Le port d'arme à la française

Le port d'arme à la française

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La France entretient une relation complexe avec les armes à feu. De la période révolutionnaire, où elles étaient symboles de liberté, à une réglementation stricte aujourd'hui, la détention d'armes reflète une évolution sociétale et un équilibre entre liberté individuelle et sécurité collective. Aujourd'hui, dans un contexte où le nombre d'armes illégales en circulation dépasse largement celui des armes enregistrées, la France continue de chercher le juste équilibre entre tradition et sécurité.

La relation de la France avec les armes à feu est profondément ancrée dans son histoire. Remontant à la période révolutionnaire, les armes étaient alors considérées comme un symbole de liberté et de résistance, faisant partie intégrante de la culture française. À cette époque, la nécessité d'un amendement constitutionnel spécifique sur le droit de porter des armes, à l'instar de ce que les États-Unis ont adopté, n'était pas ressentie en France. Cependant, des textes tels que la Déclaration des droits de l'Homme et du Citoyen et la Constitution française contiennent des dispositions qui peuvent être interprétées comme se rapportant à la détention ou au port d'armes.

Ce n'est qu'à la veille de la seconde guerre mondiale que la France serre la vis. Depuis lors, diverses lois et directives européennes ont renforcé le contrôle des armes, reflétant une évolution sociétale vers une approche plus prudente de la détention.

Une étude de l'Institut de hautes études internationales et du développement, basé en Suisse, estime que le nombre total d'armes à feu en circulation sur le territoire français s'élevait à 12,7 millions en 2017, par opposition à 5 millions d'armes détenues légalement. Ces armes illégales comprennent celles héritées des conflits passés, ainsi que celles importées à des fins criminelles. En termes de répartition des armes à feu par habitant, la France se situe à la 23ème place mondiale, loin derrière des pays comme les États-Unis ou l'Allemagne.

Un peu d’histoire

Dès le Moyen-Âge, la France a manifesté une volonté de contrôler la circulation des armes. Sous l'impulsion de Louis VII et de ses successeurs, la paix du royaume est devenue une priorité. Au XIIe siècle, les rois ont commencé à réglementer des pratiques telles que le port d'armes, la guerre et le duel judiciaire pour prévenir les troubles publics. Une ordonnance de Louis IX en 1245 a interdit le port d'armes pour éviter le brigandage, un des principaux troubles de l'époque.

Cependant, lors de la Révolution française, le 14 juillet 1789, des milliers de Parisiens se sont emparés de 40 000 fusils aux Invalides avant de se diriger vers la Bastille pour obtenir de la poudre et des munitions. Cet épisode historique est souvent cité par les militants pro-armes en France, qui considèrent le port d'armes comme un droit républicain essentiel pour éviter le retour à un régime tyrannique. L'Union française des amateurs d'armes (UFA) soutient que le port d'une arme par les citoyens est un droit naturel depuis la Révolution. Selon eux, ce droit est essentiel pour éviter le retour à l'ancien régime, celui des despotes. L'UFA cite de nombreux textes de l'époque et en conclut que "la détention des armes est une des caractéristiques de la citoyenneté dans les états libres".

Ce n'est qu'en 1939, à la veille de la Seconde Guerre mondiale, que le gouvernement français a sévèrement encadré le port d'armes. Un décret-loi a été promulgué, établissant le principe général d'interdiction du port d'armes, sauf exceptions soumises à autorisation. Ce décret-loi a également classé les armes en différentes catégories, distinguant les armes de guerre, les armes de poing, les armes de collection et les armes blanches. Bien que mis à joueur à plusieurs reprises, ce classement en catégorie constitue encore aujourd’hui le socle de la législation française. Les exceptions à cette interdiction concernaient principalement les services de sécurité, les tireurs sportifs et les chasseurs. Sous le régime de Vichy, la violation de cette loi était passible de la peine de mort. Après la guerre, les sanctions ont été modifiées pour inclure des peines d'emprisonnement et des amendes.

En 1995, le décret-loi de 1939 a été modifié pour durcir davantage la réglementation. La France a également transposé des directives européennes en 1991 et 2017, renforçant encore les restrictions sur les armes. Ces mesures ont été prises en réponse aux préoccupations croissantes concernant la sécurité publique et la prévention de la violence armée.

La législation française

La réglementation sur les armes est définie par le Code de la sécurité intérieure.

Classification des armes

Les armes en France sont classées en différentes catégories, allant des objets les plus simples, tels que les couteaux, aux armes les plus dangereuses, comme les fusils d'assaut. Cette classification est basée sur le niveau de dangerosité de l'arme :

  • Catégorie A : Il s'agit des armes les plus dangereuses, dont la détention est strictement interdite pour les civils, sauf exceptions rares. Cette catégorie comprend, par exemple, les armes de poing d'une capacité supérieure à 21 munitions et la plupart des armes d'épaule.
  • Catégorie B : Ces armes nécessitent une autorisation préfectorale pour être détenues. Les tireurs sportifs peuvent obtenir cette autorisation, leur permettant ainsi de posséder des armes pour la pratique de leur sport.
  • Catégorie C : Ces armes sont soumises à déclaration. Elles englobent principalement les armes de chasse ou celles qui ont été neutralisées.
  • Catégorie D : Il s'agit d'armes disponibles à la vente et dont la détention est autorisée. Cette catégorie comprend des objets tels que les couteaux, les matraques et les sprays au poivre.

Restrictions et sanctions

Toutes les armes, quelle que soit leur catégorie, sont interdites de port pour les civils, sauf exceptions très limitées. Même les armes de catégorie D, qu'elles soient neutralisées ou non létales, ne peuvent être portées sans risque de sanctions.

Il est essentiel de noter que la détention d'une arme ne signifie pas nécessairement la propriété. Un citoyen autorisé à détenir une arme de catégorie B ne le fait que pour une période de 5 ans, renouvelable. En cas de manquement à ses obligations ou de cessation de son activité sportive, il doit se défaire de ses armes. Le non-respect de ces règles peut entraîner des sanctions sévères, allant jusqu'à 10 ans de prison et 500 000€ d'amende. De plus, la personne peut être inscrite au Fichier National des personnes Interdites d'Acquisition et de Détention d'Armes (FINIADA).

Qui peut donc porter une arme ?

Les fonctionnaires et agents des administrations publiques chargés d'une mission de police ont le droit de porter une arme dans l'exercice de leurs fonctions. Suite aux attentats de 2015, une mesure a été mise en place permettant aux policiers de porter des armes même hors de leur service. Ces fonctionnaires sont les seuls en France à pouvoir détenir des armes de catégorie A.

La détention d'armes à feu par des particuliers est autorisée dans des cas très spécifiques. Elle concerne principalement trois groupes : les tireurs sportifs, les chasseurs et certaines personnes menacées.

  • Les chasseurs : Pour détenir une arme, les chasseurs doivent posséder un permis de chasse. Cet examen, ouvert à tous dès l'âge de 16 ans, est organisé par l'Office français de la biodiversité en collaboration avec les Fédérations départementales des chasseurs. Depuis 2021, une remise à niveau est exigée tous les dix ans. De plus, depuis 2022, les chasseurs sont tenus de déclarer leur arme sur une plateforme numérique, le Système d'information sur les armes (SIA).
  • Les tireurs sportifs : Ces derniers doivent détenir une licence de la Fédération française de tir. Pour obtenir cette autorisation, plusieurs conditions doivent être remplies, dont la présentation d'un certificat médical récent attestant de la compatibilité de l'état de santé du demandeur avec la détention d'armes et de munitions. Les antécédents judiciaires peuvent également influer sur cette autorisation.

Selon le ministère de l'Intérieur, la France compte environ 5 millions de détenteurs légaux d'armes, pour un total de 5,4 millions d'armes soumises à autorisation ou déclaration. Parmi ces détenteurs, on compte un peu plus d'un million de chasseurs et environ 228 000 tireurs sportifs licenciés.