Paris redouble d’efforts en Indo-Pacifique

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Considéré comme le nouveau centre du monde, l’Indo-Pacifique concentre une bonne partie des efforts militaires et diplomatiques internationaux. Paris n’échappe pas à la règle et l’année 2023 fut riche d’actualité sur la question. En janvier, un rapport du Sénat critiquait une stratégie imprécise, peu lisible et manquant de projets concrets. Au terme d’une année d’effort, l’exécutif s’apprêterait à mettre à jour sa copie. Cette nouvelle version devrait gagner en précision pour tenir compte des particularités propres à chaque pays et DROM-COM français. La “troisième voie” portée par Paris, qui cherche à rassembler ceux qui refuse de choisir entre les États-Unis et la Chine, est louable mais difficile à tenir. Pour convaincre, Paris ne pourra faire l’économie d’une clarification de ses positions.

En 2023, la France a marqué sa présence en Indo-Pacifique par une série de visites diplomatiques stratégiques, reflétant un renouvellement significatif de son approche géopolitique. Ces déplacements, menés par le président Emmanuel Macron et des ministres, symbolisent une volonté de Paris de raviver et de renforcer ses relations avec des acteurs clés de la région, tout en naviguant dans un paysage international complexe et en mutation.

Une année de visite diplomatique

Premier événement marquant de l'année 2023 dans la région indo-pacifique : le déplacement d'Emmanuel Macron en Chine du 5 au 8 avril. Qualifiée de “reconnexion” par le président français, cette visite symbolise la reprise des relations franco-chinoises, après une période de trois ans marquée par un certain relâchement et une méfiance mutuelle. Les deux pays se sont engagés à raviver leur coopération dans plusieurs secteurs. Parallèlement, la France, restant fidèle à son héritage gaullien, cherche à préserver son autonomie tout en affirmant ses intérêts spécifiques, alignés sur des valeurs partagées avec les États-Unis et leurs alliés. La présence notable d'une cinquantaine de leaders de grandes entreprises françaises en Chine témoigne de la solidité des liens économiques franco-chinois. Dans un contexte d'inflation dépassant les 20% en France, la conclusion de nouveaux accords commerciaux est devenue cruciale pour les entreprises françaises.

Quatre mois plus tard, du 24 au 29 juillet, le président français a visité le Pacifique Sud et le Sri Lanka. Cette tournée visait à promouvoir une nouvelle approche axée sur le changement climatique, un enjeu majeur pour ces pays. Cette initiative pourrait être perçue comme l'une des premières manifestations de la nouvelle stratégie française, plus attentive aux intérêts spécifiques de chaque territoire. Cette diplomatie climatique s'écarte du discours traditionnel centré sur la “France-puissance” qui est d’ailleurs souvent remise en question. Ce discours était peu adapté à la réalité des États du Pacifique, davantage préoccupés par les risques climatiques que par la montée en puissance de l’armée populaire de Chine.

Le 10 septembre, Emmanuel Macron s'est rendu au Bangladesh pour "ouvrir une nouvelle page" dans les relations bilatérales, soulignant le retour progressif du pays sur la scène internationale. Le chef de l’État a promis un soutien continu de la France, en particulier dans l'adaptation au réchauffement climatique, le Bangladesh étant régulièrement confronté à des inondations. La "troisième voie" proposée par Paris a semblé séduire la première ministre Sheikh Hasina, qui a loué le plaidoyer français pour "l'autonomie stratégique", en phase avec la politique étrangère du Bangladesh. Elle a salué l'approche rafraîchissante de la France dans les relations internationales. “Vous apportez un bol d'air frais aux relations internationales", a-t-elle dit à son invité.

Actuellement, Sébastien Lecornu se trouve à Nouméa pour la dixième édition de la conférence des ministres de la Défense du Pacifique Sud. Ce forum aborde les enjeux de souveraineté dans une région influencée par la rivalité sino-américaine. Par ailleurs, Catherine Colonna, ministre des Affaires étrangères, est en Australie, après une visite récente en Chine. Avant de se rendre à Nouméa, le ministre des Armées était à Manille, aux Philippines, pour rencontrer son homologue Gilberto Teodoro. Les deux parties ont signé une lettre d'intention pour sécuriser juridiquement leurs partenariats opérationnels et activités conjointes, visant à créer une interopérabilité et une intimité stratégique entre les deux armées. La France et les Philippines, deux puissances maritimes majeures, souhaitent intensifier les escales navales et les déploiements aériens aux Philippines. Sébastien Lecornu a aussi annoncé l'ouverture prochaine d'une mission de défense permanente à Manille, qui accueillera sous peu un officier supérieur de la Marine Nationale.

Une stratégie plus pragmatique

La France semble vouloir tenir compte de ses échecs et commence à mettre en place une approche plus pragmatique et régionalisée. Cette stratégie s'articule autour de plusieurs axes principaux. D'abord, elle se caractérise par un effort pour renforcer les relations bilatérales avec des partenaires clés dans la région. Ceci est illustré par les déplacements présidentiels et ceux des ministres des Affaires étrangères, Catherine Colonna en Australie, et des Armées, Sébastien Lecornu en Nouvelle-Calédonie. Ces visites cherchent à consolider des alliances stratégiques et à tourner la page de tensions passées, notamment l'épisode de l'accord Aukus.

Un autre aspect central de cette nouvelle orientation est l'accent mis sur des enjeux concrets tels que la souveraineté des États insulaires et les défis liés au réchauffement climatique. Cela se manifeste dans l'engagement de la France à valoriser ses moyens militaires prépositionnés pour des missions humanitaires et de surveillance, renforçant ainsi sa présence et son influence dans la région. L'utilisation de technologies avancées comme celles de la start-up Unseenlabs, qui permettent de suivre les mouvements de navires, illustre cette approche modernisée.

L’exécutif cherche également à résoudre les contradictions qui lui ont été reprochées, notamment dans le rapport sénatorial publié en début d’année 2023 . Confrontée à une capacité militaire limitée, symbolisée par ses 7000 soldats et ses frégates vieillissantes de la classe Floréal, elle doit faire preuve de modestie dans ses ambitions régionales. Cette réalité impose une réévaluation des ressources disponibles et une focalisation sur des initiatives de coopération et de formation avec les pays partenaires.

Enfin, politiquement, la France doit clarifier sa position en se présentant comme une "puissance d'équilibre" et en gérant sa relation avec les deux grandes puissances, les États-Unis et la Chine. Les visites de haut niveau et les initiatives diplomatiques doivent ainsi servir à lever les ambiguïtés et à affirmer une stratégie cohérente et compréhensible pour ses partenaires en Indo-Pacifique.

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