Exercice Thunder Lynx : Les paras Français sautent sur l'Estonie
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[OPEX]
Du 18 au 20 mai, l'opération aéroportée Thunder Lynx s'est tenue à Viitna, dans le nord de l'Estonie. L'objectif de ce déploiement était de démontrer la capacité d'intervention rapide de la France et de renforcer les forces présentes sur le flanc Est. Plus de 200 parachutistes français ont participé à cette deuxième édition en réalisant un saut opérationnel en coordination avec les forces estoniennes.
Pendant la nuit du 19 au 20 mai, les hommes du 8ème RPIMa de Castres ont reçu l'ordre de se regrouper et embarquer à bord de deux A400M de l'Armée de l'air et de l'espace pour un déploiement en urgence en Estonie afin de renforcer les forces alliées déjà présentes.
Le jour du largage, le groupement commando parachutiste, infiltré la nuit précédente pour sécuriser et reconnaître la zone de saut, a transmis les dernières informations tactiques aux équipages des deux appareils. Une fois la zone balisée, les Atlas, escortés par un F16 roumain participant à la mission enhanced Air Policing (eAP), ont largué plus de 200 parachutistes.
Arrivés au sol, les soldats du 8 ont pris contact avec leurs homologues estoniens pour s’infiltrer vers un objectif ennemi et mener une attaque conjointe sous le commandement de la 1ère Brigade estonienne. Si cet exercice avait pour but de travailler l'interopérabilité entre plusieurs partenaires alliés, en particulier avec les forces estoniennes il était aussi pour l’état-major français l’occasion de montrer sa capacité à déployer rapidement un grand nombre de soldats tout en montrant leur solidarité stratégique aux estoniens et à l’ensemble des membres de l’OTAN.
[Ministère des armées]
C’est dans un contexte de vives tensions internationales, que les députés débattent depuis une semaine du projet de la future loi de programmation militaire (LPM). Commencés le 22 mai, les débats en première lecture doivent s'étendre sur deux semaines, avec plus de 1 700 amendements déposés, avant un vote solennel prévu le 6 juin. Si cette nouvelle LPM prévoit une augmentation significative du budget sur les sept prochaines années, une partie des objectifs d'équipement militaire d'ici à 2030 sont quant à eux revus à la baisse. Malgré tout, bonne nouvelle pour les militaires, un amendement a été déposé juste avant le début des débats avec une correction portant sur l’accélération des commandes (2030 au lieu de 2035) de véhicules blindés du programme Scorpion à savoir le VBMR Griffon et l’EBRC Jaguar, afin de palier les potentiels manques avec la livraison de plusieurs dizaines de VAB et AMX 10 RC à l’Ukraine.
Aujourd’hui le gouvernement estime que les besoins des armées s'élèvent à 413,3 milliards d'euros sur sept ans (2024-2030), soit 40% de plus que la précédente loi de programmation militaire 2019-2025 (295 milliards). Le budget des armées, déjà en hausse depuis six ans, s'élève actuellement à 43,9 milliards et devrait continuer à augmenter pour atteindre, et normalement dépasser, 2% du PIB français.
Dans les priorités de la LPM on trouve la modernisation des outils de dissuasion nucléaire, l’augmentation et la fidélisation des effectifs notamment avec un doublement de la réserve opérationnelle, mais aussi un renforcement des capacités des forces spéciales, du renseignement et une nette augmentation du parc de drones. Le projet prévoit également des investissements dans les nouveaux domaines de conflictualité tels que l'espace et le cyber. Cependant, en raison de contraintes budgétaires, des décalages de livraison de matériel sont prévus après 2030.
Les partis politiques se sont rapidement emparés du débat sur la LPM, mettant en évidence des divergences de doctrines et des préoccupations concernant la cohérence et la masse des équipements militaires. Les écologistes s'opposent à un futur porte-avions, les communistes souhaitent sortir de la dissuasion nucléaire, et différentes questions sont soulevées par les partis d'opposition, notamment sur la souveraineté industrielle et les partenariats militaires européens.
L'opposition critique le texte, dénonçant des effets d'annonce et remettant en question la sincérité du budget. Certains s'inquiètent également de l'incertitude entourant le financement de 13,3 milliards d'euros par des ressources extrabudgétaires. De plus, ils demandent que les efforts les plus importants soient déployés avant la fin du quinquennat.
[Marine nationale]
Le 17 mai 2023, le sous-marin nucléaire d'attaque (SNA) Perle a commencé sa phase de remontée en puissance en effectuant ses premiers essais en mer. Sous le commandement du capitaine de frégate Nicolas Maigne, l'équipage bleu (il y a toujours deux équipages pour permettre une permanence à la mer) a réalisé des essais de propulsion et de manœuvrabilité en surface. La seconde étape a été franchie le 22 mai 2023, avec la réalisation de sa première plongée statique. Ces essais initiaux, marquent une étape importante après la sortie d’IPER (Indisponibilité Périodique pour Entretiens et Réparations), et visent à vérifier la parfaite capacité à naviguer en toute sécurité du submersible français.
Pour rappel, le SNA Perle était en arrêt technique majeur dans la zone Missiessy de l'escadrille des sous-marins nucléaires d'attaque de Toulon, suite à un incendie survenu le 12 juin 2020.
Les travaux de réparation, d'une ampleur exceptionnelle pour un arrêt technique majeur, ont été réalisés par l'industriel Naval Group, sous la supervision du Service de soutien de la flotte (SSF). Ils ont consisté à remplacer la moitié avant du SNA Perle par celle de l'ancien SNA Saphir, en utilisant des procédés de découpe et de soudage maîtrisés par l'industriel, puis à effectuer les raccordements électriques et fluidiques entre les deux parties. D’autres travaux majeurs ont ensuite été poursuivis, incluant la remise en place de tous les équipements, les travaux de modernisation déjà prévus avant l'incendie, le rechargement du cœur et la vérification de la chaufferie nucléaire.
Le SNA Perle pourra réintégrer le cycle opérationnel après sa période d'essais en mer, une fois sa capacité à naviguer en toute sécurité vérifiée et la validation de ses systèmes de combat.
[Pologne]
Il y a 6 ans, la Pologne avait lancé le programme Orka, un vaste projet de remplacement de ses quatre sous-marins de type Kobben, acquis auprès de la Norvège au début des années 2000. Varsovie souhaitait à l’époque se doter de submersibles plus modernes et capables d’emporter des missiles de croisière. Trois industriels s’étaient positionnés pour emporter ce marché de près de 2,4 milliards d’euros : l’allemand TKMS, le suédois Kockums et Naval Group soutenu par Florence Parly, la ministre des armées de l’époque.
L’industriel français avait tenté de mettre toutes les chances de son côté avec l’établissement d’accords de coopération industrielle avec le chantier MARS-Nauta et le groupe public de défense polonais Polska Grupa Zbrojeniowa (PGZ), en créant pour l’occasion près de 2 000 emplois sur le territoire polonais. Naval Group s’était aussi engagé à proposer des sous-marins Scorpène capables de lancer le Missile de croisière naval (MdCN).
Depuis, les priorités d’équipements militaires de Varsovie se sont très largement tournées vers les matériels terrestres et aériens et les quatre sous-marins Kobben ont été retirés du service sans qu’aucun ne soit remplacé laissant la marine polonaise avec un seul submersible l'ORP Orzel, d'origine soviétique.
Mais avec les dernières annonce d’une augmentation très significative des dépenses militaires, le programme Orka revient sur le devant de la scène a annoncé le ministre polonais de la Défense, Mariusz Błaszczak, lors du "Defence24 Day" le 24 mai. Le ministre n'a pas donné plus de détails sur la procédure à venir, mais il a indiqué que le nombre de sous-marins, leurs capacités et leurs équipements seraient dévoilés prochainement. Il a néanmoins mentionné que ces navires devraient être capables d'effectuer des missions de longue durée, avoir une capacité de combat élevée et faire preuve de flexibilité.
Il faut noter aussi, toujours selon le ministre, que les industriels européens et non européens seront invités à soumettre leurs offres. Cela signifie que Naval Group, ThyssenKrupp Marine Systems et Kockums pourraient être en concurrence avec les Sud-Coréens Hanwha Ocean (anciennement Daewoo Shipbuilding & Marine Engineering) et Hyundai Heavy Industries, qui produisent le sous-marin de type "Dosan Ahn Changho" doté de six systèmes de lancement vertical (VLS) pour les missiles balistiques mer-sol "Hyunmoo 4-4". Étant donné les liens déjà établis entre Varsovie et Séoul dans le domaine de l'industrie de l'armement (comme les avions de combat légers F/A-50, les chars K-2 Black Panther, les obusiers K-9 Thunder et les lance-roquettes multiples K239 "Chunmoo"), il n'est pas impossible que ces derniers parviennent à s'imposer.
[Iran]
Dans un contexte où la guerre en Ukraine fait rage en Europe, les tensions s'accroissent encore plus au sud entre les États-Unis et l’Iran, un des principaux soutiens militaires de la Russie. Depuis plusieurs mois, Téhéran ne se contente pas de fournir des drones kamikazes Shahed 136, des missiles guidés antichars Dehlavieh et d'autres équipements militaires à Moscou. Il semblerait, et ce malgré de nombreux rappels de la communauté internationale, qui les Iraniens poursuivent également le développement de leur programme nucléaire et cherche à renforcer ses capacités aériennes avec l'acquisition de chasseurs Su-35, offerts par son allié russe.
Cette dynamique d'expansion et de consolidation de la présence de Téhéran à Moscou ne laisse pas les États-Unis indifférents. Selon des sources iraniennes, Washington aurait envoyé plusieurs avions de renseignement SIGINT EP-3E près des frontières du pays. À la fin du mois de mars dernier les tensions sont encore montées d’un cran. Après l’attaque d’une base en Syrie de la coalition par des milices soutenues par les Gardiens de la révolution islamique iraniens tuant un militaire américain et en blessant plusieurs autres, les États-Unis avaient ordonné à leurs chasseurs F15 de procéder à des frappes de représailles sur le sol Syrien.
Dans le but de renforcer les capacités de sa 5e flotte actuellement déployée dans le détroit d’Ormuz, les États-Unis ont décidé d’envoyer des destroyers supplémentaires, des patrouilleurs d’interception des garde-côtes, des avions de patrouille maritime P8, plusieurs drones de reconnaissance et les célèbres avions d’attaque A-10 Thunderbolt II. Ce renforcement des forces américaines dans la région témoigne de la détérioration continue des relations entre les deux pays et fait suite à la récente saisie de deux pétroliers par l'Iran. Selon des responsables du Pentagone et de la Maison Blanche, l'Iran s'est livré à des actes de harcèlement, d'attaques et d'ingérence envers 15 navires marchands battant pavillon international depuis 2021.
Le commandant Tim Hawkins, porte-parole de la 5e flotte, a vivement dénoncé « le comportement injustifié et illégal de l'Iran, qui a directement conduit au déploiement de nouvelles unités américaines dans cette région stratégique du golfe Persique ». À la fin du mois de mars dernier, un détachement d’A-10, relevant du commandement central américain, avait été envoyé à la base aérienne d'Al Dhafra, aux Émirats arabes unis. À cette occasion les pilotes des Warthog ont suivi une formation spécialisée axée sur l'engagement et l'attaque de cibles en mer, dans le but d'améliorer la coordination entre les pilotes et les navires lors de la lutte contre les menaces en surface.
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