Commander une compagnie en opex
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Dans l'un des épisodes Premium de notre série sur l'opération Barkhane, nous partons à la rencontre du Capitaine Pierre, commandant d'unité au sein du Groupement tactique désert Chimère. Avec lui, nous allons parler des missions de son GTD sur le terrain, aux confins de la zone des trois-frontières face aux groupes armés terroristes.
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Présentation
Le Capitaine Pierre s’est engagé en 2005 comme sous-officier, et l’a été pendant cinq ans au 1er régiment de chasseurs parachutistes (1er RCP). Après avoir passé le concours militaire interarmes, il choisit l’infanterie et rejoint en 2013 le 8eme RPIMa dans lequel il sert depuis. A la tête d’une section pendant un an, il intègre ensuite les GCP pendant trois ans. Il garde un « excellent souvenir », souligne-t-il, de cette « expérience qui a été très riche » et qu’il considère comme une réelle plus-value, d’autant plus qu’il a réalisé deux opérations extérieures au Sahel avec les GCP. Il devient commandant de compagnie en 2017, et profite de son expérience dans les commandos parachutistes pour transmettre ses connaissances sur la préparation individuelle, et des enseignements pour que chacun de ses hommes soit rigoureux envers lui-même et envers son matériel. Les opérations qu’il mène désormais sont toutefois différentes de ce qu’il a pu vivre auparavant : alors qu’un GCP se fait discret et travaille en effectif réduit, l’officier se déplace désormais en convoi avec un nombre de personnel plus élevé et une autre conduite des opérations.
L’opération Barkhane
Présents au Sahel depuis plusieurs semaines, le Capitaine Pierre et sa compagnie opèrent dans la zone des trois frontières entre le Mali, le Burkina Faso et le Niger.
La mission du GTD
Le groupement tactique désert Chimère, que commande le Capitaine Pierre, a pour mission d’accompagner les forces partenaires dans la lutte contre le terrorisme, dans cette zone des trois frontières. Le GTD apporte son savoir-faire tactique et agit en complémentarité des actions des forces locales. Les dangers sont multiples : engins explosifs improvisés (IED) disséminés dans la région, attaques sur les bases opérationnelles avancées temporaires (BOAT)… Les militaires doivent donc éviter les axes routiers classiques, et ne pas s’attarder trop longtemps au même endroit afin que les groupes armés terroristes (GAT) ne puissent pas avoir le temps d’organiser une attaque. Mais ces derniers ne sont pas les seuls adversaires des militaires, puisque ceux-ci sont confrontés et doivent évoluer dans un environnement hostile. « Il faut savoir y faire face, explique le commandant d’unité, pour lutter efficacement contre les groupes armés terroristes qui connaissent parfaitement le terrain ; c’est leur plus-value par rapport à nous. » Face à cet ennemi, les soldats français doivent donc user « de ruses et de manœuvres imprévisibles pour réussir à le surprendre là où il nous attendra le moins. »
Le Capitaine Pierre commande trois sections ainsi que l’ensemble des renforts alloués (génie, artillerie, forces partenaires…). Au moment de l’enregistrement de ce podcast, l’unité se trouve dans une BOAT (base opérationnelle avancée temporaire), une « sorte de campement sommaire sur le terrain, décrit l’officier, en sécurité, avec une bulle de véhicules qui permet de préserver la sécurité de l’ensemble des personnels. » Cette organisation en cercle a en effet l’avantage de permettre à la fois la surveillance du périmètre et l’entretien du matériel et des hommes (nettoyage de l’armement ou des filtres des véhicules, douche etc.) Déployés dans le désert, les soldats endurent un rythme intense ; l’installation d’une BOAT leur permet donc aussi de « se sentir mieux et repartir le lendemain avec un peu plus d’énergie », déclare le Capitaine Pierre.
S’adapter aux conditions
Les températures pouvant grimper à 50° que ce soit à l’extérieur ou à l’intérieur des véhicules, l’endurance et la résistance des militaires sont mises à rude épreuve. Après quelques semaines sur le terrain, « l’ensemble du détachement commence à être acclimaté. Ça a été plus difficile sur les premières journées en venant de métropole, où les températures sont bien loin de celles auxquelles nous sommes confrontées ici. » Sur ce terrain hostile, l’enjeu est de « tenir dans la durée » jusqu’au bout de la mission. Pour cela, une bonne préparation est indispensable : « un des facteurs clé est la préparation des hommes avant la mission, révèle l’officier. C’est pour ça qu’on s’entraine en permanence en métropole, pour pouvoir être prêt à n’importe quel type de théâtre et n’importe quel contexte. Sur place, ce qui nous permet de tenir et de durer est une unité qui a une bonne cohésion. » Le rôle du chef est aussi de connaître ses hommes afin de savoir identifier les faiblesses ou les temps où le repos est nécessaire pour préserver le personnel et le matériel.
Apprendre à correctement s’entretenir est d’ailleurs une phase essentielle qui se travaille dès la formation et se poursuit lors des préparations opérationnelles, durant lesquelles les soldats apprennent la rusticité et à s’adapter à n’importe quelles conditions. Toutefois, « on ne peut pas être tout le temps a 100%, il faut accepter les phases de remise en condition où on baisse en intensité car le cops est certes une machine mais il faut en prendre soin et il faut savoir s’écouter aussi », ajoute le commandant d’unité.
L’alerte Guépard
Le GTIA Chimère a été déployé lors de l’alerte Guépard. Celle-ci exige qu’en 12h, l’unité soit capable de quitter le quartier avec le matériel afin d’être projeter sur n’importe quel théâtre d’opération. L’officier explique qu’il s’agit surtout d’une préparation logistique et administrative importante, avec un court préavis. Cela se prépare en amont, en anticipant les possibles déploiement, en suivant l’actualité pour connaître les différentes zones et le contexte où ils seront potentiellement projetés.
Le commandement en opération
Sur un théâtre d’opération, il est nécessaire que l’unité ne soit pas fragilisée par des tensions ou la panique. Pour le Capitaine Pierre, cette gestion commence par la confiance que les hommes doivent avoir en leur chef. Il estime que sans confiance, la mission peut être compliquée. L’officier a la chance d’être parti avec des hommes qui le connaissent depuis deux ans, ce qui facilite les bonnes relations. Il attend de ses subordonnées que ceux-ci fassent remonter les éventuels problèmes, afin de pouvoir les écouter et résoudre les difficultés rencontrées. Pour lui, c’est également essentiel de communiquer, expliquer à ses subordonnées les raisons de la mission, la manière d’atteindre les objectifs etc, car il est plus facile « d’aller tous vers l’objectif et de réussir si tout le monde comprend la mission. » Enfin, garder son sang-froid est indispensable : le chef doit être « l’absorbeur de stress, le diffuseur de sérénité », prône le Capitaine Pierre. Car si l’officier panique, cela rejaillira sur ses hommes ; il faut donc « faire l’effort de rester calme ».
Pour l’officier, les opex sont aussi un grand moment de cohésion, renforcée par le fait que la compagnie soit isolée, ensemble, coupée du monde. « Je me rends compte que les hommes sont prêts à aller partout avec moi, et je les emmènerai partout avec moi, parce qu’ils sont fidèles et l’unité est très soudée. J’irai n’importe où avec eux, j’ai une confiance aveugle. Quand j’avance, je n’ai pas besoin de me retourner, je sais qu’ils sont à côté de moi », se réjouit avec fierté le commandant d’unité.
Dernier conseil
Pour le Capitaine Pierre, devenir officier et/ou commandant d’unité doit être avant tout un choix personnel et réfléchi, il ne faut pas juste « suivre les modèles ». Il souligne l’importance d’être « conscient de son potentiel » et de ne pas se sous-estimer. Pour lui, chacun peut arriver à ses objectifs en se donnant les moyens de ses ambitions, sans jamais baisser les bras et en vivant « à fond ses expériences. »
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