Gaspard Bureau rationalisent la discipline et grâce à leurs inventions, facilitent le transport des pièces d'artillerie tout en augmentant leur précision. Au gré des améliorations, les principaux défauts de l'arme, c'est-à-dire son encombrement et son imprécision, sont alors progressivement gommés. Au milieu du XVe siècle, les fragiles boulets en pierre sont remplacés par des projectiles en fer, laissant eux-mêmes leur place à l'obus, plus de 400 ans plus tard.

La forme caractéristique de l'obus augmente considérablement la portée et la précision de l'artillerie tout en permettant l'utilisation de nouveaux types de projectiles. Le lieutenant britannique Henry Shrapnel invente en 1784 un obus rempli de poudre et de billes en acier qui explose en l'air à la distance choisie par l'artilleur. Utilisé à Waterloo en 1815, ses effets sont dévastateurs et l'armée de Napoléon Ier essuie une cuisante défaite.

Les décennies passant, l'amélioration des techniques de communication et de visée donnent naissance au tir indirect. À partir des années 1890 et pour la première fois de l'histoire, l'artilleur ne voit plus obligatoirement sa cible. Cette différence majeure donne lieu à l’apparition des premiers observateurs d’artillerie. Intégrés aux troupes au contact, ils renseignent sur la position et évalue les frappes. Ce besoin de renseignement motivera plus tard, la naissance de l'aviation légère de l'armée de terre (ALAT).

Les missions de l'artilleur

L'appui par le feu est la principale mission qui incombe aux artilleurs français. Ils apportent ainsi leur soutien aux régiments d'infanterie en frappant les positions ennemies par-delà la ligne de front.

Pour autant, l'artillerie ne dispose pas uniquement de moyens dits "sol-sol", elle protège également ses camarades des menaces venues du ciel. En effet, la défense aérienne fait également partie des missions de l'artillerie de l'Armée de Terre.

 En outre, le renseignement constitue une part importante de leur travail. Les régiments d'artillerie disposent de drones et de radars pour repérer les positions ennemies, détecter les aéronefs ou encore l'activité de l'artillerie adverse. Ces informations servent bien sûr à guider ses frappes, mais sont également utiles à l'ensemble des troupes présentes sur les théâtres d'opérations

Crédit photo : Armée de Terre 

Enfin, impossible de parler des missions de l'artillerie sans évoquer les Détachements de Liaison d’Observation et de Coordination (DLOC), c'est-à-dire les observateurs d’artillerie avancés qui sont intégrés aux autres unités pour conduire, coordonner les appuis feux et parfois guider les frappes. Grâce à eux, le chef interarmes peut décider de l'emploi, de la mise en œuvre et du déclenchement des feux en toute connaissance des risques et de pouvoir annuler une frappe à tout moment.

Les régiments d'artillerie français

L'artillerie française compte 9 régiments d'artillerie répartis dans toute la France.

Le 1er régiment d'artillerie

Basé à Belfort, le 1er RA est le régiment d'artillerie historique de l'armée française. Il est constitué en 1671 et commandé alors, par Louis XIV puis Louis XV et porte depuis le nom de Royal Artillerie. Le régiment se distingue dans de nombreuses batailles du 19e siècle avant de prendre part à la Grande Guerre durant laquelle il obtient la Croix de guerre. Ensuite, les artilleurs du Royal sont de toutes les missions de l'OTAN, de l'ONU ou de la France comme en Afghanistan, au Mali.

Le 61e régiment d'artillerie

Spécialiste du pilotage de drone, le 61e RA, dit "les yeux de l'Armée de Terre", constitue un des éléments du commandement du renseignement au sein duquel il met œuvre les drones d’observation et d’acquisition de l’Armée de Terre. Le renseignement, la surveillance des aéronefs et des feux sont ses trois principales missions. Par ailleurs, le régiment dispose, dans sa base de Chaumont, d’un centre de formation par lequel passe tous les pilotes de drones de l’Armée de Terre. Enfin, l'armée française bénéficie de la veille stratégique permanente des hommes du 61e RA qui ont à leur disposition des moyens de réception et d'analyses d'images satellites. Surnommés les diables noirs par les soldats allemands lors de la Première Guerre mondiale, les hommes du 61e ont été décorés de nombreuses fois pour leur savoir-faire tactique.

Le 54e régiment d'artillerie

Basé à Hyères dans le sud de la France et créé le 1er mars 1910 à Lyon, le 54e RA est le seul régiment d'artillerie sol-air de l'Armée de Terre. Il a, sous sa responsabilité, la défense aérienne basse et très basse altitude des unités françaises. Le régiment a également assurer la sécurité aérienne des soldats de la Force intérimaire des Nations unies au Liban (FINUL) et protège, en outre, le site de la fusée Ariane à Kourou en Guyane au sein du 3e régiment étranger d'infanterie.

Le 40e régiment d'artillerie

Le 40e RA est le régiment d'appui le plus décoré de l'armée française. Il a été créé le 1er octobre 1894 et renseigne et appui depuis 2009 la deuxième brigade blindée. Basés à Suippes dans la Marne, les militaires du 40e RA se sont illustrés de nombreuses fois. En 1916, il est « le » régiment d’artillerie de la bataille de Verdun. Le 2 août 1944, il prend part à la libération de la France en débarquant sur la plage d'Utah Beach. 52 ans plus tard, en Bosnie-Herzégovine, le 40e RA positionne ses canons AUF1 sur le Mont Igman, au côté de la Royal Artillerie. Son appui de la division multinationale française sud-est "SALAMANDRE" se montre décisif dans la résolution du conflit en ex-Yougoslavie. Plus récemment, les hommes du 40e RA se sont distingués en faisant partie avec brio de nombreuses équipes OMLT auprès des militaires afghans, mais également au cours de l’opération Chammal, au Levant et Barkane au Mali.

Le 35e régiment d'artillerie parachutiste

Constitué à Vannes en 1873, le 35e RAP a depuis rejoint la 11e brigade parachutiste pour devenir son unique régiment d'artillerie. Spécialistes des appuis d'urgence, ces hommes sont formés à la 3e dimension et peuvent donc mettre en œuvre leurs mortiers de 120 mm ainsi que leur matériel de renseignement via aérolargage, poser d’assaut, aérotransport ou héliportage. Il est, de plus, le seul régiment d'appui à rester en alerte Guépard TAP en permanence.

Le 68e régiment d'artillerie d'Afrique

Les hommes du 68e RAA sont les uniques héritiers de l'artillerie d'Afrique. Leur régiment a été créé en 1941 à Tlemcen en Algérie. En souvenir de cet héritage, chaque batterie perpétue la mémoire des régiments d'artillerie d'Afrique aujourd'hui disparus. Après la Croix de la valeur militaire avec une étoile d’argent, reçu pour leur engagement en Afghanistan, les hommes du 68e RAA reçoivent l’étoile de bronze pour être entré les premiers au Mali dans le cadre de l’opération Serval. Durant leurs nombreux déploiements à l'étranger, les soldats du 68e RAA ont pu appuyer la 7e brigade blindée de Besançon.

Le 93e régiment d'artillerie de montagne

Basé à Varces, le 93e RAM est responsable des appuis feux et du renseignement de la 27e brigade d’infanterie de montagne. Tout comme la brigade dont il fait partie, il est spécialisé dans l’intervention en milieu montagneux et par conditions climatiques extrêmes. Parmi ses plus grands faits d'armes, on trouve la participation victorieuse aux combats les plus hauts d’Europe. Ce duel d’artillerie contre l’armée allemande se déroula le 9 avril 1945, au col du Midi, dans le massif du Mont Blanc, à 3 593 mètres d’altitude.

Le 28e groupe géographique

Le 28e GG d'Haguenau, aujourd’hui rattaché au commandement du renseignement, est la seule unité française responsable du recueil et de l'exploitation des données géographiques utiles à l'Armée de Terre. Il fournit les informations géographiques et topographiques nécessaires à l'établissement des stratégies, à la planification et à la conduite des opérations. Ces informations, utiles en temps de paix comme en temps de guerre, concernent les sciences du globe et les sciences humaines, politiques ou économiques. Le rôle du 28e Groupe Géographique est donc de "maîtriser la description de l'environnement physique et humain de la zone des opérations et fournir l'information permettant sa compréhension par les unités engagées" selon les mots de l'Armée de Terre.

Le 17e groupe d'artillerie

Basé à Biscarrosse, le 17e groupe d'artillerie a pour mission de former et entraîner à la lutte anti-aérienne l'ensemble des unités de l'Armée de Terre. Pour cela, le régiment conçoit et pilote ses propres cibles volantes et forme ainsi au tir de missile en condition réelle depuis son pas de tir du front de mer. Par ailleurs, le groupe dispose d’un centre dédié à la formation des maîtres chien de la Marine et de l'Armée de Terre.

Le matériel de l'artillerie de terre

Pour mener à bien leurs missions, les régiments d'artillerie dispose d'un matériel très divers allant du nano drone au canon Caesar de 155mm.

L'appui feu

Pour ce qui est de l'appui-feu, les artilleurs disposent des canons automoteurs de 155 mm modèle F1 (AuF1) et Caesar, du canon tracté TRF1, du mortier de 120 mm ainsi que du lance roquette unitaire.

Dans les années 60, la menace du pacte de Varsovie pousse l’OTAN à remplacer ses canons de 105 mm par des modèles en 155 mm beaucoup plus puissants. En 1979, c’est le 40e RA qui expérimente en premier le tout nouvel AuF1.

43 ans plus tard, Il est le dernier régiment à encore posséder quelques modèles modernisés. Fabriqué, comme son prédécesseur, dans l’usine Nexter de Roannes, le canon Caesar entre en service en 1982. Il fait office depuis quelques mois de fer de lance de l'industrie de Défense française. 

Ce système d'artillerie constitué d'un canon de 155 mm monté sur un camion 6x6 peut atteindre 50km/h en tout-terrain. Sa cadence de 6 à 8 coups-minute, sa portée de 42 kilomètres ainsi que sa précision redoutable en fond une arme très appréciée par les artilleurs français et alliés, 18 modèles (sur les 76 en dotations) ont d'ailleurs été livrés à l'armée ukrainienne pour faire face à l'agression russe. Le ministère des armées à d'ores et déjà notifié Nexter d'une commande afin de remplacer ces 18 Caesar. Entré en service en 1989, le canon tracté TRF1 ne dispose pas de la précision et de la facilité de mise en œuvre du Caesar. Cependant, sa mise en batterie ne prend que 2 minutes et sa cadence de tir est tout de même de 6 coups par minute. Il sera progressivement remplacé par le Caesar.

Le mortier de 120 mm Rayé Tracté Modèle F1 est entré en service en 1973. Depuis, il suit les artilleurs français dans toutes leurs opérations à l'étranger. Robuste et rustique, ce mortier au canon rayé n'en pas pour autant moins précis. Il est aérotransportable et aérolargable et donc compatible avec les appui feu en urgence du 35e régiment d'artillerie parachutiste. Par ailleurs, les régiments d'artillerie français devraient recevoir à partir d'avril 2024 leur Griffon MEPAC, une version du VBM équipé d'un mortier de 120 mm dans le compartiment arrière.

Pour finir, le lance roquette unitaire, qui n'est utilisé que par le 1er RA, détient un grand potentiel stratégique. Ce monstre de 27 tonnes, embarquant 12 roquettes peut toucher une cible à 70 kilomètres avec une précision de 3 à 5 mètres. 

La défense aérienne

Concernant la lutte antiaérienne, spécialité du 54e RA, elle ne repose plus que sur le missile très courte portée Mistral. Un constat qui inquiète le chef d’état-major de l’armée de Terre, le général Pierre Schill, qui plaide pour un rééquilibrage de la "trame artillerie" - en portant une attention particulière à la défense sol-air - dans la prochaine loi de programmation militaire. Les artilleurs français disposent par ailleurs de moyens de détections : le radar Samantha et le système de Maillage des Radars Tactiques pour la lutte contre les Hélicoptères et les Aéronefs à voilure fixe (MARTHA).

Le renseignement

Le renseignement est une des missions de l'artillerie française. À ce titre, elle dispose de nombreux matériels. Comme bon nombre de régiments de l’Armée de Terre, elle met en œuvre les micro drone PARROT ANAFI USA et nano drone BLACK HORNET 3 qui permettent de produire du renseignement en toute discrétion mais à courte distance. Le tout nouveau Système de Mini-drone de Renseignement (SMDR) est quant à lui réservé aux régiments d’artillerie.

Crédit photo : Armée de Terre 

Fabriqué par Thales, le SMDR se compose de trois drones Spy’Ranger et d’une station sol. Avec une autonomie de 2h30 et une portée effective de 30 kilomètres, il vole deux fois plus longtemps et deux fois plus loin que son prédécesseur, le DRAC. L'aéronef le plus imposant de l'artillerie, le Système de Drone Tactique (SDT) PATROLLER est l’apanage du 61e RA.

 

Crédit photo : Safran 

Développé par Safran, sa portée de 150 kilomètres et son autonomie de 14 heures en font l’outil parfait pour la reconnaissance longue distance, la surveillance de zone et la conduite de tir. En outre, les régiments d'appui disposent de moyens radars. La Royal artillerie met en œuvre son radar de contre batterie Cobra, le Système de Localisation de l’Artillerie par l’Acoustique (SL2A) ainsi que le GA10 (Ground Alerter 10) au Liban, dans le cadre de la FINUL. Cela dure depuis août 2006 pour le Cobra et depuis 2014 pour le SL2A et le GA10. Le Cobra est capable de détecter les départs de coups et les explosions à 40 kilomètres de distance. 

Enfin, le radar Murin, qui remplace les modèles RATAC et RASIT mis en service il y a plus de 40 ans, est arrivé dans les régiments il y a tout juste 3 ans. Ce petit bijou, fabriqué par Thales, détecte tout ce qui bouge dans un rayon de 24 kilomètres. Il équipera notamment certains des 117 Griffon VOA, pour Véhicule d’Observation d’Artillerie dont seront dotés les régiments d’artillerie d'ici 2025. Le VBM disposera en outre d'une boule optronique sur mât, d'un télémètre, d'un désignateur, d'un pointeur laser et du matériel nécessaire à la conduite d'une frappe aérienne.

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