Le sommet du G7 confronté à l'égocentrisme occidental

Le sommet du G7 confronté à l'égocentrisme occidental

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Lors de leur 49ème sommet, les pays du G7 voulaient rallier à leur cause le “Sud global” pour contrer la Chine et la Russie. Ces trois jours de réunions n’ont finalement pas permis de mener à bien cette mission, la faute à l’égocentrisme occidentale.

Le G7, l'alliance occidentale qui représente 40 % du PIB mondial et 10 % de la population mondiale, s'est réuni du 19 au 21 mai dernier sous la présidence du Japon dans la ville d'Hiroshima. Les membres du G7 sont les États-Unis, le Royaume-Uni, la France, l'Allemagne, l'Italie, le Canada et le Japon. Au cours de ces trois jours de discussions, deux objectifs majeurs ont été mis en avant : renouveler le soutien à l'Ukraine et convaincre les pays du sud de s'engager dans cette cause, qui n'est pas évidente pour eux. Il était également impératif de définir une stratégie concertée pour contrer la montée en puissance de la Chine, sans froisser le président Xi Jinping. Dans un contexte géopolitique tendu, marqué par de nombreux enjeux, le sommet du G7 s'est avéré crucial pour l'avenir de l'Occident et ses relations avec les autres acteurs mondiaux.

Contrer l’ambition chinoise

Depuis longtemps, les pays européens et les États-Unis adoptent des attitudes divergentes à l'égard de la Chine. Jusqu'à récemment, Washington souhaitait mettre en place une politique de blocage économique similaire à celle qui avait été utilisée contre l'URSS pendant la guerre froide. À cette époque, les États-Unis et l'URSS échangeaient deux milliards de dollars de marchandises par an. Aujourd'hui, les échanges économiques entre Pékin et Washington s'élèvent à deux milliards de dollars par jour. Bien entendu, les échanges économiques sont également très importants entre la Chine et l'Europe. La stratégie occidentale consiste donc à limiter les risques en réduisant les dépendances à l'égard de la Chine et à contrer son expansion en nouant des alliances avec les pays du Sud global. Ces alliances doivent permettre d'éviter que le clivage Nord/Sud ne s'accentue encore plus. Cet objectif s'est traduit par de nombreuses invitations de dirigeants de pays de la région : la Corée du Sud, l'Inde, l'Indonésie, les Îles Cook, le Vietnam, les Comores ou encore l'Australie, cette dernière étant déjà bien acquise à la cause occidentale.

Malheureusement, aucun changement majeur n’a été annoncé de ce côté-là. “Les Occidentaux ont montré qu’ils prennent conscience de cette division avec les pays du « Sud global », mais s’ils continuent à penser qu’il suffit de quelques consultations pour que les pays du Sud se rallient à leurs positions, ils se trompent d’époque”, analyse le géopolitologue et directeur de l’IRIS, Pascal Boniface.

L'Élysée avait affirmé juste avant l'ouverture du sommet que ce n'était "pas un G7 antichinois". Cela n'a pas empêché les sept pays de faire des reproches assez virulents à Pékin concernant sa stratégie en mer de Chine, son attitude envers Taïwan ou les pressions économiques exercées sur les pays faisant partie des "Nouvelles routes de la soie". Lorsque l'on pense à la politique de sanctions souvent appliquée par l'Europe ou les États-Unis ou à l'extraterritorialité du droit américain, on comprend vite que certains de ces reproches n'ont pas lieu d'être. La réaction chinoise ne s'est pas fait attendre et un des objectifs de ce sommet s'est effondré. "Le G7 s'ingère grossièrement dans les affaires intérieures de la Chine. Il a calomnié et discrédité la Chine avec malveillance. Ses déclarations sont pleines d'arrogance et de préjugés sinistres," s'est insurgé le porte-parole du ministère chinois des Affaires étrangères.

Ces trois jours de réunions ont donc conduit à une crispation supplémentaire entre les Occidentaux et la Chine. Il ne fait aucun doute que la "Plateforme de coordination sur la coercition économique" promue par Washington et adoptée lors du sommet a fortement contribué à l’énervement de Pékin. Ce mécanisme devrait permettre aux membres du G7 de "protéger les chaînes d'approvisionnement mondiales contre l'influence illégitime, l'espionnage, les fuites illicites de connaissances et le sabotage dans la sphère numérique." Les membres se sont également engagés à "coordonner la prévention de l'utilisation des technologies de pointe que nous développons pour renforcer les capacités militaires qui menacent la paix et la sécurité internationales."

Rallier à la cause ukrainienne

Venu à bord d'un A330-200 estampillé "République Française", Volodymyr Zelensky était également de la partie, à la grande surprise des dirigeants du Sud, dont plusieurs ont perçu cela comme un piège tendu par l'Occident. Dès son arrivée le samedi 20 mai, le président ukrainien a modifié l'ordre du jour. Les Japonais, qui attachent une grande importance aux questions protocolaires, ont probablement été un peu froissés par cette visite orchestrée par les Français. Une fois sur place, il a enchaîné les rencontres avec ses alliés occidentaux et les dirigeants des pays émergents invités au sommet.

Le dimanche, il a été convié à une réunion avec tous ses homologues, étant assis entre le président sud-coréen, Yoon Seok-youl, et le Premier ministre indien, Narendra Modi. Son objectif était de poser de nouvelles bases après quinze mois de guerre, à la fois pour préparer une contre-offensive majeure contre les troupes russes qu'il annonce, et pour esquisser une perspective encore incertaine de paix.

Le dirigeant ukrainien a qualifié d’"historique" la décision des États-Unis de former des pilotes ukrainiens, en collaboration avec d'autres pays dont la France, tout en autorisant ceux qui le souhaitent à transférer des avions de chasse F-16 à Kiev. Il s'est également réjoui que le G7 fasse “pression sur la Russie pour qu’elle cesse son agression” et ”retire immédiatement, totalement et sans conditions ses troupes”.

Un dès succès du sommet réside dans les contacts établis par le président ukrainien avec les personnalités du Sud global présentes à Hiroshima, même si toutes n'ont pas souhaité jouer le jeu. Volodymyr Zelensky s'est notamment entretenu avec Narendra Modi, qui n’a pas condamné l'invasion décidée par Vladimir Poutine mais concède un peu d’aide humanitaire pour l’Ukraine. "L'Inde et moi-même ferons tout ce que nous pouvons pour mettre un terme à cette guerre", a néanmoins déclaré le Premier ministre indien.

Parmi les 7, l'unité et la fraternité ont été affichées une fois de plus. De nouvelles promesses d'aide militaire ont été formulées. Pour le reste, la situation n'a pas significativement évolué. Ni le dirigeant brésilien Lula ni le Premier ministre vietnamien Pham Minh Chinh n'ont souhaité rencontrer Zelensky.

Un bilan mitigé

Les pays du Sud global devaient être la priorité de ce sommet, pourtant, à en juger par les deux principaux résultats du sommet - un engagement à poursuivre le soutien militaire et économique à l'Ukraine et une déclaration à prendre fermement position contre l'utilisation par la Chine de sa puissance économique pour intimider les petites économies - les préoccupations de ces pays sont manifestement passées en second plan. Le sommet ressemblait plus à une démonstration de force traditionnelle des États-Unis et de leurs alliés qu'à une tentative de construire des coalitions plus larges. Des efforts supplémentaires seront nécessaires pour persuader les pays du Sud, aussi divers que soient les intérêts et les besoins de ces pays, de coopérer. Pour parvenir à un consensus, les priorités politiques mondiales du Sud devraient avoir plus d'espace. Un bon début serait peut-être de discuter d'au moins une priorité politique non-G7 au début du premier jour du prochain sommet en Italie.