Le monde s’inquiète de la situation à la frontière libano-israélienne

Le monde s’inquiète de la situation à la frontière libano-israélienne

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Les hostilités entre Tsahal et le Hezbollah s'aggravent, avec des bombardements réguliers et de lourdes pertes humaines. La visite du ministre français des Armées à Beyrouth souligne l'engagement de la France envers la stabilité libanaise. Cette escalade, entre impacts diplomatiques et conséquences civiles, marque un tournant préoccupant dans la région.

Crédit photo : Sch Christian Hamilcaro / Ministère des Armées

Alors que les tensions s'accentuent à la frontière libano-israélienne, l'inquiétude de la communauté internationale, et en particulier de la France, se fait de plus en plus palpable. L'escalade des hostilités entre Tsahal et le Hezbollah est telle que des rapports font état de plus de trente tirs israéliens quotidiens. Ces bombardements ont coûté la vie à plus de 70 personnes, dont 52 combattants du Hezbollah. Selon les autorités israéliennes, les pertes incluent également huit soldats et un civil du côté israélien.

Dans ce contexte tendu, Sébastien Lecornu, le ministre français des Armées, a entrepris une visite de trois jours, du 1er au 3 novembre, à Beyrouth et au camp de la Force Intérimaire des Nations Unies au Liban (FINUL) à Deir Kifa, à 25 kilomètres de la frontière israélienne. Le ministre souhaitait y "réaffirmer l’attachement de la France à la stabilité du Liban" et son "soutien" aux Forces armées libanaises pour qu’elles "puissent exercer leur mission sur l’ensemble du pays". Avec un contingent de 550 soldats français déployés pour participer aux efforts de maintien de la paix, Paris joue un rôle essentiel dans la stabilisation de cette région.

Le pays du cèdre se trouve au cœur des enjeux de l'est méditerranéen, une zone stratégique où les intérêts français sont nombreux.

Une dangereuse montée des tensions

Le 10 octobre, soit deux jours après l’attaque du Hamas contre Israël, les premiers échanges de tirs entre le Hezbollah et les forces israéliennes sont signalés à la frontière. Le 3 novembre, Hassan Nasrallah, le secrétaire général du Hezbollah, a tenu un discours crucial où, bien qu'il n'ait pas formellement déclaré la guerre à Israël, a clarifié la position de la milice. Nasrallah a indiqué que le Hezbollah, soutenu par l'Iran, s'était engagé dans le conflit dès le 8 octobre. “Ce qui se passe à la frontière peut paraître modéré. Mais ce n’est pas le cas”, a-t-il averti, évoquant la possibilité d'une “guerre large” et affirmant que toutes les options étaient ouvertes.

L'escalade n’a pas cessé depuis. Le 23 novembre, peu de temps avant l’entrée en vigueur du court cessez-le-feu, le Hezbollah a confirmé la mort de cinq de ses combattants, dont Abbas Raad, fils du chef du bloc parlementaire du Hezbollah, Mohammad Raad. "Il a obtenu ce qu’il désirait, je ne peux le blâmer d’avoir été plus habile que moi en me précédant dans le martyr", a déclaré le député libanais après s’être recueilli sur la dépouille de son fils. Après l’annonce mercredi par le Qatar de l’accord trouvé entre Israël et le Hamas, le Hezbollah a confirmé qu’il respecterait lui aussi la trêve. Hicham Safieddine, chef du conseil exécutif du Hezbollah, a qualifié l'accord de “triomphe de la logique de la résistance” palestinienne. La diplomatie iranienne, par la voix de Hossein Amir Abdollahian et du président Ebrahim Raïssi, a salué cette avancée tout en mettant en garde contre un potentiel embrasement du conflit si la trêve n'était pas durable.

Cette situation a eu un impact majeur sur la population civile. Plus de 30 000 Libanais ont fui les bombardements. La destruction des terres agricoles et de plus de 47 000 oliviers, vitaux pour l'économie locale, aura des répercussions à long terme.

L’inquiétude française

Le risque d’une guerre plus large suscite de vives inquiétudes au sein de la Force intérimaire des Nations unies au Liban (Finul). Ses 10 000 soldats, provenant de 48 pays différents, se retrouvent pris entre deux feux. Depuis le 8 octobre, la Finul a été visée à plusieurs reprises et un casque bleu a été blessé. La situation actuelle ébranle l'équilibre de la dissuasion établi après la guerre de 2006, bien que les combats restent, pour l'instant, à un niveau jugé acceptable par le Hezbollah et Israël. “S’il y a un moment dans lequel on a besoin d’observation et de dissuasion pour éviter une escalade, c’est bien en ce moment, a insisté Sébastien Lecornu en visite à Deir Kifa. Personne n’a intérêt à mettre la Finul dans une situation intenable, car personne n’a intérêt à ce que la Finul parte.” La présence française dans la région est significative, 550 soldats français y sont déployés. Avec 150 Finlandais, ils forment l’opération Daman, une force de réaction rapide sous les ordres du commandement de la Finul. Un nouveau front entre Hezbollah et Israël placerait la Finul, et par extension la France, dans une position délicate. Déployée depuis l’occupation israélienne du Liban sud en 1978, la force onusienne a vu son mandat étendu, depuis la fin de la guerre entre Israël et le Hezbollah en 2006, à une mission d’observation et de “déconfliction” – mais non d’interposition. Elle opère en partenariat avec les Forces armées libanaises (FAL), dont 2 000 hommes sont déployés le sud du pays. Le Liban, déjà plongé dans une grave crise économique et politique, “n’a pas besoin d’une guerre, c’est le moins qu’on puisse dire. Sans compter que cette guerre pourrait avoir des effets escalatoires importants sur l’ensemble de la région”, a prévenu Sébastien Lecornu.

Crédit photo : Jean-Raphaël Drahi

Le ministre israélien de la Défense a toutefois menacé : “ce que nous pouvons faire à Gaza, nous pouvons le faire à Beyrouth”. Par la voix de son porte-parole, le ministère français des affaires étrangères appelle tous les acteurs à éviter l’escalade. “Ces messages sont passés aux autorités israéliennes, aux autorités libanaises, ainsi que par le biais de messagers au Hezbollah et aux acteurs régionaux. Ce message est particulièrement important et doit être entendu de tous les acteurs impliqués

Selon M. Jean-Yves Le Drian (le représentant personnel du Président de la République pour le Liban), qui pourrait prochainement se rendre dans le pays, “la guerre est aux portes du Liban”. En effet, le risque d'une “guerre multifronts” est de plus en plus palpable. Depuis le 7 octobre, Israël a mené des frappes contre le Liban, la Syrie, et fait face à des attaques des rebelles houthis au Yémen. Cette situation complexe exige une réponse humanitaire coordonnée, à laquelle la France se propose de contribuer en tant que “Nation-cadre”. Le ministre a annoncé l'envoi du porte-hélicoptères Dixmude, renforcé en capacités médicales, pour succéder au Tonnerre qui a été déployé au large de l’Égypte. La France a déjà acheminé 17 tonnes de fret humanitaire à Gaza. Des vols supplémentaires sont prévus pour apporter 37 tonnes additionnelles qui seront remises au Croissant-Rouge égyptien.

Une histoire commune

Les premières relations entre le Liban et la France remontent au règne de François 1er, lorsque le roi obtint du sultan ottoman le privilège de protéger les chrétiens d’Orient. Cette relation s'est renforcée lorsque le Liban est devenu un protectorat français en 1920.

Lors de l'indépendance du Liban en 1943, les liens avec Paris n'ont pas été rompus. La langue française continue d'y être enseignée et la diaspora libanaise en France s’élève à près de 250 000 libanais. Sur le plan politique, les présidents français ont régulièrement joué un rôle dans les événements majeurs de l'histoire libanaise, comme l'a démontré la présence de Jacques Chirac aux funérailles d'un ancien Premier ministre libanais assassiné ou la visite d’Emmanuel Macron à Beyrouth peu après la tragique explosion du port en août 2022, qui a causé la mort de plus de 200 personnes.

Cette amitié historique entre les deux nations se manifeste aussi à travers une mémoire partagée. La visite de Sébastien Lecornu fut l’occasion de rendre hommage aux 126 militaires français tombés au Liban, dont 58 parachutistes tués dans l'attentat du 23 octobre 1983.

Des intérêts majeurs

Le Liban constitue un point névralgique des enjeux géopolitiques de l'est méditerranéen. Il semble que la communauté internationale ait renoncé à l'idée d'une émergence de nouvelles forces politiques au Liban capables de le stabiliser et de le réformer. Toutefois, il y a une lueur d'espoir : la France et l'Europe pourraient réaffirmer leur présence dans cette zone stratégique, potentiellement grâce à un accord avec l'Iran.

En jouant un rôle diplomatique dans la protection du Liban, la France se donne l’opportunité unique de renforcer sa présence au Moyen-Orient tout en empêchant le renforcement de l'influence de l'axe irano-chinois.