Entreprendre dans l’univers de la Défense avec Erwan Grimaud de MC-Clic

Bienvenue dans Defense Zone, le Podcast qui traite des questions de défense et de sécurité à travers des entretiens avec des militaires, des membres des forces de l'ordre, des personnalités politiques, ou encore des entrepreneurs.

L'objectif de cette émission audio disponible sur toutes les plateformes en ligne de Podcast est d'ouvrir au grand public les portes d'un univers d'ordinaire plutôt secrets, dans le but de donner à réfléchir à des questions qui nous concernent tous, quelles soient politiques, géopolitiques, économiques ou plus largement sociétales.

Dans ce nouvel épisode, nous prenons la direction de Monaco, et nous partons à la rencontre d'Erwan Grimaud, fondateur de la société MC-Clic. Cette société monégasque est spécialisée dans la conception et la vente de drones aussi bien aériens que terrestres ou marins. Erwan nous parlera en détail de son impressionnant parcours d'entrepreneur ainsi que du marché du drone (et de l'anti-drone) dans le secteur de la Défense et de la sécurité.

Présentation d’Erwan Grimaud

Erwan a d’abord commencé des études de biologie. Intéressé par les nanotechnologies, il voulait construire des nanorobots pour combattre le cholestérol ; le projet n’a toutefois pas intéressé en France. Amateur de drone et de modélisme, il construisait et améliorait ses propres modèles. Erwan raconte que son grand-père était passionné de photo et lui a conseillé de fixer un appareil en-dessous d’un aéronef. C’étaient alors les débuts des premiers drones munis de caméras, et les origines de MC-Clic, qui a commencé dans un garage avant de développer ses ateliers.

Erwan et ses équipes réalisent des prises de vue aériennes, puis « de fil en aiguilles », explique-t-il, « on en est venu à faire des drones pour les pompiers, à faire de la reconnaissance, et de la recherche de personnes disparues. » L’ascension se poursuit, MC-Clic fournit désormais d’autres entités institutionnelles et a intégré le Club de l’Arbalète, qui lui permet d’être reconnu comme un fournisseur des forces spéciales. « C’est un honneur pour moi de travailler pour certaines unités françaises », ajoute le Monégasque.

Les produits du groupe MC-Clic

MC-Clic a la particularité de concevoir et de vendre à la fois des drones et des anti drones.

Les drones

Aujourd’hui, le groupe MC-Clic fournit trois types de drones : des drones volants (fabriqués dans leurs locaux ou améliorés sur une base de drone DJI, Boston Dynamics etc), des drones terrestres (robot chien, robot araignée…) et des drones aquatiques.

MC-Clic réalise par exemple des shows aux drones grâce à un essaim pouvant compter jusqu’à 1000 drones en simultané. Ils sont utilisés dans le cadre civil pour remplacer un feu d’artifice par exemple. Chaque drone est codé pour suivre un programme automatiquement. Un essaim peut aussi être piloté par un leader, avec un maximum de 50 drones. Les drones utilisés dans les essaims sont une fabrication 100% MC-Clic ; ils pèsent chacun 300 grammes et volent jusqu’à 25 minutes quelle que soit les conditions météorologiques.

MC-Clic procure également aux forces de sécurité monégasques de petits drones de reconnaissance. Tenant dans une poche, ceux-ci peuvent être déployé très rapidement et ne nécessite que trois heures de formation à leur opérateur. Avec une structure tropicalisée (résistance à l’eau) et renforcée, ainsi qu’une vitesse de 25km/h, ces aéronefs sont utilisés pour « aller chercher un forcené ou récupérer des infos », précise Erwan.

Le fondateur de MC-Clic souligne ensuite l’importance de construire des drones résistants et robustes : « la philosophie de MC-Clic, c’est que ce n’est pas juste un drone. C’est un outil. Il faut en prendre soin, il faut le ranger pour qu’il fonctionne, mais il peut se casser la gueule, s’éclater contre un mur, on peut le balancer par une fenêtre. Il doit être endurant. » Pour ça, les soldats des unités militaires sont de bons testeurs.

L’anti drone

Erwan est l’un des seuls à construire des drones et des anti drones ; la plupart des fabricants font soit l’un soit l’autre. C’est pourtant un point important selon lui de connaître les deux systèmes. « Si on fabrique de l’anti drone, il faut être excellent en drone », explique-t-il en comparant ce domaine à celui des voitures de course : un pilote connaît sa machine par cœur, fait lui-même certains réglages, bien qu’un mécanicien prépare le véhicule. « Pour l’anti drone c’est pareil, il faut connaître la mécanique du drone, le système », pour pouvoir le contrer. Et même ainsi, un système anti drone ne couvre pas la totalité des menaces : « la sécurité absolue dans la détection et la neutralisation des drones, à l’heure actuelle, n’existe pas. Aucun système n’est efficace à 100%. Le seul moyen d’avoir une détection la plus sûre possible, mais pas imparable, est de combiner les systèmes : radar, optronique, détection acoustique… pour éviter les faux positifs. »

Les évolutions dans la robotique

Si MC-Clic a commencé il y a dix ans dans un garage, aujourd’hui l’entreprise a bien grandie, et de nombreuses avancées technologiques ont eu lieu, que ce soit en robotique ou en miniaturisation. De son côté, Erwan a développé la fabrication et la réparation de drone grâce à l’impression 3D.

Les robots humanoïdes

S’ils sont largement présents dans la science-fiction, les robots humanoïdes créeront, selon Erwan, un malaise lorsqu’ils seront vraiment opérationnels, et poseront également des questions éthiques lorsqu’ils seront armés. Il rassure toutefois : « on n’y est pas encore, on n’est qu’aux balbutiements du déplacement autonome. Il y aura vraiment une avancée immédiate, on passer dans le monde de la vraie science-fiction, le jour où on aura la puissance de calcul nécessaire miniaturisée. Parce que c’est ça le secret. » Le créateur de MC-Clic estime aussi que ce n’est pas forcément l’avenir de son entreprise de fournir des robots humanoïdes armés, que ce n’est en tout cas « pas une volonté immédiate » ni « dans notre politique interne. » Le groupe s’orienterait davantage vers des robots humanisés aidant les pompiers à secourir des victimes, ou se plaçant en première ligne à la place des policiers.

L’importance des retours d’expérience

Les unités utilisatrices de leurs drones font régulièrement des retours d’expériences à MC-Clic. L’équipe peut ainsi prendre en compte leurs remarques pour améliorer le produit. Erwan cite en exemple son robot araignée, qui, au début, ne savait pas se remettre sur ses pattes après une chute dans les escaliers par exemple. De nombreux calculs ont dû être réalisés par son équipe pour le robot analyse, calcule l’angle pour retrouver son équilibre etc. « Tant qu’il y a un humain derrière qui pilote, c’est à peu près simple. C’est la prise de décisions [par la machine] qui est compliquée. » Et même lorsqu’un pilote est aux commandes, il faut que l’ingénieur réussisse à les simplifier, pour ne pas mettre le pilote face à 50 boutons dont il ne se souviendra pas : « ce qui est compliqué, c’est de faire quelque chose d’ultra technologique, qui a énormément de capacités, et d’être capable de simplifier cette commande pour qu’elle soit à la portée de n’importe qui », ajoute Erwan.

L’exportation à l’internationale

Erwan reste très vague sur les parts de marché entre Monaco et le reste du monde : « une grande part à l’internationale, et une grande part monégasque ». Il précise que Monaco étant un pays non laïque et avec un fort lien avec la France, il existe un « embargo total sur tous les pays qui pourraient être liés de près ou de loin à du terrorisme, ou liés de près ou de loin contre la France ; ce qui émet une liste de pays assez énorme. »

L’entreprise fait aussi attention à commercialiser des produits non catégorisés armement, qui sont soumis à davantage de réglementations. Par exemple, le drone aidant au brechage vient simplement apposer la « colle » qui servira à fixer le système explosif, mais ne pose pas le système entier. MC-Clic collabore avec la Direction générale de l’armement et les ministères français et monégasques afin de ne pas faire d’erreurs : « on est obligé de contrôler et de vérifier, et on ne veut pas entrer dans ces biens à double usage et ce type de catégorisation car ce n’est pas intéressant. »

Un usage du drone plus intense dans les conflits

Erwan remarque une utilisation de plus en plus intensive du drone dans les conflits, comme par exemple les drones kamikazes ou ceux larguant des lacrymogènes.

Il prédit que ce phénomène sera de plus en plus intense, les Anglais ayant déjà annoncé vouloir remplacer des soldats par des armées robotiques d’ici 2025 pour faire face à leurs problèmes de recrutement et de coûts de formations. Il souligne que l’usage des drones s’étend de plus en plus, que ça soit sur les théâtres de guerre (bomberdement, renseignement, drone mule…) mais aussi les usages civils de secours (reconnaissance de l’incendie de Notre-Dame, récupérer des gens dans une zone contaminée, livraison de médicaments dans certains pays d’Afrique…). Pour le moment ces drones sont pilotés, mais bénéficient d’une « certaine intelligence », à l’image d’un drone ayant visé et neutralisé automatiquement une cible : « même si le code a été créé par un ingénieur, il a quand même engagé la manœuvre », précise Erwan. On retrouve aussi l’assistance technologique dans les avions de chasse, qui vont tendre de plus en plus au pilotage automatique, ce qui est existe déjà dans l’aviation civile.

Trouver l’inspiration

Erwan n’est pas un grand fan de film, mais achète par contre de nombreux jeux-vidéos. Il y voit des « choses inspirations sur le design. Sur l’usage, pas forcément. Mais ça donne des idées sur le futur », explique le créateur d’un chien robot qui a rappelé le film « La guerre des mondes » à de nombreux visiteurs du Sofins, un salon dédié aux forces spéciales. Pour lui, les deux milieux, militaire et de science-fiction, s’influencent mutuellement.

Dans son cas, Erwan a aussi été inspiré par son attrait pour la biologie et notamment les mygales qu’il adore et qui possèdent de nombreuses qualités : sonorité quasi nulle, araignée terrestre (déplacement, bonds), détection des mouvements, détections des vibrations avec ses poils… Il s’en est donc inspiré pour construire son araignée robot, qu’il continue d’améliorer. Pour cela, le zoo de Monaco lui prête même une tarentule femelle que lui et son équipe peuvent observer : « si tu veux fabriquer une araignée robotique, il faut regarder comment elle marche. Les vidéos c’est sympa, mais en étudier une vraie, c’est mieux. » Il s’inspire donc de la nature… mais le serpent ne fera pas partie du programme de MC-Clic, un tel projet étant complexe, et les équipes n’étant pas spécialement fan de cet animal.

Conseil pour monter son entreprise au service de la Défense

Erwan insiste sur le fait qu’il « faut aller jusqu’au bout de ses rêves, quel qu’en soit le prix », ne rien lâcher même si on reçoit beaucoup d’avis négatifs et que beaucoup de personnes pensent que c’est une mauvaise idée. Il reprend la devise du 1^er RPIMA : « qui ose, gagne ».

« Il y aura des échecs, des moments de doutes. Tout entrepreneur, tout salarié, toute personne connaît des hauts et des bas, des difficultés », Erwan prône donc la persévérance et le fait de savoir bien s’entourer. Lui a trouvé une seconde famille au sein de son équipe MC-Clic, où l’entente est bonne et où chacun pousse l’autre à ne rien lâcher. Il souligne aussi l’importance d’être patient, de rester humble car « il y a toujours meilleur que soit », et de savoir se remettre en question. Enfin, il faut « s’éclater » dans son travail, être heureux d’y aller chaque jour. « Si ça devient une corvée, il faut arrêter, c’est que ça ne fonctionne plus.»

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