Missiles antichars, canons Caesar ... Que deviennent les armes françaises envoyées en Ukraine ?

Missiles antichars, canons Caesar ... Que deviennent les armes françaises envoyées en Ukraine ?

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Dès les premiers instants du conflit, les pays de l'OTAN apportent une aide précieuse à l'Ukraine. Dans un premier temps, cette assistance était principalement constituée de sanctions financières. Elles ont visé des oligarques russes, des banques et enfin l'ensemble de l'économie. Ces derniers jours, c'est la toute-puissance du pétrole russe qui est remise en cause. Seule la Hongrie de Victor Orban continue de bloquer l’entrée en vigueur d’un embargo. Cependant, comme le rappelait Jean-Yves Le Drian le 25 février à la suite d'une réunion avec ses homologues à Bruxelles, les sanctions économiques "ne suffiront pas pour étouffer le système". Les puissances otaniennes sont donc vite passées à la vitesse supérieure en livrant de l'aide humanitaire ainsi que des armes lourdes en Ukraine. Ce mardi 10 mai, un convoi contenant des ambulances tout-terrain, du matériel de lutte contre les incendies ainsi que 40 000 repas a quitté l'hexagone.

 

Concernant les armes, la France ne communique que très peu à ce sujet pour des raisons stratégiques. Le député Alexis Corbière qui avait révélé le 9 mars que la France livrait des "gilets pare-balles et quelques missiles antichars", avait d'ailleurs été accusé par la majorité d'avoir violé le secret défense. « Communiquer sur ce que nous envoyons à l’Ukraine, c’est communiquer sur ce dont l’Ukraine a besoin et donc, c’est communiquer y compris à la Russie sur ce qui manque à l’Ukraine dans cette guerre. Et donc, en responsabilité, nous avons fait le choix de ne pas communiquer sur cette liste » justifia Gabriel Attal, le porte-parole du gouvernement. Un peu plus d'un mois plus tard, les quotidiens Le Monde et L’Opinion apportent de nouvelles précisions, ils révèlent que les livraisons faites aux militaires ukrainiens comprenaient des missiles français Milan, Mistral ainsi que des Javelin, achetés aux Américains lors de la guerre d'Afghanistan. Il a fallu attendre le 13 avril et un communiqué de presse du ministère de la défense pour obtenir une première version officielle. Ce document révèle que l'assistance française était alors constituée de "moyens de protection, d’équipements optroniques, d’armements, de munitions et de systèmes d’armes répondant aux besoins exprimés par l’Ukraine", pour un montant s'élevant "à plus de 100 millions d’euros". Quelques jours plus tard, dans une interview accordée au journal Ouest France, Emmanuel Macron confirme la fourniture de missiles antichar Milan et annonce, pour la première fois, la livraison de canons automoteur de 155mm CAESAR. Repoussant ainsi un peu plus loin, selon ses mots, la “ligne rouge qui consiste à ne pas devenir cobelligérants".

Rzeszow : le hub logistique de la guerre en Ukraine

L’Ukraine n’est pas à l’autre bout du monde, cependant, y envoyer une telle quantité de matériel représente un défi de taille. Depuis la fermeture de l’espace aérien Ukrainien le 24 février, un véritable balai de C-130H Hercules, A400M Atlas et autres avions de transport est en cours au-dessus de l’aéroport de Rzeszow en Pologne. C’est ici qu’atterrissent l’ensemble des armes françaises envoyées sur le front. Relié à Lviv, à l’extrême ouest de l’Ukraine, par 150 km d’autoroute, le modeste aéroport (international tout de même) représente aujourd’hui un endroit hautement stratégique. Il est donc très bien protégé grâce à de nombreuses batteries de missiles MIM-104 Patriot américains.

 

Le missile antichar Milan

Les premiers missiles Milan sont arrivés en Ukraine entre le 28 février et le 3 mars, c’est ce que nous apprend une source diplomatique interrogée par le journal Le Monde. Par ailleurs, la France n’est pas la seule à avoir fourni le missile franco allemand à l’Ukraine, l’Italie a fait de même, le 28 février également. Sur le terrain, il est donc impossible de faire la différence entre un missile provenant de France ou d’Italie.

Une dizaine de jours plus tard, un reportage de CNN diffusé le 12 avril montre pour la première fois des missiles Milan en Ukraine. Dans cet extrait, diffusé par le média Ukrainien Militarnyi, on peut voir l’ancien colonel des Marines Andrew Milburn former des membres des forces spéciales ukrainiennes à l’utilisation du Milan.


Le vétéran américain est aussi le PDG de The Mozart Group, une société militaire privée créée début avril dans le but de proposer des formations militaires aux civils ainsi qu’aux militaires Ukrainiens.

D’une grande précision et d’une puissance suffisante pour percer de nombreux blindages, cette génération de Milan reste tout de même un modèle vieillissant fabriqué il y a un demi-siècle. Il souffre par ailleurs d’un défaut majeur pour les forces Ukrainiennes : sa portabilité. En effet, il ne peut être tiré que depuis un poste de tir de plus de 16kg.

Cette vidéo est la seule utilisation documenté du Milan disponible à ce jour.



S’approprier le matériel


Dans une logique de guerre asymétrique, qui donne du fil à retordre aux plus grandes puissances mondiales, l’armée ukrainienne utilise depuis le début du conflit la stratégie du Hit and Run. Cette tactique consiste à combiner attaques surprises et déplacements fréquents pour ne jamais entrer en confrontation directe avec l’ennemi. Elle permet à l’Ukraine de résister plus que jamais aux attaques des forces russes. C’est dans cette logique que sont utilisés les Mistral français.

La France n’est pas la seule à avoir fait don de ce type de missile à l’Ukraine. En effet, le gouvernement norvégien a annoncé, le 20 avril, l’envoi d’une centaine de Mistral sur les 400 achetés à Matra (devenu MBDA) dans les années 90’. Les missiles sol - air ont rapidement été adaptés à la stratégie ukrainienne.

Ils ont été montés sur des Pick-up Fiat Fullback fournis par l’ONG ukrainienne Come Back Alive. Ce type d’installation très mobile permet aux forces ukrainiennes de lutter contre les hélicoptères et les drones Russes tout en gardant une très forte capacité de déplacement.


Un soldat ukrainien détruit ce qui semble être un drone Orlan 10, très utilisé par les forces russes, à l’aide d’un missile multi-rôle LMM produit par la branche anglaise de Thales. Détruire un maximum de drones russes représente un avantage considérable pour les forces Ukrainiennes. En effet, depuis l’échec de la prise de Kyiv, la guerre en Ukraine a pris un nouveau tournant à l’est où les drones Orlan 10 servent à repérer et donc détruire les batteries d’artillerie devenues les pièces maîtresses du conflit.

Le canon auto moteur de 155mm CAESAR 

Depuis un mois maintenant l’armée russe affiche un nouvel objectif principal, la prise du Donbass à l’est de l’Ukraine. Fidèle à la doctrine du rouleau compresseur, les forces russes font tomber une véritable pluie d’obus sur les régions de Donetsk et de Louhansk. Le 22 avril, dans ce contexte où l’artillerie joue un rôle clef, Emmanuel Macron révèle que des canons CAESAR ainsi que des milliers d’obus sont en cours de livraison en Ukraine. Ce n’est d’ailleurs pas un hasard si, la veille, son homologue américain Joe Biden annonce quant à lui l’envoie de 72 obusiers M777.

D’une portée de 42 km et d’une cadence de 6 à 8 coups par minute, le CAESAR est principalement reconnu pour sa très grande précision. Le canon de 155mm est monté sur un camion 6x6 pouvant atteindre 50km/h en tout terrain. En outre, il lui faut moins d’une minute pour se mettre en oeuvre et moins de 40 secondes pour quitter son emplacement. Ce sont là les qualités qui seront les plus utiles aux artilleurs ukrainiens. En effet, la grande mobilité du CAESAR colle parfaitement à la stratégie de l’armée Ukrainienne : tirer puis se déplacer rapidement pour éviter d’être repéré par l’ennemi.

Après leur arrivé à l’aéroport de Rzeszow, les systèmes d’artilleries CAESAR ont dû parcourir plus de 1 400 kilomètres pour arriver dans l’est de l’Ukraine. Pour le moment, aucun document fiable ne permet d’affirmer que les CAESAR, entre 8 et 12 selon les sources, sont entrés en fonction dans le Donbass. Cependant, leur arrivée probable, ainsi que celle des obusiers américains coïncide avec les récents succès de l’artillerie ukrainienne.

Le 8 mai, les forces russes tentent de traverser un pont construit le jour même au-dessus du fleuve Donets pour prendre à revers les régiments ukrainiens défendant Kramatorsk. Un drone permet à l’artillerie ukrainienne d’anticiper leur attaque et de détruire plus de 80 véhicules.

Nul ne sait si les armes françaises envoyées en Ukraine ont pu jouer un rôle déterminant, toujours est-il que depuis quelques jours, la ligne de front n’avance que très peu, et ce malgré les efforts intensifs des forces russes. À certains endroits, l’armée ukrainienne reprend même du terrain à l’occupant comme aux alentours de kharkiv ou de Mykolaïv.


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