Rencontre avec Lalou Croft, policière et influençeuse
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Aujourd'hui, nous partons à la découverte d'une nouvelle profession, celle de policier municipal. Si vous êtes sur Instagram, vous connaissez probablement Lalou Croft, policière municipale dans une brigade canine. Cette jeune toulousaine d'origine partage sur ce réseau social son quotidien avec Jeriko, son collègue à quatre pattes. Dans cet épisode, elle nous parle de son parcours ainsi que du fonctionnement de cette institution finalement assez méconnue du grand public.
Présentation
Lalou Croft, pseudonyme utilisé par la jeune femme sur les réseaux sociaux, a 28 ans et travaille en Bourgogne en tant que maître-chien en police municipale depuis deux ans et demi, accompagnée de son berger belge malinois Jeriko. Avant d’entrer en école de police, Lalou était sportive de haut niveau, et a fait du football pendant 18 ans. Elle débute sa carrière dans un petite commune à côté de Toulouse, et souligne la polyvalence de ce poste dans lequel le policier de terrain doit être compétent sur tous les codes (forestiers, pénal, de la route…). Elle reçoit ensuite une offre d’emploi en Bourgogne, avec la condition d’être maître-chien. « J’ai tout plaqué pour tenter l’aventure ! », explique la policière. Si elle n’avait pas d’expérience avec un animal, elle a par contre toujours aimé les chiens. «A 12 ans, j’étais sur un tournoi de foot à Metz, se souvient-elle. Sur le terrain à côté, un maître entraînait son berger allemand qui écoutait au doigt et à l’œil. Quand je suis rentrée j’avais la coupe mais tout ce que je voulais c’était un chien ! » Elle se rappelle également l’épagneul breton hérité de son arrière-grand-père lorsque celui-ci est décédé, et qui repartait sans cesse à son ancien domicile, sans comprendre que son maître ne lui ouvrirait plus. « J’ai compris, même si j’étais petite, le lien indéfectible qui unit un chien et son maître », raconte celle qui a vu son rêve se réaliser quelques années plus tard, avec Jeriko.
La police municipale
Les différences entre polices nationale et municipale
Comme l’indique Lalou Croft, la police municipale dépend du maire de la commune. Le policier est un agent de police judiciaire adjoint et n’a pas les mêmes prérogatives qu’un policier national. Il peut interpeller un individu et l’amener au poste de police, mais doit ensuite passer le relai car il ne peut pas procéder aux gardes à vue par exemple. Concernant l’armement, la dotation peut comprendre un bâton de défense ou tonfa, du gaz lacrymogène, un lanceur de balle de défense, un pistolet à impulsion électrique et une arme de poing 9mm (ou revolver pour les plus anciens postes). La police nationale quant à elle peut s’équiper plus lourdement, jusqu’au fusil d’épaule. Les cas d’usage de l’arme sont par contre identiques est doivent relever de la légitime défense, qui consiste à réagir à une « menace réelle, actuelle et injuste, avec une réponse nécessaire, proportionnelle à l’attaque, immédiate, justifiée et intentionnelle. »
Les prérequis pour entrer en police municipale
Différents concours existent pour entrer dans la police municipale, par voie interne ou externe. Le concours de catégorie A est destiné aux directeur de police municipale ; le concours de catégorie B est dédié aux chefs de service ; enfin le concours de catégorie C est nécessaire pour devenir gardien brigadier de la police municipale. Ce dernier concours comprend une évaluation écrite (compréhension de texte et formulation, cas concret avec mise en situation et rédaction de rapport) et une épreuve de sport (course de 100 mètres puis épreuve au choix parmi le 50m nage libre, le saut en hauteur, le saut en longueur ou le lancer de poids).
Lalou Croft estime que de plus en plus de monde souhaite intégrer la police municipale. Ce phénomène est favorisé par la bonne communication de l’institution, qui offre aussi plusieurs avantages comme des mutations plus flexibles, des spécialisations, et des armements et équipements qui s’améliorent : « la profession est en pleine expansion, ça n’a rien à voir avec la police municipale d’il y a 20 ans ».
L’entraînement de la police municipale
La policière insiste sur le fait que chaque maire décide des moyens attribués à sa police (moyens financiers, équipement, matériel, effectifs…). Lalou Croft travaille dans « une commune très bien équipée », doté d’armements, de véhicules, d’une brigade motorisée, d’une brigade canine… tandis que certaines polices municipales ne sont toujours pas armées car cela dépend de la volonté du maire. A son affectation, la jeune femme bénéficie de deux séances par mois de GTIP (gestes techniques d’intervention professionnelle) qui rassemblent des techniques de menottage, des sorties de véhicules, des placements avec le chien etc. Les séances collectives de sport ont aussi lieu deux fois par mois pour perfectionner le combat au corps-à-corps notamment. Des exercices de mise en situation, encadré par un moniteur de tir, sont aussi organisés afin de se rapprocher de la réalité et préparer au mieux les agents. Enfin, Lalou Croft souligne que chaque agent doit ensuite « prendre ses responsabilités et s’entraîner de son côté », que ce soit en s’inscrivant à un club de tir ou de sport (crossfit…), ou en se préparant physiquement chez soi, comme elle le fait en ayant son propre matériel d’entraînement. « Je vois la différence en intervention, j’ai gagné en explosivité, en force , en vivacité », indique-t-elle. C’est important de rester prêt physiquement, mais mentalement aussi, de parler à ses collègues, à sa famille. »
Le compte Instagram Lalou Croft
Lalou Croft n’avait jamais eu de compte sur un réseau social, avant de s’inscrire sur Instagram lorsqu’elle entre à l’école de police. Son nombre d’abonnés augmente rapidement, ce qui la pousse à continuer. Son objectif est de « promouvoir une belle image de la police municipale », mais aussi de prodiguer des conseils pour entrer dans la police ou plus globalement pour réaliser des séances de sport.
Une communauté bienveillante
La jeune femme donne beaucoup de conseils sur son compte à presque 34 000 abonnés, et reçoit en retour énormément de félicitations, de remerciements, et d’encouragements. Elle est très fière d’avoir une « belle communauté » et affirme n’avoir reçu que très peu de messages négatifs. « Je ne sais pas si c’est Jeriko ou moi qui fait le plus peur ! », s’amuse-t-elle. Elle se souvient toutefois d’un message privé qu’elle a reçu, de la part d’un homme lui écrivant « tu vois, moi je suis le genre de mec, typiquement, qui crie ACAB dans les manifestations. » La policière lui répond alors, sans perdre son sang-froid : « moi je suis typiquement le genre de meuf qui, 10h par jour, met sa propre vie en danger et au service du public. Parce que le jour où un individu rentrera chez toi ou tes parents, et voudra violer ta mère ou ta sœur, moi je vais mettre ma vie en danger pour les sauver, pour faire cesser une infraction ou un délit. » A la suite de leur conversation, l’homme avait finalement changé d’avis sur la police.
Des opportunités
Sa présence sur les réseaux sociaux a permis à la jeune femme de participer à « des stages hors du commun » : saut en parachute en Autriche en septembre 2019 avec les militaires autrichiens, stage de cinq jours d’entraînement tactique avec le peloton anti-banditisme de Liège en septembre 2020, stage de survie particulièrement difficile en Guyane avec Max Well, stage avec le SWAT… Pour ce dernier, un instructeur américain s’est déplacé jusqu’en Dordogne pendant une semaine. La policière a pu apprendre a pu tirer pour la première fois au 9mm, mais s’est aussi entraîné avec un fusil d’épaule et mettre en œuvre des tactiques. Cette expérience exceptionnelle, dont elle est fière, lui permet aujourd’hui de travailler avec davantage de confiance lors de ses patrouilles : « Tu te sens plus aguerri pour tes missions quotidiennes, et même si tu ne fais pas de sortie d’arme tous les jours, la tactique est importantes pour être en sécurité. »
Maître-Chien
Les chiens de police se distinguent en deux spécialisations : soit patrouille et défense (mordant et frappe muselée) soit détection (de billets, d’armes et de munitions, ou d’explosifs). Jeriko, le chien de Lalou Croft, est un chien de patrouille et défense.
La rencontre avec Jeriko
Lorsqu’on lui propose un poste de maître-chien, Lalou Croft doit trouver un chien. En effet, en police municipale deux choix s’offrent à l’agent : soit il possède déjà un chien et le met à disposition de la commune, soit la commune lui en attribue un. La jeune policière devait trouver le sien, elle a donc commencé à chercher son compagnon. Après des recherches infructueuses, elle tombe sur Jeriko, un chien de quatre ans (sept ans aujourd’hui). Le malinois est déjà formé au ring, une discipline comportant de l’obéissance, de l’agilité et du mordant. Entraîné par un opérateur du GIGN, il était destiné à une unité spécialisée belge, mais s’est finalement retrouvé chez un policier, qui l’a ensuite revendu à Lalou Croft.
Depuis, Jeriko vit en permanence avec sa maîtresse, la suit dans ses missions, ses exercices de sport et jusque chez elle. « Les gens me disent que c’est mon meilleur ami, en fait je comparerai ça plutôt à un couple !, s’exclame Lalou Croft. Des fois on se fait la gueule, des fois on rigole ensemble ; je me lève il est là, je me couche il est là, c’est fusionnel. »
Le malinois est évidemment fortement présent sur les réseaux sociaux lui aussi, en apparaissant sur les photos, vidéos ou stories. Il a donc lui aussi des fan : « Ce qui me fait rire, raconte la jeune femme, c’est quand on me demande « si je le croise dans la rue, je pourrai lui faire un calin ? »… Mais non! Ça reste un chien de défense, donc logiquement si tu t’approches trop il risque de réagir », alerte toutefois la policière.
Un chien de travail
La maître-chien explique que le chien est entraîné et « codé » : à partir du moment où il est équipé de sa muselière et de son harnais, il sait qu’il est au travail. Lalou Croft le démontre par une anecdote : « Un jour, je suis arrivée au boulot,Jeriko était lâché et il a joué avec un collègue. Mais à partir du moment où je lui ai mis son harnais, qu’il était dans sa cage de transport, il a aboyé contre ce même collègue, parce qu’il était en mode travail. Le malinois est très intelligent et malin, il sait faire la part des choses. » De même, le chien n’attaque pas s’il n’en a pas reçu l’ordre ; mais il peut avertir son maître si son instinct détecte quelque chose de suspect.
Le chien de travail part en retraite entre 8 et 10 ans en moyenne. Le maître-chien doit savoir analyser son équipier à quatre pattes, et comprendre quand il va mal et n’est plus apte. Lalou Croft explique que se pose alors la question de la relève, et là aussi deux choix s’offre au policier : soit prendre un chien adulte déjà formé, soit prendre un chiot et l’entraîner soi-même. La policière a fait ce deuxième choix, pour avoir l’occasion de former le chiot comme elle en a besoin. Elle souligne que le problème d’adopter un chien déjà adulte est de ne pas forcément connaître son passé, et ne pas toujours comprendre ses réactions, comme elle a pu l’expérimenter avec Jeriko. La jeune femme a adopté Rafale, un chiot malinois, il y a quelques mois, et le forme pour qu’il prenne la relève de Jeriko.
Aider les chiens à la retraite
Lorsque Jeriko prendra sa retraite, la policière souhaite le garder à ses côtés, comme chien de compagnie. Tous les chiens de police n’ont pas cette chance ; parfois, leurs maîtres ne peuvent plus les garder chez eux. Les chiens risquent alors l’euthanasie car ils sont difficilement plaçables en famille d’accueil de part leur passé de chiens de défense. Dans cette optique, l’association « Un toit pour Erros » a été fondée par la police nationale de Marseille et accueille une dizaine de chiens retraités. Lalou Croft tient à apporter sa pierre à l’édifice, et est récemment devenue marraine de l’association « Soutien forces de l’ordre ». Elle propose de développer une branche spécifique pour les agents cynotechniques de la police afin de les aider à replacer les chiens. L’idée serait une plateforme mettant en relation policiers et familles. « Grâce à mon Instagram j’ai déjà réussi à placer trois chiens, ajoute la jeune femme. Ils méritent une belle retraite, ils ont travaillé dur, ont sauvé des vies, et c’est inconcevable de les euthanasier car on ne peut pas les replacer. »
Gérer vie pro et vie perso
Pour Lalou Croft, la frontière peut parfois être mince entre vie professionnelle de maître-chien et vie personnelle de sportive et propriétaire de Jeriko. La vie de couple aurait aussi pu être compliquée à séparer des réseaux et de la vie pro… Mais la jeune femme s’estime heureuse car « Benoît est un ancien opérateur des forces spéciales, du 1e RPIMA, indique la jeune femme. Donc il est calé en armement etc, il m’entraîne. Il comprend les difficultés de porter l’uniforme, sait ce que c’est d’intervenir, de rentrer tard, de rentrée en étant frustrée, énervée ou en pleurs. » Aujourd’hui, son fiancé est compétiteur de MMA à haut niveau, ce qu’elle a connu dans le foot. « En fait, on a échangé les rôles ! », s’exclame la policière. Chacun d’eux comprend le stress de l’autre, son ressenti, et les deux fiancés s’épaulent au quotidien.
Etre un femme dans la police
La police nationale compte 27% de femmes. Lalou Croft se remémore son parcours. D’abord ses premiers pas en foot, un sport qu’elle a commencé très jeune, et n’a jamais lâché même si le milieu était plutôt masculin. Puis sont venus ses nombreux stages, notamment celui du SWAT au sein duquel elle était la seule femme. « Je n’ai jamais eu de souci d’intégration. Je crois que c’est l’attitude qu’on dégage. Sur les réseaux, j’ai le surnom de T-rex ; ce n’est ni masculin ni féminin, c’est juste T-rex. En uniforme je ne suis pas une femme, je ne suis un homme, je suis agent de police. » La policière admet toutefois que dans certaines situations spécifiques, elle prend un peu plus le rôle de femme, pour rassurer une victime d’agression sexuelle, ou des enfants lors d’un différent familial. « C’est pour ça que c’est important d’avoir des femmes dans la police, il y a plein de situations où elles sont importantes. » Lalou Croft souligne tout de même qu’une femme doit faire deux fois plus d’efforts pour être acceptée, et doit faire ses preuves tant sur le physique que sur le mental. Elle reçoit parfois des messages de femmes qui hésitent à intégrer la police « parce qu’elles savent qu’elles vont être regardées, jugées, qu’on les attend au tournant. » Il faut également accepter le fait que certains hommes sont misogynes, et vont toujours venir donner des conseils même si les résultats sont bons.
Dernier conseil
Lalou Croft conseille de bien se préparer, physiquement et mentalement. Toujours soucieuse de bien faire, elle explique être stricte autant envers Jeriko qu’envers elle-même. Elle indique aussi : « il y a toujours un point de départ ; si tu ne vas pas au point de départ, tu ne franchiras jamais la ligne d’arrivée ! » La policière accorde une grande importance au dépassement de soi, à la détermination, au courage, et affirme : « tous les challenges qu’on m’offre, je les relève. Dans la vie, il faut oser, et franchir le pas. »
Retrouvez le portrait de Lalou Croft dans le troisième numéro de notre magazine ! Abonnez-vous à notre magazine pour recevoir les prochains numéros, accéder à des contenus exclusifs, et bénéficier des offres matériels et équipements de nos partenaires.