Soudan : la France évacue plus de 900 personnes
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[Soudan]
Comme nous vous en parlions la semaine dernière, depuis plusieurs jours, de violents combats ont eu lieu au Soudan entre l'armée régulière dirigée par le général Abdel Fattah al-Burhane et les Forces de Soutien Rapide (FSR) dirigées par le général Mohamed Hamdane Daglo. Ces affrontements ont lieu dans plusieurs villes, dont la capitale Khartoum, et on dénombre actuellement plusieurs centaines de morts, des milliers de blessés et des dizaines de milliers de déplacés.
En marge des combats il a été rapporté qu’un convoi diplomatique américain a été attaqué et l'ambassadeur de l'Union européenne en poste à Khartoum a été agressé dans sa résidence. Face à cette situation, plusieurs pays ont décidé d'évacuer leurs ressortissants présents sur place.
Pour lancer une telle opération, plusieurs conditions doivent être réunies, une relative accalmie dans les combats et des plateformes aéroportuaire et maritime sécurisées pour permettre le regroupement et l’évacuation des ressortissants étrangers. À l’heure actuelle, cela semble être le cas de l’aéroport de Khartoum et de port Soudan.
Malgré ces difficultés, une opération de RESEVAC (évacuation de ressortissants) a été lancée le 22 avril par plusieurs pays, dont la France, la Grèce et les États-Unis. Cette opération visait à évacuer le personnel diplomatique européen ainsi que de nombreux ressortissants des États membres.
La France a donc lancé l’opération "Sagittaire" quelques heures après celle déclenchée par le président américain Joe Biden qui avait procédé à une première évacuation du personnel diplomatique grâce à 3 CH 47 Chinook avant d’envoyer une dizaine de C17 vers Khartoum.
Paris de son côté avait mis en alerte ses forces stationnées aux Émirats arabes unis et à Djibouti. Un pont aérien a été établi entre Khartoum et Djibouti, le premier appareil s’est posé dans la capitale soudanaise dès le 22 avril à 21 heures. Au total les armées ont effectué neuf Rotations (7 A400M et 2 C130) et une rotation de la FREEM-DA "Lorraine" entre port Soudan et Djeddah en Arabie saoudite qui a pris à son bord le personnel des Nations-Unis en poste au Soudan. Le 27 avril le bilan de l’opération "Sagittaire" était de 150 militaires déployé, dont un nombre important de forces spéciales (un des commandos a d’ailleurs été blessé lors d’une évacuation dans la ville) et de près de 900 personnes, de 80 nationalités différentes, évacuées, dont plus de 200 Français.
[Ministère des armées]
L'exercice majeur des armées : Orion 2023, est entré dans sa quatrième et dernière phase le 19 avril 2023. Cette manœuvre sans précédent simule une opération militaire de grande envergure avec la participation de forces armées de 14 pays alliés. L'objectif principal d'Orion est de renforcer la préparation opérationnelle interarmées et l'aptitude des armées françaises à répondre rapidement aux conflits de haute intensité.
La France est le pays cadre de cette coalition multinationale et fait face à un adversaire fictif de puissance équivalente. Les opérations militaires se dérouleront dans tous les milieux (Terre, air, mer) y compris l'espace et le cyberespace, ainsi que dans tous les champs immatériels (informationnel et électromagnétique).
Cette dernière étape de l'exercice a commencée avec l'armée de l'Air et de l'Espace pour établir une supériorité aérienne sur l'ennemi. Ensuite, les forces terrestres seront engagées dans un combat symétrique pour arrêter l'avancée des unités adverses "Mercure" et permettre la libération de la région "Arnland". Pendant 19 jours, 12 000 militaires, dont 1 700 alliés, seront sur le terrain avec 2 600 véhicules tactiques et une quarantaine d'hélicoptères sur une zone d'action terrestre comprise entre Besançon et Amiens, soit une zone de 400 x 250 km. 750 sorties aériennes sont prévues dans le Nord-Est, le Massif central et le golfe de Gascogne, avec une cinquantaine d'avions de chasse, une dizaine d'avions de transport et des drones. Le milieu maritime sera également concerné depuis l'Atlantique.
L'exercice comporte également une part virtuelle au scénario, avec l’emploi d’une division complète et de contingents alliés simulés. Les forces auront aussi à subir plusieurs cyberattaques ainsi que de nombreuses campagnes de désinformation sur les réseaux. Pour le ministère des Armées, cette dernière phase d'Orion vise à atteindre trois objectifs principaux : la conduite d'une opération de haute intensité face à un adversaire de même envergure, l'intégration des effets opérationnels dans tous les milieux et tous les champs, ainsi que la capacité à intégrer des forces armées alliées et partenaires dans cette manœuvre.
[Marine nationale]
Mercredi 19 avril le sous-marin nucléaire lanceur d’engins (SNLE) "Le Terrible" a effectué avec succès son premier tir depuis son retour de grand carénage. Le missile balistique mer-sol M-51 (certainement la version ".2") a été tiré depuis la baie d’Audierne, au large du Finistère vers une zone située en Atlantique Nord, à plusieurs centaines de kilomètres de toutes côtes. Il s'agit du sixième tir d'un missile M51 effectué par un SNLE de la classe Triomphant et du premier depuis juin 2020.
Ce tir, effectué sans charge militaire, a été coordonné par la Direction générale de l’armement (DGA) et la Marine nationale, qui ont pu suivre l’intégralité de la trajectoire de vol du missile en utilisant des moyens de DGA Essais de missiles et ceux du bâtiment d’essais et de mesures "Monge".
Le SNLE "Le Terrible" était en grand carénage depuis janvier 2021, ce qui a permis de réaliser des travaux d'entretien de la coque et des structures, de l’énergie et la propulsion, de la sécurité plongée, des systèmes de conduite et d’exploitation de la plate-forme, des servitudes liées à la vie à bord, de la détection et de la lutte contre les menaces, ainsi que du système d’armes de dissuasion (SAD), soit environ 300 modifications pour améliorer les performances du sous-marin. Cette IPER (Indisponibilité périodique pour entretien et réparation) étant sur le point de se terminer, il était nécessaire de vérifier le système d’arme du "Terrible" avant son retour dans le cycle opérationnel.
Le ministre des Armées, Sébastien Lecornu, s'est félicité du succès de ce tir d'essai sans charge militaire, qui, selon lui, « matérialise la crédibilité et la robustesse de la dissuasion nucléaire française ». Les missiles M51.2 emportent de nouvelles têtes océaniques (TNO) d'une puissance de 100 kilotonnes. La version suivante, appelée M51.3, est en cours de développement et aura une portée plus élevée ainsi que de meilleures capacités de pénétration des défenses antimissiles adverses.
[Ministère de l’Intérieur]
Il y a maintenant une semaine, le ministre de l'Intérieur et des outre-mer, Gérald Darmanin, annonçait le lancement de l’opération Wuambushu (« reprise » en mahorais) à Mayotte. Celle-ci avait plusieurs buts : stopper une partie de l’immigration illégale et expulsant les personnes sans papier, le démantèlement de plusieurs bidonvilles où ils résident et la lutte contre la délinquance organisée. Dans ces trois domaines, le chantier pourrait être qualifié de pharaonique. En effet, la population clandestine venant des Comores ne cesse de progresser, les bidonvilles, souvent seul refuge pour de nombreux habitants de l'île dont près de 80% vivent sous le seuil de pauvreté, sont de plus en plus nombreux, et la délinquance est en progression constante ces dernières années notamment avec la multiplication de bandes organisées essentiellement constituées de jeunes mineurs extrêmement violents qui s’attaquent quotidiennement à la population. Un rapport de l’INSEE de 2021 qualifia même le 101e département français de « hors norme » en matière d’insécurité.
Pour cette opération le ministère a mobilisé près de 1 800 policiers et gendarmes dont une unité du RAID et de la CRS 8, une compagnie spécialisée dans la gestion des violences urbaine. Dimanche dernier, au deuxième jour Wuambushu, une dizaine de policiers avaient déjà été blessés. Entre affrontements physiques avec les bandes de délinquants, juridique avec une décision du tribunal stoppant la destruction des bidonvilles et diplomatique avec le gouvernement comorien qui refuse d’accueillir ses concitoyens expulsés l’opération s’annonce particulièrement compliquée, mais le ministre a réagi sur les réseaux insistant sur le fait que l’opération menée à Mayotte est « difficile, mais extrêmement résolue », et d’ajouter que « ce qui met en danger la population c’est l’insalubrité, l’insécurité et la non-reconnaissance du droit de propriété ».
[Drones]
AeroVironment, le concepteur américain des munitions rôdeuses Switchblade 300, a annoncé mercredi 26 avril que la France avait officiellement commandé ces armes, 10 mois après le début de rumeurs d’achat.
Le 24 mars, AeroVironment a été informé d'une nouvelle commande d'un lot de munitions Switchblade 300 par le bureau de projet Tactical Aviation and Ground Munitions (TAGM) de l'US Army. L'enveloppe supplémentaire de 64,5 millions de dollars est destinée à la fourniture de systèmes à deux armées étrangères, dont l'armée française. Le nombre de systèmes acquis par la France n'a pas été précisé, mais on parle de 70 drones dont les premières livraisons devraient avoir lieu dès cette année pour une fin de livraison en juillet 2024.
Actuellement, le système Switchblade 300 est une arme importante dans l'arsenal des systèmes sans pilote des forces armées ukrainiennes et a fait ses preuves en emploi opérationnel. Avec cette acquisition, ce sera la première fois que les militaires français utiliseront des munitions rôdeuses. Elles serviront également d'outil de formation en attendant des solutions françaises éventuellement issues des appels à projets Colibri et Larinae lancés par la DGA et l'AID. La version améliorée Block 20 du Switchblade 300 est dotée de nouveaux capteurs haute résolution, d'une autonomie de plus de 20 minutes et d'un nouveau système de contrôle de tir à écran tactile qui permet aux opérateurs de s'entraîner, de planifier et d'exécuter des missions plus facilement.
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