Le "Déluge d'Al-Aqsa", une offensive majeure du Hamas, a plongé Israël dans une crise sécuritaire sans précédent, révélant des failles dans son système de défense et provoquant une réponse militaire massive. Alors que le bilan humain s'alourdit des deux côtés, la communauté internationale oscille entre condamnation et soutien. La crise actuelle, avec ses ramifications profondément enracinées dans les tensions géopolitiques régionales, pourrait toute à la fois provoquer un cycle de violence prolongé ou ouvrir la voie vers de nouvelles initiatives diplomatiques au Moyen-Orient.
Le samedi 7 octobre plus de 7 000 roquettes ont été tirées sur Israël par le Hamas palestinien, une attaque d'une intensité sans précédent, baptisée "déluge d’Al-Aqsa". Ces tires, combinées à des infiltrations de commando et des enlèvements d’Israéliens, ont mis en lumière une faille dans le système de défense israélien. Les services de renseignements n’ont rien vu venir et le Dôme de fer (réputé pour sa capacité à intercepter 97% des projectiles) n’a pas tenu. Tout comme en 2021, le Hamas a réussi a saturé le système et la plupart des roquettes ont atteint leur cible. L’impact humain est dévastateur. On dénombre au moins 700 Israéliens tués et 150 civils et soldats israéliens retenus en otage dans la bande de Gaza.
La réaction d'Israël a été immédiate et ferme, avec des frappes sur la bande de Gaza et la mobilisation de 300 000 réservistes. Le ministre de la Défense israélien, Yoav Galant, a annoncé le début d’un “siège complet” de la bande de Gaza, il n’y aura “ni électricité, ni nourriture, ni eau, ni carburant”. Les mots sont forts et les actions, drastiques. Le bilan humain, déjà lourd, continue de s'alourdir à chaque heure qui passe. Le ministère de la santé de Gaza rapporte 493 morts et 2 751 blessés. Les Nations Unies estiment à 123 538 le nombre de déplacés internes à l’intérieur de la bande de Gaza.
Les réactions internationales ne se sont pas fait attendre. L’Union européenne a fermement condamné l’attaque du Hamas, et plusieurs pays européens, dont l’Allemagne et l’Autriche, ont annoncé couper provisoirement leurs aides financières à la Palestine. Les ministres des affaires étrangères de l’Union se réuniront en urgence pour discuter de la situation.
L’ambassadrice de Palestine en France, Hala Abou Hassira, a quant à elle dénoncé la politique d’occupation et d’apartheid israélienne et le non-respect du droit international par Tel-Aviv, appelant à la création d'un État de Palestine pour mettre fin aux souffrances des civils des deux côtés.
Cette nouvelle escalade de violence, qui intervient après une série d'affrontements au cours de la dernière décennie, soulève des questions cruciales sur les causes profondes et les conséquences géopolitiques de ce conflit.
La stratégie du Hamas
L’assaut, lancé durant le sabbat et la fête juive de Souccot, rappelle la guerre du Kippour de 1973, où Israël avait été pris par surprise lors d'une attaque coordonnée par l'Égypte et la Syrie. Les similitudes ne s'arrêtent pas là : tout comme en 1973, les services de renseignement israéliens n’ont pas anticipé l’attaque, permettant au Hamas de mener des opérations pendant des heures face à des forces israéliennes insuffisantes et mal préparées. Les enquêtes futures sur les échecs en matière de renseignement et de sécurité seront inévitables et cruciales pour comprendre les lacunes qui ont permis une telle offensive.
L’enlèvement d’Israéliens a été l’un des objectifs majeurs de cette opération. Le Hamas exploite ainsi l’une des promesses faites par l’États d’Israël à son peuple. Chaque citoyen doit être protégé. En 2011, Israël a échangé plus de 1 000 prisonniers palestiniens contre un seul soldat israélien, Gilad Shalit. Parmi ces prisonniers se trouvait Yahya Sinwar, l’actuel chef du Hamas à Gaza. Les rapports actuels indiquent qu’au moins 150 Israéliens ont été capturés lors de l’assaut avec l'intention probable d'échanger ultérieurement ces otages contre des militants du Hamas détenus par Israël.
Le rôle de l’Iran
L'Iran, en tant que principal soutien du Hamas, joue un rôle indéniable dans le conflit israélo-palestinien, bien que son degré d'implication directe dans les récentes offensives reste un sujet de spéculation et de débat. Le financement substantiel du Hamas par l'Iran, estimé à 100 millions de dollars par an, ainsi que le soutien en termes d'armement et de formation militaire, ont renforcé la capacité du mouvement palestinien à mener des opérations militaires et à résister aux forces israéliennes. Cependant, l'Iran maintient une position d'ambiguïté, exprimant un soutien ouvert aux Palestiniens tout en niant une implication directe dans la planification ou l'exécution des attaques, créant ainsi un voile d'incertitude autour de son rôle exact.
L'objectif de l'Iran dans ce soutien semble être double : affaiblir et déstabiliser Israël et, par extension, contrecarrer les alliances régionales qui pourraient être défavorables à ses intérêts géopolitiques. Les déclarations publiques des officiels iraniens, qui oscillent entre la glorification de la résistance palestinienne et le déni de toute ingérence directe, reflètent une stratégie qui vise à maximiser l'influence iranienne tout en minimisant les risques d'une répercussion directe.
Les autres répercussions internationales
Avant cette attaque, Riyad, Tel-Aviv et Washington travaillaient discrètement à établir un pacte de sécurité et un programme nucléaire, en échange de la reconnaissance saoudienne de l'État d'Israël. Bien que la question palestinienne ait été présentée comme "substantielle", elle semblait être reléguée au second plan dans ces discussions. Cependant, l'offensive du Hamas, qui semble avoir été planifiée pendant des mois, a remis la question palestinienne au centre de l'échiquier politique et diplomatique.
Hussein Ibish, chercheur à l’Arab Gulf States Institute, à Washington, suggère que l'objectif du Hamas pourrait être de provoquer des représailles israéliennes d'une telle ampleur qu'elles rendraient impossible pour les Saoudiens de poursuivre le processus de normalisation. Cette perspective est renforcée par les déclarations du Hezbollah, qui a qualifié l'offensive du Hamas de "message au monde arabe et musulman", visant particulièrement ceux qui cherchent à normaliser leurs relations avec Israël. La normalisation avec l'Arabie saoudite représenterait, pour le Hamas et ses soutiens, un danger bien plus grand que les accords précédemment signés avec les Émirats arabes unis, le Bahreïn et le Maroc en 2020, car elle pourrait potentiellement résoudre la question palestinienne en favorisant Israël.
L'impatience de l'Iran face aux spéculations sur la normalisation était déjà palpable avant l'offensive du Hamas. Le président iranien, Ebrahim Raïssi, avait exprimé son mécontentement en marge de l'Assemblée générale des Nations unies le 20 septembre, qualifiant toute normalisation de "capitulation" et de "coup de poignard dans le dos du peuple palestinien et de la résistance palestinienne". Ainsi, l'offensive du Hamas, tout en étant une manifestation violente de la résistance palestinienne, sert également de levier dans le jeu géopolitique complexe du Moyen-Orient, où les aspirations nationales, les alliances régionales et les rivalités internationales se croisent et s'entremêlent dans un équilibre précaire.
Le début de quelque chose de plus grand ?
L'attaque du Hamas a été caractérisée par une ambition opérationnelle et une capacité tactique qui ont surpris les observateurs. Les pertes subies par Israël ont été proportionnellement plus importantes que celles subies par les États-Unis lors des attentats du 11 septembre. En conséquence, la réponse militaire d'Israël sera sans doute à la mesure de cette menace, avec des opérations terrestres accompagnant les frappes aériennes, visant à détruire durablement le Hamas.
Cependant, l’organisation terroriste pourrait ne pas sortir perdante si d'autres acteurs régionaux ou internationaux prennent des décisions qui favorisent ses objectifs stratégiques. La réaction de l'Autorité palestinienne, par exemple, est très attendue, car elle doit offrir un soutien rhétorique à la population de Gaza tout en empêchant une éruption de violence en Cisjordanie. Si l'Autorité palestinienne échoue ou choisit une voie différente, Israël pourrait se retrouver confronté à une guerre sur deux fronts. Le Hamas encourage également les Arabes Israéliens à se soulever. Si cela devait se produire, les dommages causés à la société israélienne seraient considérablement plus graves.
Le Hezbollah et son “patron”, l'Iran, pourraient être tentés de transformer cette attaque en un conflit régional plus large et beaucoup plus dommageable, ce qui serait l'issue idéale pour le Hamas. Si le Hezbollah décidait de rejoindre la guerre, la situation deviendrait nettement plus périlleuse.
La situation actuelle au Moyen-Orient est donc à un carrefour, où les actions et les réponses des acteurs régionaux et internationaux dans les jours et les semaines à venir pourraient soit atténuer soit exacerber la crise, avec des implications potentiellement profondes pour la stabilité régionale et la sécurité internationale.