Marius, ancien commando marine
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Cette semaine, nous partons du côté de Marseille pour rencontrer le plus célèbre des anciens commandos marine : Alain Alivon, alias Marius. Figure emblématique du commando de Montfort, il se fait connaître du grand public à travers la télévision puis le cinéma, où il incarne un militaire dans le film "Forces Spéciales".
Présentation
Alain Alivon, 57 ans, est originaire du sud de la France. Marié, il est papa d’un enfant de 8 mois. Son surnom de Marius lui a été donné lors de son stage commando élémentaire. « Vous perdez du temps ! » est sa phrase fétiche aux commandos, lui qui prône le mouvement et a pour devise « un être vivant est un être qui agit. »
La vocation militaire était loin d’être une évidence, et Marius avoue que son entrée dans la Marine résulte d’un « concours de circonstance. » En effet, sa jeunesse est ternie d’actes de petite délinquance et de plusieurs gardes à vue. Lors de son dernier passage au poste, un inspecteur de police le confronte et lui explique qu’il arrive à un moment crucial de sa vie où il doit faire un choix : soit il continue sur cette mauvaise voie et ne l’attendent que la prison ou la mort, soit il prend les devant sur son service militaire (qu’il n’avait pas encore fait) et s’engage pour partir « très longtemps et très loin. » Pour une fois, le jeune Alain suit ce conseil, et se rend à la caserne proche pour y exécuter son service militaire. Dans le cadre d’un service volontaire long, l’engagé peut choisir son arme ; le jeune homme opte pour la Marine, comme son père décédé l’avait fait. Il annonce au recruteur vouloir une spécialité « qui bouge » et se retrouve ainsi chez les fusiliers marins pour une période de deux ans. A leur arrivée, les jeunes recrues font face aux cadres, qui exigent qu’ils laissent dans des caisses tout ce qu’ils avaient d’illicite (drogue, armes, matraques, lacrymo…). « Une fois que vous avez passé ce couloir, vous êtes à nous, vous appartenez à l’institution », préviennent les instructeurs. Marius se souvient avoir regardé avec curiosité l’intérieur des caisses, « déjà remplies de toute sorte de choses », avant d’y ajouter son propre Arminius 22 (une arme de poing) en pensant à cette chance qu’il devait saisir de recommencer sa vie. Son entrée dans l’armée est alors une « révélation, raconte-il. Je vois la lumière, j’ai envie de rester dans l’institution. » Il y trouve une réelle valorisation de l’individu, « qu’on soit fils de rien ou qu’on vienne d’un milieu aisé, qu’on ait un parcours atypique, ajoute Marius. On m’a pris comme j’étais, je devais remplir le contrat qu’on me demandait mais si c’était fait on me valorisait. C’est la première fois de ma vie que je me suis dit que je servais à quelque chose et que j’étais fait pour l’institution. » Une fois breveté fusilier marin, la jeune recrue postule au stage commando élémentaire.
En 2013, il publie un livre autobiographique, disponible sur notre librairie.
La question de l’ego
La question de la place de l’ego dans le monde militaire et particulièrement chez les forces spéciales, revient régulièrement dans nos podcast. « Il faut être un loup. On est un loup dans une meute de loups, considère Marius. Tout le monde veut être chef, c’est comme ça. Sauf qu’en fait, votre ego vous le savourez mais vous ne le mettez pas sur la place publique. Il y a une autosatisfaction qui est en vous, vous allez en parler à vos proches et à des gens de confiance qui font partie du premier cercle. Quelqu’un qui va se vanter ou mettre son ego sur la place publique ne sera pas apprécié. L’ego existe, mais il est très personnel. » L’ancien commando marine précise toutefois qu’il faut être fier de ce qui a été accompli, mais estime qu’il ne faut pas s’en vanter. Pour lui, lorsque deux forces spéciales se croisent, ils savent de toute manière de quoi l’autre est capable. L’égo est nourri dans ce « cocon » des commandos, et même si « on a des doutes, on a peur, par contre on se construit, on avance. Mais si on a trop d’égo, on est vite rattrapé par l’humilité quand on est confronté à un échec. » Marius se remémore un épisode marquant de sa carrière : alors qu’il sert aux commandos après avoir fini major, il renouvelle l’exploit de terminer en première place lors du stage de chef d’équipe, deux ans et demi plus tard. Il se sent alors comme « un champion du monde », et pour une mission en Afrique, postule pour suivre la formation nageur de combat. Cependant, cela ne se passe pas comme prévu et il fait face à de vraies difficultés : « tout l’égo que j’éprouvais avoir mon brevet élémentaire, avec ma sortie comme major, s’effondre en un ou deux mois. Je me retrouve « rasta », c’est-à-dire en échec, mais comme je ne peux pas partir je suis en soutien de ceux qui restent. » Se retrouver motoriste, à diriger le bateau pendant que ses camarades plongent, lui a mis « une belle claque », avoue Marius, qui considère toutefois que les échecs servent à mieux rebondir.
Une carrière d’instructeur
Après avoir passé son brevet supérieur, il réalise un stage commando chef d’escadre. Son instructeur lui indique alors qu’il pourrait les rejoindre comme instructeur lui-même. Après 13 ans d’opérationnel, Marius prend effectivement cette voie, qu’il appréhende un peu : « est-ce que je vais être aussi bon que je le pense, et est-ce que je vais réussir à transmettre l’esprit et la manière de manager les potentiels candidats au stage commando ? », se demande-t-il. A ce poste, il préfère accueillir et former les jeunes recrues, plutôt que les militaires déjà expérimentés venant passer le brevet chef d’équipe. Il peut ainsi les « façonner », à la manière d’un diamant qu’on poli pour en révéler tout le potentiel, et se nourrit en quelque sorte de « leur volonté, leur pugnacité, voire une étincelle chez eux. »
Marius raconte qu’avec l’expérience, les instructeurs savent si une recrue est faite ou non pour les commandos : « le stage commando élémentaire dure neuf semaines intenses, où l’instructeur vit avec les élèves. Vous êtes tellement fatigués physiquement que vous ne pouvez pas tricher, vous êtes vous. Même si vous êtes arrivés en vous cachant derrière un masque, il tombe de suite. Et vous savez avec l’expérience qui fera un bon commando et qui fera une carrière courte ou longe dans ce domaine-là », assure-t-il.
L’importance de la passion
Marius participe depuis peu avec un groupe de travail d’anciens membres des forces spéciales ou d’unité d’élite afin de rassembler sur une plateforme des « conseils et techniques qui pourraient aider les jeunes à embrasser une carrière dans les forces spéciales ». Le physique ou le mental ne suffisent pas, « quand on va à un travail, il faut arriver avec le sourire et repartir avec le sourire », ajoute-il. La passion est essentielle, souligne l’ancien béret vert, estimant qu’il faut aussi se donner les moyens de changer de métier si l’actuel ne nous convient pas. « Et c’est marrant parce que parfois on retrouve des anciens des forces spéciales qui sont boulanger, pâtissier ou menuisier, parce qu’ils ont toujours rêvé de faire ça, ou un gars qui a repris ses études pour être médecin ou avocat », poursuit-il. Il cite également l’exemple d’un jeune entré aux commandos pour le prestige du béret vert, qui a fait preuve de très belles compétences techniques et sportives, a intégré le commando Jaubert, puis s’est très rapidement ré-orienté vers une carrière de démineur.
Retour à la vie civile
Marius indique que l’avantage de l’armée est de pouvoir partir en ayant un maximum d’annuité, et relativement jeune, ce qui permet d’avoir une seconde partie de carrière. L’association « De briques et de dagues » regroupe l’ensemble du personnel ayant servi chez les commandos et échange des offres d’emploi. C’est elle qui propose à Marius, alors qu’il allait retourner dans l’opérationnel après sa période d’instruction, un poste dans la sûreté portuaire. Le quarantenaire refuse dans un premier temps, ne se sentant pas prêt, mais repasse un entretien quelques mois plus tard en décembre 2005 et obtient le poste. Malgré quatre mois de formation, pris en charge par le ministère, il avoue avoir eu des doutes « car le monde civil est la contradiction du monde militaire : beaucoup de vantardise, de paillettes. Et le problème des militaires c’est qu’on ne sait pas se vendre », souligne Marius. Il indique qu’aujourd’hui, des sites comme « Pépite » existent et permettent justement aux militaires d’avoir des clés, des conseils, de savoir comment se comporter, car les bureaux mobilité de la Défense ne se rendent pas toujours compte eux-non plus des réalités du monde civil. « On n’est pas du tout prêt à aller dans le civil, alerte l’ex-militaire. On ne connaît pas les partenaires sociaux, le salaire, l’investissement personnel est différent. » Pour l’entreprise par contre, embaucher un ancien militaire est une aubaine car ils ont généralement de la discipline, la culture de l’entreprise et de la collectivité.
Marius occupe désormais le poste de responsable de la sûreté opérationnelle dans un port, d’abord d’un bassin et maintenant de l’ensemble des équipes et prestataires. Son expérience dans l’armée l’a évidemment aidé : « tout ancien militaire se sert de ce qu’il a appris », et si une fois revenu dans le civil, sa vie n’est plus en danger, il a toujours à cœur de savoir comment réaliser l’objectif.
L’ancien commando a aussi créé l’association « Marius Team Combat » dans laquelle il donne des cours chaque mardi soir dans son dojo (préparation physique et mentale, self-defense…) Il organise aussi parfois des stages d’aguerrissement le week-end. Ceux-ci sont mixtes, ouverts à tous dès 16 ans, et propose des exercices de franchissement, de topographie, du sport et « quelques surprises », explique Marius sans trop en dévoiler. Les bénéfices de ces stages sont reversés à des associations, souvent d’aide aux blessés de guerre mais parfois aussi à d’autres (sourire à la vie, mucoviscidose…)
Ses participations à des émissions de télévisions
Marius était avec son éditeur quand celui-ci lui annonce qu’une boîte de production souhaite le rencontrer pour évoquer un projet. Studio 89, qui dépend de M6, explique alors qu’ils ont acheté les droits d’exploitation d’une émission anglaise dans laquelle des jeunes délinquants participent à une formation militaire, et ont l’occasion d’être breveté para s’ils tiennent jusqu’au bout, voire même de s’engager dans l’armée. Le studio ajoute qu’en France, une telle émission ne passerait pas, mais qu’ils ne savent pas comment l’adapter. Marius propose d’écrire un programme de 15 jours, basé sur les classes du service militaire, et qui sera accepté par la boîte. Lors d’un deuxième rendez-vous, Studio 89 propose à l’ancien béret vert de tenir le rôle principal de l’instructeur, ce qu’il refuse par « manque de temps et d’intérêt ». Il est finalement convaincu par une autre personne de la boîte, qu’il juge « honnête et très sain pour quelqu’un de la télévision », mais accepte à ses conditions : « je fais ce que je veux, personne ne peut me dire de changer telle phrase ou autre chose. Je manage comme je veux, et je prends eux anciens camarades avec moi. » Studio 89 accepte, valide le process, et le tournage de « Garde à vous ! » débute, avec deux équipes pour pouvoir tout filmer (5h13h et 13h-21h) Marius bénéficie d’une très grande liberté, « à aucun moment ils ne m’ont dit de stopper. Le régisseur était un super mec, opérationnel », relate-t-il. Les briefings étaient très rapides et permettaient juste de savoir comment placer les caméras. Marius tient à préciser que « les gens disent télé-réalité, mais oui, c’est la réalité. On n’a triché sur aucun truc. » Les jeunes en immersion ont même fini par oublier les caméras : « au bout d’une semaine ils sont à nous, ils font abstraction des caméras, ils sont complètement immergés dans le service militaire. Et à la fin quand ils nous remercient, il n’y a rien qui a été préparé [par M6] » Il reconnaît que les participants n’ont pas été choisi au hasard : « mais c’est la base de la télévision : vous mettez un black, un homosexuel, un fils de bonne famille, un qui se prend un peu pour un caïd, comme ça ils [la boîte de prod] pensent qu’ils vont avoir des tas d’étincelles. Sauf que nous ça s’est bien passé. Ils étaient venus pour la télévision, pour se montrer, sauf qu’à la fin il n’y a plus rien de tout ça. »
Suite à ce premier succès, il signe un autre deal avec M6, pour l’émission « Le sens de l’effort » qui se déroule en Bretagne. Dans celle-ci, les participants obtiennent une formation dans le domaine de com0éptence de leur choix, payée par la boîte de production, s’ils vont jusqu’au bout du stage. Marius souligne que ce partenariat avec M6 est le fruit d’un « travail de confiance et d’honnêteté. C’est comme ça que j’aime les choses, et c’est comme ça que ça s’est passé. »
Faut-il revenir au service militaire ?
Marius y serait en tout cas favorable : « c’était un moment important, une étape de la vie chez une femme ou un homme, qu’on ait fait des études ou pas. On mélangeait toutes les classes sociales, les régions, les origines. En fin de compte, ça apprenait l’humilité, à faire son lit, les gardes, les corvées. Et à la fin on en gardait un excellent souvenir. » Il reconnaît toutefois « qu’aujourd’hui, il y a des paramètres qu’on ne peut pas maîtriser, c’est la population et l’évolution. Les gens vivent un peu comme internet : si ça ne leur convient pas, ils passent à autre chose. » Marius déplore que certains principes soient laissés à l’abandon dans notre société actuelle, et qu’on ne sache plus « mettre un coup de pied au cul quand il faut », ni valoriser les individus. Enfin, il ajoute tout de même que pour lui, si certains ont besoin d’une « claque à un moment » pour se remettre dans le droit chemin, comme lui a vécu dans sa jeunesse, d’autres cas sont désespérés, et ceux qui sont capables de commettre des meurtres sont définitivement perdus.
Dernier conseil
« Il n’y a pas de mauvais élèves, il n’y a que des mauvais professeurs. On me l’a dit souvent. Ça vous remet de suite en question sur pleins de choses. », assure l’ancien instructeur qui dit avoir eu une scolarité médiocre malgré un bon potentiel. Il souligne également l’importance de montrer l’exemple, car « c’est le meilleur moyen d’influence, ça m’a permis de m’élever car je voulais ressembler à mes ceux qui m’ont donné. » Enfin, Marius conclut : « il faut savoir saisir les opportunités du moment qu’elles sont dans une philosophie d’honnêteté et d’intégrité. Des fois on a une petite fenêtre qui s’ouvre, et on hésite. Mais les doutes font partie de la vie, ils permettent d’évoluer et de se construire. Et ce n’est pas un échec qui va vous pénaliser, au contraire ça vous aide à rebondir et a travailler sur autre chose pour avancer. »