Les Forces françaises stationnées à Djibouti
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Depuis 130 ans, des forces armées françaises sont présentes à Djibouti, petit pays de la corne de l’Afrique, et ancienne colonie. En 1977, bien que la République de Djibouti soit créée et prenne son indépendance, une présence militaire demeure. Les FFDj, forces françaises stationnées à Djibouti, représentent aujourd’hui la plus grande présence militaire française (hors OPEX) sur le continent africain, et assurent de nombreuses missions. Outre une réserve opérationnelle au service du chef d’Etat-major des Armées, les FFDj bénéficient également d’un terrain d’entraînement très spécifique.
Texte et photos : Emeline Boutry
Présentation générale des FFDj
Les Forces françaises stationnées à Djibouti sont les héritières d’un long passé historique au sein duquel la France et la République de Djibouti ont développé des liens forts, qui se distinguent aujourd’hui encore par une coopération poussée entre les deux nations.
Historique des FFDj
De 1896 et jusqu’en 1977, Djibouti était une colonie française appelée la Côte françaises des Somalis puis le Territoire français des Afars et des Issas.
La Légion Etrangère est présente à Djibouti entre 1962 et 2011, et participe pendant presque 50 ans à des missions aussi bien militaires qu’humanitaires. Ainsi, la 13e DBLE (Demi-brigade de Légion étrangère), implanté au quartier Général Monclar, forme des militaires somaliens et ougandais, prend part à diverses opérations (Turquoise au Rwanda, en 1994 ; Licorne en République de Côte d’Ivoire en 2022) et aide les populations locales par des travaux d’infrastructure (réhabilitation d’une maison des femmes, aménagement d’une cour d’école…) En 2011, la Légion Etrangère quitte Djibouti pour les Emirats Arabes Unis.
Peu de temps après la Légion étrangère, en 1965, le 57e RIAOM (régiment interarmes d’outre-mer) arrive à Djibouti et y restera jusqu’en 1969. Cette année-là, le 5e RIAOM est créé et lui succède.
L’armée de l’Air quant à elle est présente à Djibouti depuis 1932 avec la création d’une escadrille de la Côte française des Somalis. Les avions de chasse Mirage s’établissent en 1978, rejoints dans les années 2000 par un avion de transport tactique C-160 Transall et des hélicoptères Puma et Fennec.
En 1977, la République de Djibouti déclare son indépendance. Par la signature d’un accord de défense, les forces militaires françaises restent toutefois sur le territoire afin de garantir la souveraineté du nouvel Etat face à ses voisins envieux de ses ressources. Une zone de responsabilité permanente (ZRP) est aussi créée pour étendre la zone d’action et de surveillance de la France sur l’ensemble de la corne de l’Afrique. Le traité est renouvelé en 2011, et deux ans plus tard en 2013 un Livre blanc de la défense et de la sécurité nationale définit Djibouti comme une zone de présence stratégique.
Un positionnement stratégique
L’emplacement des Forces françaises stationnées à Djibouti découle de l’histoire coloniale de la France mais relève aussi d’un choix stratégique. Djibouti est en effet un carrefour économique et énergétique, située face au détroit de Bab-el-Mandeb, le quatrième passage maritime mondial pour l’approvisionnement en pétrole. Ce territoire donne accès à la zone de responsabilité permanente par voie terrestre, et est une entrée vers l’indo-pacifique par voie maritime. Si le pays est stable dans une région sous tensions (guerre et/ou terrorisme chez ses proches voisins : Yémen, Erythrée, Somalie notamment), les nombreux enjeux commerciaux, maritimes, numériques, migratoires ou énergétiques sont autant de facteurs crisogènes pouvant menacer sa sécurité, et même la stabilité mondiale. C’est pourquoi, outre la France, d’autres nations s’implantent à Djibouti (Etats-Unis, Chine, Italie…)
Effectifs actuels
Les effectifs des militaires français à Djibouti ont progressivement baissé depuis la fin des années 1980. En 1978, il y en avait 4 300, puis 2000 au début du siècle. Aujourd’hui, les Forces françaises stationnées à Djibouti comptent 1490 militaires et civils de la Défense.
La spécificité des FFDj repose sur la présence à Djibouti des trois composantes Terre/Air/Mer de l’armée Françaises. L’armée de Terre représente la majorité des effectifs avec 805 soldats (54% des FFDj). L’armée de l’Air et de l’Espace compte 500 aviateurs (35%) et la Marine Nationale 134 marins (9%). Une dizaine de civils de la Défense (2%) complètent le dispositif. Enfin, 900 Djiboutiens sont employés par les FFDj, dont 600 en tant que personnel civil de recrutement local (PCRL).
La composante Terre des FFDj : le 5e RIAOM
Le 5e régiment interarmes d’outre-mer (5e RIAOM) est le seul régiment terrestre des FFDj, dont la particularité repose sur les moyens interarmes dont il dispose, et lui permettant de mener des missions variées.
Composition du 5e RIAOM
Le 5e régiment interarmes d’outre-mer est composé de cinq grandes unités :
- La Compagnie de commandement et de logistique (CCL) : composée notamment de l’état-major, des transmissions, du CECAD et de la maintenance.
- La 1e compagnie d’infanterie : composée de spécialistes du combat débarqué et du contrôle du milieu ; elle est dotée de 17 véhicules de l’avant blindé (VAB), de missiles moyenne portée et de mortiers.
- Le 3e escadron blindé : composé de pelotons blindés et de reconnaissance/intervention ; il est doté de 9 char AMX 10 RC et de 15 véhicules blindés légers (VBL).
- La 6e compagnie d’appui : composée de spécialistes du génie et de l’artillerie; elle est doté de neuf VAB, quatre mortiers de 120mm et quatre CAESAR (camion équipé d’un système d’artillerie)
- Le DETALAT (détachement de l’aviation légère de l’armée de Terre) : composé d’une escadrille d’hélicoptères et d’une section maintenance ; il est doté de trois Gazelle et de quatre Puma.
Missions du 5e RIAOM
Les missions du 5e régiment interarmes d’outre-mer s’articulent autour de trois grands axes : combattre, stabiliser, soutenir.
Les soldats du 5e RIAOM ainsi que leurs matériels peuvent être et ont déjà été déployés sur des théâtres d’opérations : opérations Totem et Godoria (Ethiopie et Djibouti, 1991), opération Oryx (Somalie, 1992), opération Sangaris (République Centrafricaine, 2014), opération Barkhane (bande sahélo-saharienne). Leur présence au sein de la zone de responsabilité permanente contribue aussi à la protection des 7800 ressortissants français de cette région de l’Afrique de l’Est.
Le 5e RIAOM participe à la stabilisation de cette ZRP grâce à des patrouilles mixtes avec des soldats djiboutiens, la formation d’unités étrangères (notamment locales) et l’intégration d’unités alliés telles que des sections américaines.
Enfin, les instructeurs du 5e RIAOM, notamment ceux du Centre d’entraînement au combat et d’aguerrissement au désert (CECAD), forment chaque année environ 45 sections françaises et étrangères, soit près de 2000 stagiaires.
Le CECAD
Le Centre d’entraînement au combat et d’aguerrissement au désert de Djibouti profite de cet environnement particulier pour former et aguerrir les militaires : c’est l’école du désert. Plusieurs cursus sont dispensés, autour de trois axes. Le combat interarmes fait intervenir des unités variées (artillerie, cavalerie, génie, infanterie…) La connaissance du territoire permet de mieux appréhender le pays, la ZRP, l’environnement, les partenaires militaires locaux, et de rayonner grâce à des actions civilo-militaires (rénovation d’une école…) L’aguerrissement se fait en majeure partie par le milieu en lui-même (conditions de terrain, climatiques…)
Les trois quarts des stagiaires sont des militaires français, et une majorité d’entre eux sont en mission à Djibouti, avec un passage préalable obligatoire au CECAD pour s’aguerrir et être formé au combat en zone semi-désertique.
Un quart des stages sont au bénéfice d’unités étrangères, quelques-unes américaines mais surtout djiboutiennes.
Situé à Arta, à une cinquantaine de kilomètres de la capitale, le CECAD a des types de terrains variés (montagnes, désert, mer) pour proposer des exercices qui le sont tout autant : parcours d’obstacles nocturne, parcours nautique, combat, parcours d’audace (sur la célèbre « Voie de l’Inconscient »)
La composante Air : la base aérienne 188
La base aérienne 188 de Djibouti (BA 188) est une plateforme aux multiples missions, unique par la présence simultanée de capacités de chasse et de transport.
Composition de la BA 188
La base aérienne 188 comporte la structure classique d’une base aérienne, avec son commandement, le Groupement appui à l’activité (GAA) et divers bureaux de soutien et logistique (ressources humaines, coordination sécurité protection, maitrise des risques).
Elle accueille deux unités navigantes : l’escadron de chasse 3/11 « Corse » doté de quatre Mirage 2000-5 et l’escadron de transport 88 « Larzac » doté d’un Casa CN 235-200 et de trois Puma SA330.
Missions de la BA 188
L’une des principales missions des aviateurs de la base aérienne 188 est de veiller à la protection de l’espace aérien djiboutien, en lien étroit avec les autorités civiles et militaires locales. Cette mission de police du ciel est assurée par les Mirage 2000-5 armés de missiles MICA (Missile d’interception, de combat et d’auto-défense) et d’un canon de 30mm. L’espace aérien est surveillé 7j/7, 24h/24, et les avions de chasse se tiennent prêts à décoller à la moindre alerte pour identifier et agir (arraisonner ou porter assistance à un aéronef).
L’escadron 88 « Larzac » quant à lui effectue notamment des missions de transport dans l’ensemble de la ZRP, mais aussi d’évacuations médicales, de recherche et sauvetage, d’appui aux forces opérationnelles : mission tarpon (déploiement de commandos marine en pleine mer) et posés sommaires pour l’avion de transport tactique Casa, aérolargage pour les Puma.
Enfin, la base aérienne 188 est aussi une plateforme d’appui et de logistique pouvant accueillir des détachements français ou européens dans le cadre d’exercice.
Une zone d’entraînement
Tout comme pour le CECAD, l’armée de l’Air et de l’Espace dispose avec cette base aérienne à Djibouti, d’un terrain d’entraînement idéal pour ses pilotes. La nature de l’environnement (désert, montagne, maritime) et la grande liberté laissée par le gouvernement djiboutien, permet aux pilotes de réaliser des actions qu’ils ne pourraient pas exécuter en France : vol à très basse altitude, à très grande vitesse (parfois à plus de 1000km/h à seulement 80 mètres du sol). Il leur permet aussi d’acquérir plus rapidement des connaissances et des compétences sur ce milieu, très similaire à celui qu’ils retrouveront sur les théâtres d’opérations extérieures actuels.
La composante Mer : la base navale à Djibouti
La composante maritime des Forces françaises stationnées à Djibouti se compose d’un état-major et de la base navale du Héron, au nord de la capitale.
Missions de la base navale
La base navale française à Djibouti est le seul port de la capitale pouvant accueillir des bâtiments militaires (pour le moment en tout cas, la Chine étant en train de construire son propre port), qu’ils soient donc français ou étrangers. Point d’appui logistique, elle met en œuvre le ravitaillement des navires que ça soit en carburant, en vivres ou en matériaux.
Les unités de soutien et de logistique
Dicom : direction du commissariat
GSBFFDJ : groupement de soutien de la base des FFDj
Permettent à la force de fonctionner au quotidien en agissant dans le domaine du soutien non spécialisé.
DIASS : direction interarmées du service de santé, garantit le soutien médical et chirurgical du personnel militaire et civil des FFDj et de leurs familles.
SIMu : détachement du service interarmées des munitions aupres des FFDj, met a disposition des forces présentes ou de passage des munitions de toute nature et assure aux utilisateurs la sécurité d’emploi de celles-ci.
DID : direction de l’infrastructure de la Défense, en charge du patrimoine immobilier des FFDj à travers les réhabilitations et les constructions de batiments ainsi que l’entretien et la maintenance des installations et le soutien en énergie.
DSEA : direction du service des essences des armées des FFDj, et chargée de l’approvisionneent, du sotckage, du transport et de la distrubition des carburants et prduits dérvés.
DIRISI :direction interarmées des réseaux d’infrastructure et des systemes d’informations, assure l’appui des FFDj et des unités de passage dans le domaine des systèmes d’information et de communication.
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