Un rapport parlementaire étrille la politique française en Afrique

Un rapport parlementaire étrille la politique française en Afrique

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Dans un rapport incisif, M. Bruno Fuchs et Mme Michèle Tabarot dressent un bilan critique des relations franco-africaines, soulignant les défis et les opportunités manquées. Face à une Afrique en pleine mutation, marquée par une jeunesse dynamique et des aspirations au changement, la France est appelée à repenser radicalement son approche, souvent perçue comme désuète et mal adaptée aux nouvelles réalités du continent. Le document propose des pistes de réforme, allant de la diplomatie à la coopération économique, dans le but de forger des partenariats plus équilibrés et respectueux des aspirations africaines.

L'Afrique, entrée de plain-pied dans la mondialisation, est marquée par des changements profonds et principalement endogènes. La France, quant à elle, peine à s'adapter à ces bouleversements, hésitant dans l'élaboration d'une politique africaine renouvelée et efficace. Pendant plusieurs mois, M. Bruno Fuchs et Mme Michèle Tabarot ont mené des enquêtes auprès de dirigeants, diplomates et militaires en France et dans les pays francophones d'Afrique, à l'exception du Maghreb, pour examiner les échecs de la France sur ce continent. Leurs conclusions sont sans appel...

Les deux députés soulignent d'abord l'incohérence de la politique française envers les pays africains. Emmanuel Macron, dès son premier mandat, avait promis de changer la nature des relations ambiguës de la Françafrique pour une approche axée sur les sociétés civiles. Cependant, il n'a pas réussi à dissiper l'image d’une France alliée des régimes autoritaires.

Un constat d'échec

Le continent africain, avec sa démographie explosive et son émergence économique, présente un potentiel immense. La jeunesse africaine, majoritaire et hyper-connectée, conteste le pouvoir des élites souvent francophiles et exprime un désir de changements socio-culturels, économiques et politiques. L'émergence de nouvelles générations de politiques et la montée du néosouverainisme marquent une rupture avec les anciens modèles politico-institutionnels et des valeurs occidentales. Ces transformations appellent à une reconsidération des stratégies politiques et économiques en Afrique. Le rapport critique la lenteur de la France à adapter sa politique africaine, soulignant le besoin de partenariats plus inclusifs et horizontaux qui s'adressent davantage aux sociétés civiles africaines.

De manière générale, les deux parlementaires dépeignent une méconnaissance des enjeux et des subtilités propres au contient africain au sein même des architectes de la politique française en Afrique.

Par ailleurs, la diplomatie ferait défaut parmi les décisionnaires. Depuis le lancement de l’opération Barkhane en 2013, ce sont les militaires qui bâtissent la stratégie française en Afrique. Le rapport suggère pour remédier à cela la mise en place d'un parcours spécialisé sur l'Afrique au sein du Ministère des Affaires étrangères Quai d'Orsay et la nomination d'ambassadeurs provenant de la diaspora africaine pour renforcer la présence diplomatique sur le continent.

Un autre point de tension dans les relations entre la France et l'Afrique concerne la politique de délivrance des visas, jugée "humiliante" par les élites africaines. Les auteurs soulignent que, malgré le lancement de nombreux projets destinés aux sociétés civiles, chercheurs et artistes africains, ces derniers rencontrent des difficultés à obtenir des visas. Ils insistent sur la nécessité de réviser cette politique, citant l'exemple du vice-président de l'Assemblée nationale du Cameroun, détenteur d'un passeport diplomatique, qui s'est vu refuser un visa pour participer à une conférence sur la francophonie.

Quelques propositions

Le rapport suggère une refonte de la politique française en Afrique. Les propositions incluent le développement de nouveaux partenariats basés sur des échanges culturels, éducatifs, économiques, et une approche plus holistique. La France doit repenser sa présence en Afrique, non seulement en termes économiques mais aussi en termes de coopération et de soutien au développement. La nouvelle stratégie devrait s'adresser aux défis contemporains, notamment la jeunesse africaine, la démocratie, et les problématiques socio-économiques. Il est crucial de comprendre et d'apprécier la diversité et la complexité de l'Afrique moderne, de ses dynamiques internes et de son rôle croissant sur la scène internationale.

M. Bruno Fuchs et Mme Michèle Tabarot recommandent une réorientation vers une approche plus pragmatique : remplacer les discours ambitieux, souvent source de déceptions, par des mesures concrètes et efficaces.

Ils préconisent également une réforme profonde de l'aide publique française au développement, afin qu’elle corresponde mieux aux besoins spécifiques des pays avec une augmentation des dons et une réduction des prêts. Le rapport envisage même de réinstaurer un ministère de la coopération, qui avait été dissous en 1999.