Rencontre avec Camille Lanet, d'officier à haut fonctionnaire
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L'objectif de cette émission audio disponible sur toutes les plateformes en ligne de Podcast est d'ouvrir au grand public les portes d'un univers d'ordinaire plutôt secrets, dans le but de donner à réfléchir à des questions qui nous concernent tous, qu’elles soient politiques, géopolitiques, économiques ou plus largement sociétales.
Dans ce nouvel épisode, nous avons rendez-vous à Balard, au Ministère des armées, pour rencontrer Camille Lanet. Après un cursus d'officier dans l'armée de terre, Camille décide de servir autrement en redevenant civil. Aide de camp du ministre Hervé Morin puis directeur du groupement de soutien d'une base de défense, il devient sous-préfet en 2014 puis Administrateur civil hors classe, l'un des plus hauts grades pour les fonctionnaires de l'État. Il est également l’auteur du livre “Le choix de l’engagement” dans lequel il rassemble les témoignages d’anciens élèves de Saint-Cyr, 25 ans après leur sortie d’école.
Présentation
Parcours militaire et civil
Camille Lanet est « engagé pour le service de l’état depuis plus de 25 ans », avec un parcours atypique porté sur le Ministère des armées. Militaire pendant 19 ans, son cursus débute par l’école de Saint-Cyr dont il sort diplômé en 1994, puis se poursuit dans l’infanterie. Il devient ensuite instructeur à Saint-Cyr et à l’école de formation d’armes. Enfin, il termine sa carrière militaire comme aide de camp du ministre de la Défense, Hervé Morin à l’époque. Il quitte l’armée en 2010 au grade de lieutenant-colonel.
Depuis onze ans, l’ancien officier est un administrateur civil à fonction interministérielle, qui enchaîne les postes à haute responsabilité: chef du groupement de soutien de Cherbourg, chef du cabinet du ministre de la Ville Maurice Leroy, chef du groupement de soutien de Saint-Germain-en-Laye, et sous-préfet de Toul pendant trois ans. De 2018 à octobre 2020, il participe à l’élaboration du service national universel (SNU) en tant que secrétaire générale du groupe de travail SNU pour l’Elysée. Enfin, depuis 2020 et le début de la deuxième vague de coronavirus, Camille Lanet est le chef de la cellule de crise covid auprès du SGA (secrétariat général pour l’administration). Il a ainsi la charge de la gestion du réseau des cellules de crise de l’ensemble des entités du SGA en France.
Une continuité
Le haut fonctionnaire assure avoir mis en œuvre et ainsi développé des compétences diversifiées. Celles-ci ont toutefois en commun la gestion de crise, que ce soit à son poste d’officier dans l’armée qui a « beaucoup aidé à avoir cette capacité de gestion de crise », comme sous-préfet avec des situations parfois sensibles (présence du loup, manifestation d’agriculteurs…) ou encore à son poste actuel, révélant une certaine « continuité » dans son parcours. Ses fonctions de support plus classiques en achat/finances lors de ses postes aux groupements de soutien ont développé d’autres compétences.
Le poste de haut fonctionnaire
Un objectif visé plus tard
Alors qu’il était élève-officier à Saint-Cyr, Camille Lanet ne visait pas spécialement l’administration. Son objectif premier était de réussir le concours après ses classes préparatoires: « Pas une seconde je ne me projetais, avoue-t-il. Je voulais déjà réussir mon école et être lieutenant. Ce qui me faisait rêver, c’était l’armée de Terre et préférentiellement l‘infanterie. Voilà mon objectif quand j'étais jeune. »
Il conserve longtemps cet objectif au cours de son parcours tourné vers l’opérationnel, jusqu’au moment où il a dû faire un choix: « Vers 40 ans, il faut réfléchir si on veut se projeter sur une vraie seconde partie de carrière. Je suis passé lieutenant-colonel à 39 ans et je savais que je voulais basculer, prioritairement dans la fonction publique. Et si ça n’avait pas fonctionné, je me serais tourné vers le privé. » L’ancien militaire ne regrette absolument pas ce choix, estimant avoir eu « beaucoup de chance » de pouvoir faire « des choses très variées et passionnantes ».
Passer d’officier à haut fonctionnaire
La passerelle officier/haut fonctionnaire s’obtient par concours, mais peu de postes sont disponibles chaque année. Ils sont ouverts à l’ensemble des militaires quel que soit leur grade. Cependant les postes de haut fonctionnaire sont confiés en priorité aux officiers supérieurs. S’il y a de plus en plus d’officiers subalternes, cela reste néanmoins compliqué pour un sous-officier. Chaque session semestriel offre quelques places aux militaires, entre quatre et cinq selon Camille Lanet, pour différents postes d’administrateur civil (Cour des comptes, Inspection générale des finances, corps préfectoral…). Cela nécessite une « capacité à s’adapter et entrer dans d’autres métiers », souligne le haut fonctionnaire. Il ajoute qu’en plus des qualités classiquement retrouvées chez des militaires (ponctualité…), d’autres sont recherchées. Un ancien commissaire, ayant eu à gérer des finances ou des ressources humaines, sera plus facilement employable directement sur des postes de haut fonctionnaire. Leur part sera donc plus importante que celle des officiers des armes.
Un poste proche des politiques
Un haut fonctionnaire se retrouve plus proche des personnalités politiques et du gouvernement qu’un militaire, à l’exception de ceux dont le très haut niveau hiérarchique (état-major…) les acculture à ce monde politique. Pour Camille Lanet, la fonction ne doit toutefois pas être confondue avec une appartenance à un parti: « un fonctionnaire est en appui du monde politique dans son fonctionnement, dans son rôle d’expertise, de conception et de direction des administrations qui sont au sein des ministères et des gouvernements. » L’ancien officier, en tant qu’aide de camp, a dû s'adapter à ce milieu très rapidement: « c’est un des bonds les plus forts que j’ai fait en acculturation de ma carrière. On vous demande de vous adapter tout de suite. Dès la première minute, vous faites le job. »
Son poste d’aide de camps du ministre de la Défense
L’aide de camp est « le soutien militaire d'exécution le plus proche du ministre », explique Camille Lanet. Il est un appui disponible en permanence afin d’aider sur n’importe quel sujet (matériel, protocoles, déplacements…) L’aide de camp doit connaître finement le cabinet du ministre et son organisation, pour pouvoir animer et entretenir un réseau. L’une de ses plus grandes qualités est sa « capacité à avoir des connexions immédiates avec un réseau, pour savoir répondre à un besoin immédiat d’un ministre. » Il doit connaître chaque dossier, faire preuve de discrétion et encore plus sur les sujets sensibles, et être en mesure de réagir. Le poste d’aide de camp n’est pas ouvert aux civils, car il nécessite « un militaire qui a vécu dans les forces pour avoir une connaissance très fine du protocole lors d’une cérémonie militaire par exemple. Il doit pouvoir être un guide pour le ministre, notamment à sa prise de fonction. C’est un facilitateur, accompagnateur de son ministre, indique l’ancien officier, avant de résumer: « vous êtes la personne sur qui on doit pouvoir s’appuyer. »
La gestion de crise
Comme indiqué en début de rencontre, Camille Lanet a vécu la gestion de crise à différents niveaux et postes au cours de sa carrière. En tant que sous-préfet on lui a « delegué la représentation de l'Etat », définit-il, ayant ainsi en charge la gestion et la communication de crise de par ses connaissances de l’environnement et des acteurs locaux (gendarmes…).
Le haut fonctionnaire revient ensuite sur le déroulé d’une crise, expliquant que le premier point est d’analyser la situation en cours, car celle-ci évolue. Il faut ensuite entrer en contact et gérer les services détenant l’expertise dans les domaines concernés (exemples au cours d’un incendie: SDIS pour éteindre le feu, police pour boucler le périmètre…), faire remonter les informations à l’échelon supérieur de décision et politique, et enfin gérer l’application de la sortie de crise (exemple lorsqu’un forcené est retranché chez lui: le RAID intervient, puis l’affaire est passée à la justice à partir du moment où le forcené a été interpellé). « Celui qui gère une crise, c’est celui qui est capable de faire l'analyse très vite et locale de ce qui est en train de se passer, et de coordonner les services », indique l’ancien sous-préfet.
Dernier conseil
Camille Lanet tient tout d’abord à féliciter ceux voulant poursuivre leur carrière dans l’administration, garantissant qu’ils n’y trouveront que des satisfactions: « le fait de s’engager est ce qui a motivé mon entrée à Saint-Cyr, c’est un engagement au service de la nation, des autres, au sein de notre pays. Et le fait de vouloir poursuivre au service de l'Etat est la marque d’un véritable sens de l’engagement, il y a de la continuité. » Il assure que le fonctionnaire y trouvera sa place, et qu’il ne faut pas hésiter à faire ce choix de carrière: « en avant! De toute façon l’Etat a besoin de gens qui s’engagent, plus que jamais », affirme-t-il.
Ce sens de l’engagement, profondément ancré chez Camille Lanet, est mis à l’honneur dans le livre que nous venons de sortir. "Le choix de l'engagement" présente les témoignages d'anciens élèves de Saint-Cyr, 25 ans après leur sortie de l'école. Découvrez leurs parcours, leurs expériences et leurs motivations au fil des pages de ce recueil.