CaMo : l'alliance franco-belge
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Il y aura un avant et un après CaMo, c’est en tout cas ce qu’espèrent les artisans de cet accord. Plus qu’un contrat d’armement classique, ce programme ambitionne de lier la France et la Belgique par un partenariat stratégique sans précédent. À l’horizon 2030, la Brigade Motorisée de la composante Terre belge bénéficiera de l’ensemble du spectre Scorpion : matériel, formation, entraînement, doctrine. La genèse de cette alliance résulte d’un double constat ayant eu lieu peu ou prou au même moment dans chacun des deux pays. L’environnement stratégique de l’Europe n’a de cesse de se dégrader. L’approfondissant des clivages et des rapports de force, les tensions sur les ressources ou bien l’enhardissement des puissances régionales, sont autant de facteurs faisant craindre le retour d’un conflit de haute intensité. Seulement, les deux armées ont souffert des baisses de budget qui se sont succédé après la fin de la guerre froide. Une modernisation ambitieuse était donc devenue indispensable. C’est dans le programme Scorpion que la France a trouvé la solution, la Belgique aussi. Un peu plus de 10 ans après les premiers jets du programme phare de l’armée de Terre française, le 21 juin 2019, CaMo entre en vigueur. Ce contrat d’État à État (proche de la procédure américaine des Foreign Military Sales) prévoit la mise en place d’une interopérabilité « sans précédent », se réjouit le sénateur Olivier Cigolotti, rapporteur de la loi autorisant l'approbation de l'accord. À l’échelle « infrabrigade, jusqu’au niveau des véhicules et des soldats » précise le contrat. Celui-ci devrait donc permettre d’engager l’armée de Terre française et la composante Terre belge, non plus seulement côte à côte, mais véritablement ensemble, sur un même théâtre d’opérations.
La relation franco-belge
Du fait de leur proximité géographique, de leur appartenance à l’Union européenne et à l’OTAN et enfin de l’amitié régnant entre les deux pays, les armées françaises et belges se connaissaient bien et ont l’habitude d’évoluer ensemble. « Depuis plus de dix ans, ils nous ont vus sur le terrain et connaissent parfaitement notre façon de travailler » affirme l’ingénieur en chef de l’armement Eric, directeur du programme CaMo à la Direction générale de l’armement.
La France et la Belgique collaborent à différentes échelles. Elles prennent part à des engagements internationaux tels que les missions Minusma et Minusca sous l’égide de l’ONU. Au niveau européen également, en témoigne leur participation commune à plusieurs programmes de développement : celui des satellites d'observation CSO et de l’A400M sous l'égide de l'OCCAR. À l’échelle binationale, la France et la Belgique partagent un programme de formation des pilotes d’hélicoptères, du personnel navigant des A400M. Un autre, destiné aux pilotes de chasse, a pris fin en octobre 2018 après plus de 15 ans. De plus, les forces armées belges s’entraînent à la plongée en France et les militaires français bénéficient des centres de tirs sur l’eau belges. Enfin, les deux armées de Terre ne sauraient oublier leur engagement commun dans plusieurs conflits, au Kosovo, en Afghanistan ou en République centrafricaine.
Une « Vision Stratégique » belge et une « Revue Stratégique » française aux nombreux points communs
À cette histoire commune s’ajoutent deux visions stratégiques qui s’alignent. En 2016 paraît la « Vision stratégique » belge, un an plus tard, c’est la « Revue stratégique » française qui est publiée. Les deux documents font état de la dégradation du contexte géopolitique mondiale et de la nécessité de réinvestir dans l’appareil de défense. Côté français le constat est sans appel. « Du fait d'une diminution continue de l'effort de défense entre la fin de la Guerre froide et 2015, et du sous-investissement chronique qui en a résulté, les matériels de l'armée de Terre française ont été progressivement atteints de vétusté et d'obsolescence » affirme le sénateur Olivier Cigolotti, auteur d’un rapport sur le projet de loi autorisant l’approbation de l’accord. Les deux pays ne s’accordent pas seulement sur le fond, c’est-à-dire sur la nécessité de moderniser leurs armées de Terre, mais aussi sur la forme : celle de partenariats forts. « Dans un monde de plus en plus fragmenté où les nouvelles et les anciennes puissances continuent à investir dans l'instrument de pouvoir militaire, l'Europe des pays de l'UE et de l'OTAN peut envoyer un signal fort en s'exprimant davantage d'une seule voix, appuyée par la possibilité réelle de mener une intervention militaire commune » proclame le ministère de la Défense belge. De son côté, Emmanuel Macron fait l’éloge de « l’autonomie stratégique européenne », celle-ci reposant « prioritairement sur des partenariats structurants avec certains pays partageant nos préoccupations, notre culture militaire et notre volonté d’agir ».
Tandis que la DGA commande les premiers véhicules blindés le 22 avril 2017, la Belgique fait état de son incapacité à agir seul. « Les perspectives capacitaires plaident en faveur d'économies d'échelle pour le soutien des capacités de Défense. Cette politique ne peut se réaliser que par une intégration poussée avec les capacités militaires des pays partenaires stratégiques » peut-on lire dans la « Vision stratégique ». Il n’en reste pas moins que le Royaume de Belgique est coutumier de ce genre d'alliance à haute valeur ajoutée et à une vision très poussée de l’Europe de la Défense. Le bataillon de reconnaissance belgo-luxembourgeois ou la coopération en place depuis 1995 entre les Marine belges et néerlandaises en sont de parfaits exemples. Plus connu sous son abréviation en néerlandais BeNeSam, cet accord intégra le personnel opérationnel des deux marines dans un état-major conjoint. C’est dans ce cadre que la Marine belge a commandé 12 chasseurs de mines (6 pour la Belgique, 6 pour les Pays-Bas) à Naval Group.
« Une collaboration éventuelle avec la France peut offrir une importante opportunité pour assurer efficacement l’appui de notre capacité motorisée interarmes. »
En 2016, la Belgique identifiait déjà la France comme un partenaire possible : « Dans la période prévue pour l’acquisition d’une capacité de remplacement pour les MPPV (Dingo) et les AIV (Piranha) de 2025 à 2030 inclus, un programme entre actuellement déjà en ligne de compte dans nos pays voisins, à savoir le programme français Scorpion. […] Une collaboration éventuelle avec la France peut offrir une importante opportunité pour assurer efficacement l’appui (notamment la formation, la doctrine, la maintenance, l’appui logistique) de notre capacité motorisée interarmes ». Ce sont donc nos voisins belges qui ont lancé le processus d’achat de centaines de véhicules du programme Scorpion. En octobre 2016, le parlement belge donnait son accord et quelques mois plus tard, en juillet 2017, les négociations débutaient avec la France. À la manière de ce qu’elle a produit avec les Pays-Bas et en cohérence avec sa « Vision stratégique », la Belgique ne voulait pas d’un simple contrat d’achat d’armement. « Elle souhaitait, plus profondément, développer une intégration poussée avec l’armée de Terre française, en profitant de cet ancrage capacitaire » explique un rapport de la commission défense de l’assemblée nationale. Par ce contrat, ce n’est donc « pas simplement les industriels français qui s’engagent, mais également l’État français et l’armée française, dans le cadre d’un véritable partenariat stratégique » ajoutent le député Jacques Maire. Finalisé un an après le début des négociations, le texte est d’abord voté par le parlement belge en octobre 2018 puis signé par les deux ministres de la Défense, Florence Parly (aujourd’hui remplacée par Sébastien Lecornu) et Steven Vendeput, en novembre 2018. Il sera ensuite adopté sans encombre par le sénat et l’assemblée nationale, le 23 mai 2019.
Du matériel, de la formation et des entraînements communs
L’accord intergouvernemental CaMo, se décline en trois phases. La première, en place depuis 2018 et qui devrait durer jusqu’en 2025, correspond à l’adaptation de la composante Terre belge au programme Scorpion. La deuxième, de 2025 à 2030, sera marquée par les livraisons de matériels à la Belgique. Enfin, à partir de 2030, les forces terrestres françaises et belges seront complètement transformées et opérationnelles.
Qu’est-ce que le programme Scorpion ?
Le programme Scorpion vise à renouveler et moderniser les capacités de combat de l’armée de Terre autour de nouveaux véhicules blindés et d’un système d’infovalorisation du champ de bataille.
Lancé officiellement le 5 décembre 2014 par le Ministre de la Défense, Jean-Yves le Drian, le programme est en réalité dans les cartons depuis « la fin du siècle dernier » indique Olivier Cigolotti. En numérisant le champ de bataille, celui-ci devrait introduire une nouvelle approche du combat terrestre grâce à la valorisation et le partage de l'information ainsi que l'aide à la prise de décision. Outre les nouveaux blindés médians (Jaguar, Griffon et Serval) et la modernisation des chars Leclerc, c’est en effet le SICS (Système d'information du combat de Scorpion) qui fait toute la différence. Il relie tous les acteurs de la bulle opérationnelle aéroterrestre (BOA) de combat (engins, véhicules et hélicoptères, infanterie, génie, artillerie, commandement), leur permettant de partager l’ensemble des informations à disposition. Imaginez par exemple que le système de détection acoustique d’un Griffon localise un tir de mortier. Celui-ci apparaît immédiatement sur tous les écrans de la BOA. Automatiquement, le blindé le mieux placé dans cette bulle (distance, camouflage, etc.) est sélectionné pour traiter la menace. Ces nouvelles possibilités offertes par le combat collaboratif sont loin d’être anodine et nécessitent une refonte complète du système de préparation opérationnelle au combat. Formation, entraînement, doctrine, tout doit être revu.
Bâtir l’interopérabilité humaine
Le rapprochement des processus de formation et d’entraînement français et belge est donc indispensable pour assurer une parfaite synergie entre les hommes. C’est pour cette raison que la formation des militaires belges à l'utilisation des matériels Scorpion a d’ores et déjà débuté, nécessitant une forte implication de l’armée française. Interroger par le député Jacques Maire, le général Beaudouin (sous-chef « Plan programme » à l’état-major de l’armée de Terre jusqu’en octobre 2020) indique que « l’intégration des Belges dans les camps de formation aura pour effet de faire passer provisoirement l’armée de Terre de 6 à 7 brigades interarmes ». Depuis 2019, l’on peut donc trouver des chasseurs ardennais au CENTAC ou des hommes du 1/3 Bataillon de Lanciers au CENZUB. Des soldats belges sont également formés à l'École militaire préparatoire technique (EMPT) de Bourges.
Pour parfaire cette formation, plusieurs manœuvres communes ont été organisées, d’autres suivront bien sûr. On peut citer l’exercice Celtic Uprise qui a eu lieu en septembre 2019 et rassemblé un millier de militaires belges et français. Des hommes du 1er régiment d’infanterie de Sarrebourg et leurs Griffon étaient également présents lors de la plus grosse manœuvre de la brigade motorisée belge ayant lieu chaque année à Bergen-Hohne en Allemagne. Par ailleurs, des militaires belges devraient participer à l’exercice Orion, une manœuvre rassemblant 10 000 hommes, d’une ampleur jamais vue durant les 50 dernières années.
Ces exercices doivent permettre de mettre en œuvre la nouvelle doctrine qui est co-construite par des officiers belges et français. Plusieurs d’entre eux sont actuellement présents dans les bureaux de Balard pour participer aux travaux de prospective et d’adaptation de la stratégie militaire. Ils deviendront les experts et points d'appui indispensable pour la seconde phase, la livraison des matériels.
Un volet matériel opéré de concert par la France et la Belgique
Le contrat CaMo prévoit une coopération inédite entre la Direction générale de l’armement (DGA) et son homologue belge, la Direction générale de la mobilité et des routes (DGMR). L’accord passé permet aux Belges de mandater la « France pour passer des marchés d’acquisition de matériel en son nom et pour son compte ». C’est donc la DGA qui a notifié la commande de 382 Griffon et 60 Jaguar à Nexter, le 24 juin 2019. L’assemblage et le versionnage des Griffon seront effectués en Belgique, par l’entreprise MOL. Afin de préparer la mise en production, censée débuter l’année prochaine, le transfert de compétences et de savoir-faire nécessaire à cette collaboration a déjà démarré. Les blindés seront par ailleurs équipés de tourelleaux belges fabriqués par FN Herstal et non plus par Arquus, comme dans la version française de l’engin. Ceux-ci ont fait l’objet d’un processus de validation passant par la DGA et par la DGMR. « Ce n'est pas fait au hasard » dit le colonel Molin de la composante Terre. Il est important que « les capacités de production des BITD des deux Nations soient considérées dès la conception des projets afin de respecter la condition d’identicité là où elle est indispensable tout en répartissant le travail. Il n’est en effet pas difficile de trouver des exemples de coopérations où les plateformes n’ont plus en commun que le nom générique qu’elles portent, tant les intérêts nationaux de court terme ont pris le dessus sur l’objectif même de la coopération. » À noter que cette association des BITD belge et française reste toute relative. « Au total, environ 90 % des 1,5 milliard d’euros du contrat reviendront tout de même à l’industrie française » indique Jacques Maire dans son rapport. Les 31 premiers Griffon belges seront livrés en 2025, suivis en 2026 par les six premiers Jaguar. Les livraisons s’étaleront ensuite jusqu’en 2031 avec un pic de production attendu en 2027, dû à l’accumulation sur les lignes de production des commandes belges et françaises.
Dès la signature du contrat, les officiels insistaient sur le fait que ces 442 véhicules Scorpion ne constituaient qu’un début. L’avenir leur a donné raison. Le 13 mai 2022, quelques jours avant son départ du ministère, Florence Parly officialisait la commande de 9 Caesar nouvelle génération. 19 autres suivront peu de temps après, portant le total à 28 canons automoteurs du fabricant Nexter. « Nous construisons ensemble une Europe de la défense solide et concrète. L’excellence industrielle française y participe pleinement » s’est réjouie la Ministre de la Défense d’alors. En effet, même si les politiques français et belges martèlent que l'enjeu de cet accord dépasse largement ces achats, il n’en reste pas moins qu’il s’agit là d’un très bon coup pour Arquus, Nexter, Thales, Safran ainsi que leurs nombreux sous-traitants.
Des bénéfices attendus très importants
Avec cette alliance, les deux armées souhaitent construire un véritable partenariat stratégique, aux nombreux avantages pour les deux partis. Cette volonté est traduite dans l’article 2 de l’accord qui définit « le principe, le cadre et les modalités du partenariat stratégique et de la coopération mise en place entre les parties dans le domaine de la mobilité terrestre à l’occasion du renouvellement de leurs composantes motorisées respectives ».
CaMo : plus qu'un contrat d'armement
Le conseil d’État a estimé que les caractéristiques juridiques propres à CaMo imposaient qu’il soit adopté en vertu d’une loi, conformément à l’article 53 de la Constitution. C’est la raison pour laquelle le Parlement a été appelé, pour la première fois, à se prononcer sur une vente d’armement.
Les députés avaient déjà dû donner leur avis sur un accord relatif à du matériel de défense. Cependant, celui-ci ne prévoyait pas une vente mais au contraire, les conditions de son annulation. Lorsque la France a refusé de livrer les bâtiments de projection et de commandement (BPC) Mistral à la Russie, elle a dû indemniser Moscou et ainsi engager les finances de l’État, ce qui relève de l’article 53 de la Constitution.
Dans le cadre de cet accord avec la Belgique, « un nouveau schéma d’accompagnement étatique » a été élaboré. « L’État français devient le mandataire de l’État belge, passant commande pour le compte de ce dernier auprès des industriels français » explique Jacques Maire. Cela peut paraître négligeable, mais certaines dispositions prises dans ce mandat dérogent au droit français. De surcroît, le contrat prévoit une clause d’arbitrage, normalement interdite en France dans le cadre d’un marché public.
Outre ses termes juridiques, cet accord est singulier de par sa portée stratégique. Raison pour laquelle ce n’est pas l’aspect "vente d’arme" qui est mis en avant par le gouvernement. À titre de comparaison, l’achat par la Belgique de F35 américain représente un marché plus de deux fois supérieur à CaMo. Ce que la Belgique s'offre avec ce contrat, ce n’est pas tant des blindés mais « un partenariat stratégique conduisant à une transformation complète de son armée de terre » explique Olivier Cigolotti. « L'armée de terre belge se dote d'une nouvelle organisation, d'une nouvelle doctrine, de nouvelles modalités d'entraînement et d'une nouvelle organisation de son soutien, selon un schéma identique à celui de l'armée de terre française » ajoute-t-il.
Des objectifs clairement définis
Les objectifs de ce partenariat sont définis dans l’article 3 l’accord. Ils s’articulent autour de trois axes principaux : la « coopération opérationnelle entre les armées », la « coopération en matière d’armement » et enfin, « l’intégration entre armée de Terre ».
La coopération opérationnelle relève du comité de pilotage « Capacitaire », coprésidé (comme tous les autres comités) par la France et la Belgique. Il est en charge de la formation des militaires belges, des échanges sur les grands jalons opérationnels ou encore de la cohérence capacitaire et doctrinale entre les armées. Depuis 2019, des officiers belges sont intégrés au centre de doctrine et d’enseignement du commandement (CDEC). Ainsi, français et belges développent ensemble les concepts binationaux qui guideront les combats de demain.
Le comité « Partenariat Armement », constitué de membres de la DGA et de la DGMR, a pour mission de traiter les contrats d’armements de CaMo. Il identifie également « les opportunités de coopération notamment en matière de programme, de recherche et technologie, d’expertise technique et d’essais et d’échanges de personnels ». La vente des 28 Caesar est conduite par ce comité. D’autres ententes possibles ont déjà été identifiées : le système de combat FELIN, les véhicules Serval ou bien le prochain VBAE, dont le programme a été lancé récemment. Ce deuxième comité met également un œuvre l’un des principaux avantages de l’accord. Il permet à la Belgique de simplifier ses achats d’armements en passant outre les règles européennes régissant les marchés publics de défense. La directive 2009/81/CE du Parlement européen et du Conseil stipule que ce genre de marché est soumis à des obligations de publicité et de mise en concurrence. Quelques exceptions permettent de déroger au règlement, notamment dans le cas des « marchés passés par un gouvernement à un autre gouvernement concernant la fourniture d’équipements militaires ou d’équipements sensibles ; des travaux et des services directement liés à de tels équipements », indique l’article 13 de la directive européenne.
« Nous allons cloner les deux armées de Terre afin de créer des unités prêtes à partir au combat sans préparations supplémentaires. On part ensemble et on fusionne au combat »
Voilà qui résume bien l‘ambition du programme CaMo en matière d’interopérabilité. Les deux pays souhaitent « faire de cet ancrage capacitaire un outil d’intégration entre armées de Terre ». Parce qu’elles seront équipées, formées et entraînées de la même façon, les deux armées pourront évoluer et communiquer comme une seule et même unité. « Concrètement, cela signifie qu’un SGTIA belge peut sans préparation additionnelle [...] opérer au sein d'un GTIA français. Symétriquement, un SGTIA français peut également opérer au sein d'un GTIA belge » affirme l’annexe 2 de l’accord. C’est ce que les communicants appellent le « Plug & Fight ».
Manuel Molin, colonel dans la composante terre belge et auteur d'un article sur la coopération franco-belge dans la Revue de Défense Nationale, émet quelques réserves à ce sujet. « Il est utopique de croire que deux armées nationales pourraient être à terme équipées intégralement à l’identique » écrit-il, avant d’ajouter : « le Plug & Fight tant désiré ne doit donc pour autant pas être idéalisé ». Il est certain que les attentes importantes envers cet accord d’un nouveau genre ne doivent pas faire oublier les différences qui persisteront encore après 2030. De plus, chaque évolution capacitaire de l’armée de Terre française, comme de la composante Terre belge, devra être scrupuleusement étudiée pour évaluer ses conséquences, bonnes ou mauvaises, sur l’interopérabilité franco-belge.
« Nous sommes condamnés à réussir »
Un détachement belge de 300 hommes a été déployé en Roumanie aux côtés de 500 militaires français, formant ainsi un bataillon binational. « Ce déploiement opérationnel conjoint renforcera les liens étroits au sein du partenariat stratégique CaMo entre la Belgique et la France » s’est réjouie la composante Terre sur sa page Facebook. Aucun matériel n’a pour l’instant été reçu mais la France et la Belgique bâtissent dès maintenant leur synergie future. L’OTAN ne prévoit pas d'interopérabilité à un niveau inférieur à la brigade, pourtant, la numérisation croissante du champ de bataille conjuguée à la multiplication des opérations conduites en coalition rend celle-ci de plus en plus crucial. D’autant plus pour la Belgique dont les moyens humains et matériels sont moindres. « Nous sommes condamnés à réussir » avait indiqué le général major Marc Thys, de la composante Terre belge, avant le début des négociations. Un partenariat comme CaMo peut servir d’exemple à la construction d’un modèle de coopération de défense entre pays européens, il nécessitera pour cela une attention de chaque instant. Et pour cause, de nombreuses divergences persistent entre la politique étrangère française et belge. Par contre, un échec serait quant à lui désastreux, justement parce que le sens commun voudrait que la réussite soit assurée.