GMHM, EMHM, montagne, alpinisme

Missions et expéditions du GMHM, le Groupe militaire de haute montagne

de lecture - mots

 

Bienvenue dans Defense Zone, le Podcast qui traite des questions de défense et de sécurité à travers des entretiens avec des militaires, des membres des forces de l'ordre, des personnalités politiques, ou encore des entrepreneurs.

L'objectif de cette émission audio disponible sur toutes les plateformes en ligne de Podcast est d'ouvrir au grand public les portes d'un univers d'ordinaire plutôt secrets, dans le but de donner à réfléchir à des questions qui nous concernent tous, quelles soient politiques, géopolitiques, économiques ou plus largement sociétales.

En complément de notre dossier sur le secours en montagne (à retrouver dans le numéro 5 du magazine), nous partons à Chamonix, à la rencontre du commandant du GMHM, le groupe militaire de haute montagne. Créée en 1976, cette toute petite unité de l'armée de Terre est composée d'une dizaine d'alpinistes de très haut niveau. Leur mission n'est pas de partir combattre en opération extérieure, mais de réaliser des expéditions complexes et en conditions extrêmes, souvent par très grand froid.

 

 

 

Parcours du Commandant Chevallier

Le chef de bataillon Jacques-Olivier Chevallier est marié et père de trois enfants. Après l’école de Saint-Cyr, il est affecté au sein du 93e régiment d’artillerie de montagne et se spécialise dans ce milieu. D’abord commando montagne, il devient ensuite chef d’unité de ce même régiment, puis continue sa carrière à l’école militaire de haute montagne (EMHM), comme directeur des stages. Une opportunité s’offre à lui et il intègre le groupe militaire de haute montagne (GMHM) en 2018. Il occupe le poste d’adjoint avant d’en prendre le commandement en 2020. C’est pour lui « une grande joie et une grande fierté d’être à la tête de ce groupe qui représente quelque chose d’unique en France et dans le monde. »

Commandant Chevallier, GMHM, EMHM, armée de Terre

 

Présentation du groupe militaire de haute montagne

GMHM, EMHM, armée de Terre, Alpinisme

 

Le GMHM est une petite unité de dix experts montagne et grand froid, rattachée à la 27e brigade d’infanterie de montagne (27e BIM), composée quant à elle de 6000 soldats. Pour le Commandant Chevallier, le GMHM est « la patrouille de France de l’alpinisme », et s’oriente sur trois missions :

  • Maîtrise : pour respecter son engagement à être capable d’intervenir en tout temps, tout lieux, partout dans le monde, l’armée de Terre comporte des petites unités très spécialisées. En maîtrisant « ce milieu terrestre extrême du grand froid et de la verticalité », le GMHM participe à la compétence opérationnelle de l’armée de Terre.
  • Expérimentation et innovation : le GMHM est un « laboratoire in situ » qui participe à l’évaluation et l’évolution des matériels et des connaissances, pour que l’armée de Terre sache dans quel matériel investir. Ils ont ainsi des partenariats avec certaines marques (Croscall, Julbo, Millet…) afin de tester voire demander certains matériels spécifiques (sac ultra léger, duvets…)
  • Transmission : les savoirs-faires, connaissances de ce milieu et retours d’expériences sont transmis au groupement commandos montagne (GCM) de la 27e BIM par des écrits mais également des phases pratiques sur le terrain. Ces connaissances ruissellent ensuite vers les troupes de montagne par les cadres des GCM.

  

Le quotidien au sein du groupe militaire de haute montagne

Grimpeurs et chef du groupe n’ont pas les mêmes journées, étant chacun recruté pour des missions différentes. Le chef du GMHM est au service du groupe afin que les projets aboutissent. Il s’occupe ainsi de la planification, du budget, de définir des objectifs.

GMHM, EMHM, armée de Terre, montagne, alpinisme

 

La mission des grimpeurs au contraire « est de faire de la montagne, sous toutes ses formes », explique le Commandant Chevallier. Il s’agit de progresser eux-mêmes en achevant des courses dans le massif. « Le Groupe se réalise et rayonne, à partir du moment où les grimpeurs peuvent s’exprimer », ajoute l’officier. L’avantage du GMHM est la liberté donnée aux grimpeurs de gérer leurs créneaux de montée en puissance, de réalisation, et de récupération. Le chef du GMHM souligne également l’importance de la préparation en amont, et note d’ailleurs une grande capacité de ses grimpeurs à rechercher les informations sur internet ou dans les livres. « Ce travail de recherche est indispensable pour réussir les objectifs que l’on se fixe », poursuit-il.

 

Former les groupements commandos montagne

Bien qu’étant actuellement déployés plutôt en zone chaude, notamment en bande sahélo-saharienne pour l’opération Barkhane, les commandos montagne trouvent tout leur intérêt à être formés au grand froid par le GMHM.

GMHM, EMHM, armée de Terre, commandos montagne, GCM, GCM 27, 27e BIM

Tout d’abord, ce milieu grand froid est un espace convoité par de nombreux pays aujourd’hui, et la France a un intérêt géopolitique à montrer qu’elle connaît ce milieu et qu’elle est capable d’y intervenir en cas de besoin. Les GCM seraient les premiers à être déployés et doivent donc être formés afin d’acquérir une autonomie suffisante.

De plus, outre l’aspect « grand froid », de nombreuses capacités sont apprises au travers de cette formation, comme l’autonomie, le dépassement de soi, la cohésion, la réflexion… « Cette capacité d’action en groupe isolé est une capacité que les commandos vont retrouver au Sahel ou sur d’autres opérations. » Le Commandant Chevallier évoque également l’apprentissage par l’environnement lui-même à aller au-delà de la survie : « quand on travaille dans ces milieux où c’est le milieu qui représente un risque, on doit être capable de le connaître, comprendre comment il fonctionne, y vivre, avant de combattre. » 

 

 L’expédition Uppick au Groenland

Chaque année, Uppick emmène justement les commandos montagne encadrés par des militaires du GMHM, au Groenland pour une vingtaine de jours.

 

Objectifs de Uppick

La transmission est au cœur de cette expédition et le GMHM a dû s’adapter afin de ne pas noyer d’informations les GCM. Le Groupe apporte ainsi des connaissances montagne été et hiver complètement différentes de ce que les commandos ont déjà appris. Le but est de les sortir de leur zone de confort, de renforcer leurs capacités de prise de décision et d’enseigner des techniques bien spécifiques (hissage de matériel, tente en paroi, franchissement de grande ampleur…) mais aussi des savoirs pratiques (comment monter une tente en pleine tempête, quel combustible utiliser, comment racler le givre sur une tente en fin de nuit…)

 

La préparation de Uppick

La préparation de cette expédition dure sept semaines. Il faut tout d’abord sélectionner le matériel et l’équipement individuel et définir les binômes. Chaque commando est également testé physiquement et techniquement, notamment en ski, principal moyen de déplacement pendant ces 20 jours. Un bivouac en haut du glacier les met en condition de grand froid et est aussi un moyen pour qu’ils « se rendent compte là-haut que s’ils ne font pas attention aux modes d’action qu’on leur enseigne, au choix du matériel, aux petits détails, ça ne peut pas fonctionner », indique le chef du GMHM. Enfin, il faut préparer la mission en elle-même (choix de l’itinéraire…) et pour le chef d’expédition, s’occuper de la logistique (affréter un avion, définir un budget…).

Sur place, un binôme du GMHM est désigné pour encadrer le groupement commando montagne. Le chef du GMHM est quant à lui systématiquement le leader et le responsable technique de l’expédition. Les GCM acquièrent toutefois peu à peu de l’autonomie et finissent par se gérer eux-mêmes, sous la surveillance du GMHM.

 

Autres expéditions symboliques

Le groupe militaire de haute montagne a réalisé de nombreuses expéditions mémorables. Le Commandant Chevallier cite ainsi Changabang, réalisée en 2018 dans l’Himalaya indien, ou encore Shishapangma, le premier 8000m du Groupe, en 2013 en Patagonie. Il évoque aussi l’expédition Darwin, « exploratoire et engagée », durant laquelle des soldats du GMHM se sont rendus « dans un endroit que personne n’avait réussi à traverser avant ». Cette expédition a d’ailleurs permis au Groupe de teste les pulka, des traineaux tractés par un homme à ski, utilisés aujourd’hui pour l’expédition Uppick avec des chargements de 50-60kg.

GMHM, EMHM, armée de Terre, expédition, sur le fil de Darwin

 

Innover avec le base jump

L’innovation au sein du GMHM s’exprime par le matériel mais aussi les modes d’action. Dominique Gleizes, pratiquant de base jump, a été un précurseur de ce moyen au sein du groupe militaire de haute montagne. Si la pratique est ancienne, la nouveauté est « que le Groupe est persuadé qu’il pourrait y avoir une carte à jouer pour l’armée de Terre en acquérant cette capacité, d’un point de vue opérationnel », précise le Commandant Chevallier. Le GMHM travaille à transformer des modes d’actions civils pour les adapter aux forces : « on propose une vision différente, d’une activité certes impressionnante, engageante, mais qui, une fois étudiée, peut être un vecteur de déplacement crédible pour certaines missions que l’armée de Terre pourrait envisager. »

Le GMHM est indépendant de la STAT, la section technique de l’armée de Terre, qui viendrait dans un second temps réfléchir à ce projet si l’armée de Terre se montrait intéressée.

  

Rayonnement du groupe militaire de haute montagne

De par les images belles et impressionnantes que les militaires ramènent de leurs expéditions, « le Groupe est un ambassadeur à part entière de l’armée de Terre ». Les objectifs médiatiques ne sont pas prioritaires à ceux de terrain, ils en découlent : « les images et la com’ qu’on fait derrière sont une conséquence logique. Mais cette communication n’est pas à mettre en amont du projet, afin de conserver une qualité de prise de décision », souligne l’officier du GMHM.

La réalisation d’images reste toutefois dans les esprits, et certaines situations se sont parfois adaptées à ces conditions. L’expédition en Patagonie était par exemple filmée par une véritable équipe de tournage, qui a demandé une organisation spécifique : « les objectifs principaux de l’expédition étaient conservés, mais il y a eu un peu plus de mise en scène que d’habitude. »

 

Le recrutement au sein du groupe militaire de haute montagne

GMHM, EMHM, armée de Terre, alpinisme

 

Le GMHM est composé à moitié de militaires issus du monde des opérations, qui ont connu les opérations extérieures, les unités de combat. L’autre moitié est issue du monde civil directement, sélectionnée pour « leurs qualités techniques, leur immense motivation et leur capacité de progression. » Ces recrues sont formées au GMHM qui leur inculque les fondamentaux du monde militaire. Ces « classes » restent basiques car « notre but n’est pas d’en faire des soldats classiques mais de faire en sorte qu’ils se réalisent en tant qu’alpiniste performant », précise l’officier.

Le GMHM ne compte pas de femme actuellement, mais reste « ouvert », indique le Commandant Chevallier.

  

Le profil recherché pour le groupe militaire de haute montagne

Au-delà de simplement aimer la montagne, le candidat doit s’y sentir chez soi, avoir envie de progresser, s’entraîner, faire preuve d’une « motivation sans faille. » Si les instructeurs doivent déceler un potentiel de progression en lui, il doit tout de même présenter une liste de courses démontrant son expérience de la montagne. Comme évoqué plus haut, l’entraînement intensif et le potentiel technique et physique ne doivent pas occulter les capacités intellectuelles de la recrue, qui doit être capable de recherches approfondies afin de correctement se préparer et limiter les risques. Enfin, être sociable est essentiel : « quand on est un alpiniste, on a l’habitude de fonctionner seul, ou en cordée. Quand on vient au Groupe, c’est une nécessité d’avoir ce profil-là, mais il faut que ces gens soient capables de travailler en groupe, s’adapter au groupe ». En effet vivre à l’année quasiment en huis clos avec les autres n’est pas forcément évident pour tout le monde.

 

Gérer le risque et le danger

La communication est essentielle pour le chef et pour les grimpeurs. Le Commandant Chevallier explique qu’un militaire cachant une peur ou une appréhension, peut à tout moment se mettre en danger ou mettre en danger son groupe, en réagissant mal à un élément déclencheur (pierre qui tombe…) et en faisant une erreur. Ainsi, lorsque les commandos montagne arrivent au GMHM, bien qu’ils fassent preuve de résilience, la première chose que le Groupe leur apprend est de connaître leurs faiblesses et les dévoiler. « Il ne faut pas se cacher de qui on est. Le milieu est trop puissant pour se cacher derrière de l’égo », affirme le chef du GMHM. Cette communication permet la confiance mutuelle entre les grimpeurs, et leur chef sait alors qu’ils ont préparé leur expédition correctement, et les soutiens du mieux qu’il peut.

GMHM, EMHM, armée de Terre, alpinisme

 

Malgré tout, les risques sont présents. L’officier appuie alors sur « le sens qu’on donne à l’action » : si l’action envisagée est justifiable, crédible, que les raisons sont valables, le projet peut avoir lieu ; si au contraire le soldat a du mal à justifier car les risques encourus sont démesurés par rapport aux bénéfices potentiels, le projet peut être annulé. « Le travail du Groupe est de prendre des risques tout en les minimisant. »

Face à ces risques, la perte d’un membre du Groupe peut survenir. Le GMHM fait alors en sorte que sa famille et ses proches soient soutenus, tout comme en son sein même. « Le Groupe doit accepter l’absence de l’autre, et accepter son choix de s’engager dans des projets à risques, difficiles, pleins d’incertitudes. Il faut savoir rebondir après, et en hommage à ses camarades, continuer à avancer. »

 

Conseils aux candidats

Le chef du GMHM insiste sur l’aspect unique du Groupe, « seule unité française voire mondiale qui permet à des alpinistes de se réaliser et d’être soutenu », que ça soit logistiquement ou financièrement, et qui leur permet de faire de leur passion leur métier au quotidien.

Cela nécessite une très grande et sincère motivation, et l’officier conseille de « tout donner pour rejoindre le Groupe » si c’est le réel objectif du candidat. Il faut également acquérir de l’expérience « ne pas perdre une minute et aller dans le milieu. » Enfin, il précise que le candidat peut envoyer une lettre de motivation (insister sur les raisons, les motivations, se dévoiler) au GMHM ; tous les dossiers sont classés dans un vivier de recrutement, dans lequel vient puiser le Groupe lorsque des postes s’ouvrent.

 

 

Vous pouvez avoir accès à l'ensemble de nos épisodes podcast notamment nos épisodes exclusifs, vous pouvez vous abonner à notre magazine, recevoir les prochains numéros papier, bénéficier des offres matériels et équipements de nos partenaires, cliquez directement sur l'image ci-dessous  sur notre espace Premium

Défense Zone Premium


Laissez un commentaire

Veuillez noter que les commentaires doivent être approuvés avant d'être publiés