Le vendredi 13 octobre 2023, presque 3 ans jour pour jour, après le meurtre de Samuel Paty, Arras a été le théâtre d'un nouvel attentat visant un enseignant. Dominique Bernard, professeur de Lettres au collège/lycée Gambetta, a été mortellement poignardé. L'agresseur, un jeune homme de 20 ans originaire de Russie, a été rapidement maîtrisé par des témoins de la scène avant son interpellation. Alors que l'enquête se poursuit, les premiers éléments révèlent la radicalisation de l'assaillant, connu des services de renseignement. Il n'avait aucun casier judiciaire mais était suivi "depuis la fin du mois de juillet", selon Gérald Darmanin, par la Direction générale de la sécurité intérieure (DGSI), grâce à des écoutes et des mesures de surveillance physique. Cette surveillance a été mise en place "parce qu'il y a eu des liens" entre lui et son frère détenu pour un dossier lié au djihadisme, a expliqué samedi le ministre de l'Intérieur. Face à la menace persistante, la Première ministre Elisabeth Borne a décidé de rehausser le plan Vigipirate à son niveau maximum. La France est désormais en alerte "urgence attentat".
Le plan Vigipirate
Le plan Vigipirate est l'instrument phare de la France en matière de lutte contre le terrorisme. Orchestré par le Premier ministre, il s'inscrit dans une démarche collective associant l’État, les collectivités, les entreprises et le grand public pour garantir une vigilance et une protection optimales. Sa mission principale est d'instaurer une culture de sécurité et d'alerte au sein de la population, permettant de détecter et d'anticiper toute menace potentielle.
Ce dispositif repose sur trois piliers essentiels : l'analyse constante de la menace terroriste sur le territoire national et à l'égard des Français à l'étranger, la reconnaissance des faiblesses des cibles potentielles pour mieux les sécuriser, et la mise en place de mesures de sécurité adaptées au niveau de danger identifié. Selon l'intensité de la menace, différentes actions peuvent être déclenchées, que ce soit lors d'événements majeurs, à des moments spécifiques de l'année ou en réaction à un acte terroriste.
Le plan Vigipirate se caractérise par trois niveaux d'alerte, adaptés à la situation sécuritaire du moment. Le premier, le niveau de “vigilance” constitut la base du dispositif. Il s'agit d'une posture de sécurité constante, avec la mise en place de 100 mesures toujours actives, indépendamment des circonstances. Lorsque la menace terroriste s'intensifie, le plan évolue vers le niveau “sécurité renforcée”. Ce niveau est une réponse adaptée à une menace terroriste jugée élevée, voire très élevée. Il permet l'activation de mesures spécifiques supplémentaires, en plus des mesures permanentes de sécurité. Ces mesures ciblées peuvent concerner différents domaines en fonction de la nature de la menace, tels que les aéroports, les gares, les lieux de culte et d'autres zones sensibles. Enfin, le niveau “alerte attentat” correspond aux situations les plus graves. Il peut être mis en place à la suite d’un attentat ou si un groupe terroriste identifié et non localisé entre en action. Le dernier déclenchement de ce niveau d'alerte remonte à octobre 2020, après l'assassinat de trois personnes dans une basilique à Nice. À noter qu’il ne peut être que “temporaire”, "le temps de la gestion de crise", indique le site du ministère de l’Intérieur.
Le niveau “alerte attentat”
Ce niveau d’alerte permet la mobilisation de moyens exceptionnels. Ce niveau de vigilance, “c’est pour dire à toutes les administrations de faire attention” et “ça permet à nos amis militaires de l’opération Sentinelle de monter en puissance”, a expliqué Gérald Darmanin. "Le dispositif permet avant tout la mobilisation exceptionnelle de moyens. Emmanuel Macron a décidé de "mobiliser jusqu'à 7.000 soldats de la force Sentinelle, qui seront déployés d'ici à lundi soir et jusqu'à nouvel ordre", a annoncé l'Élysée samedi matin. Pour rappel, la force Sentinelle a été créée le 12 janvier 2015, après les attentats de Charlie Hebdo et de l’Hyper Cacher. Dans son allocution télévisée, la vieille de l’attentat, Emmanuel Macron avait d’ores et déjà annoncé le renforcement des mesures de protection “des écoles, des lieux de culte et de culture”. “582 d’entre eux ont vu leur sécurisation accrue. 10 000 policiers et gendarmes sont mobilisés”, avait détaillé le chef de l’État. Samedi, lors d’une visite à Arras, le ministre de l’Education Gabriel Attal a pour sa part annoncé le déploiement de 1 000 personnels de sécurité dans les établissements scolaires.
En tout, le plan Vigipirate comprend environ 300 mesures, certaines classifiées, d’autres publiques, appliquées à 13 grands domaines d’activité (transports, santé, cybersécurité, etc.).
Et pourquoi pas l’état d’urgence ?
Le leader des Républicains, Eric Ciotti, a sollicité vendredi le Président Emmanuel Macron pour déclencher l'état d'urgence suite à cette attaque au couteau. Appelant notamment à l’emploi des réservistes de la police et de la gendarmerie.
“N’attendons pas que la France soit touchée plus durement, il faut agir de façon préventive”, a-t-il déclaré dans son communiqué.
L'état d'urgence, défini par la loi du 3 avril 1955, est un dispositif spécial qui peut être invoqué en cas de menace imminente ou de catastrophe majeure. Initialement prévu pour 12 jours, il peut être étendu avec l'approbation du Parlement. Ce mécanisme a été utilisé six fois entre 1955 et 2015, notamment lors des attentats pendant la guerre d'Algérie, des émeutes de 2005 et des attaques terroristes de 2015 à Paris et Saint-Denis.
Ce dispositif donne plus de pouvoir aux autorités du pays et limite certaines libertés. Il permet, entre autres, la fermeture de lieux publics et de culte, la réquisition de ressources privées, l’interdiction des rassemblements publics, ou encore l'assignation à résidence.