Les chiens d'avalanche
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Chaque année, plus de trente personnes sont victimes d’avalanche. Dans ce type d’accident où les chances de survie diminuent rapidement au fur et à mesure que le temps s’écoule, chaque minute est comptée. Les chiens, dont le flair est 15 fois plus développé que l’Homme, est alors un atout indéniable, utilisé depuis des siècles pour le secours en montagne, et plus récemment pour le cas particulier des avalanches. Aujourd'hui, près de 150 binômes cynotechniques sont spécialisés dans cette discipline, qu’ils soient gendarmes, pompiers ou civils.
Histoire des chiens de secours en montagne
Barry, un épagneul des Alpes (race précurseur des Saint-Bernard) est le premier chien connu de secours en montagne. Né en 1800 à l'hospice du Grand Saint-Bernard, entre la Suisse et l'Italie, il a sauvé 40 personnes au cours de sa carrière. Une légende raconte qu'un jour, il sauva un enfant à moitié gelé en le portant sur son dos. Une autre révèle que Barry se serait fait abattre par un soldat perdu en pleine tempête, qui aurait confondu son sauveur avec un loup. Cette légende est toutefois fausse, puisqu'on sait avec certitude que Barry a pris sa retraite à 12 ans et a fini ses jours dans la capitale suisse, où il est mort deux ans plus tard. Son corps empaillé trône désormais au Musée d'histoire naturelle de Berne, en hommage au travail et au courage des chiens de secours. Mais la légende perdure, comme en témoigne l'inscription sur le mémorial qui lui est dédié à l'entrée du cimetière des chiens, près de Paris: "Il sauva la vie à 40 personnes… il fût tué par la 41ème ! "
Un autre chien emblématique est Mohrele, qui retrouva en 1960 le corps d'un prêtre, enseveli depuis un an sous une avalanche. Cette affaire a démontré l'intérêt de former des chiens d'avalanche.
La plus grande évolution dans ce domaine reste le tragique accident au Val d'Isere. En 1970, une avalanche submerge un grand chalet et cause la mort de 39 personnes. Durant le même hiver, d'autres accidents meurtriers sont recensés, et déclenchent la mise en place d'une commission chargée d'étudier la sécurité en montagne. Le 11 octobre 1971, l'association nationale pour l'étude de la neige et des avalanches (ANENA) est créée. C'est, entre autres, elle qui délivre la certification permettant aux maîtres-chiens et aux chiens d'être employés.
Les races de chiens
Comme tout chien de travail, celui d'avalanche doit être joueur car l'apprentissage s'appuie sur le jeu et l'envie du chien de chercher pour obtenir sa récompense. Il doit aussi avoir de bonnes capacités physiques, notamment de l’endurance. Le chien d’avalanche doit aussi être sociable car il sera potentiellement en contact avec le public, ou les autres secouristes. Enfin, il doit savoir faire preuve de concentration pour ne pas être distrait par les autres personnes présentes, l’hélicoptère, les machines etc.
Dans les races privilégiées pour cette spécialité, on retrouve le berger allemand et le berger belge notamment le malinois, des races souvent employées dans d’autres spécialités (mordant, défense, recherche…) pour leurs excellentes aptitudes. Mais le chien d’avalanche peut aussi être un border collie, un labrador, un berger blanc suisse, un beauceron etc. Cependant, contrairement aux idées reçues, le Saint-Bernard n'est plus favorisé pour ce type de mission, étant trop lourd pour les opérations hélitreuillées.
Qui est chargé du secours avalanche ?
L'emploi des chiens d’avalanche et de leur maître est régi par le plan départemental du secours en montagne. Celui-ci fait intervenir, selon le lieu, la gendarmerie (PGM/PGHM: peloton de gendarmerie de montagne/de haute montagne), la police (CRS montagne) et/ou les sapeurs-pompiers (groupe montagne sapeurs-pompiers, parfois groupe d'intervention en milieux périlleux). Découvrez notre article web sur le secours en montagne, ou parcourez ce sujet dans les pages de notre magazine n°5, illustré par des photos en immersion avec les équipes de Chamonix.
Concernant le secours lors d'une avalanche plus précisément, la charge varie en fonction de la zone géographique. Par un plan communal d’organisation des secours sur le domaine skiable, ce type de site est sous la responsabilité du maire, qui lui-même la délègue au directeur de service des pistes par arrêté municipal. La station de ski doit donc employer, entre autres, des maîtres-chiens d’avalanche. Ceux-ci sont des civils possédant leur propre chien et dépendant du département. Ils interviennent donc sur le domaine skiable, toutefois les services de l’Etat peuvent être appelés en renfort uniquement en cas d’alerte grave ou d'événement majeur.
Les zones montagneuses sont sous la responsabilité de l’Etat, car celui-ci possède des moyens humains et matériels plus importants que le maire. Le Préfet met en œuvre le plan départemental du secours en montagne, et fait intervenir des unités spécialisées. Lorsque les infrastructures ne sont pas touchées (forêt…), ce sont les gendarmes qui sont chargés des opérations de secours.
Au contraire, les sapeurs-pompiers sont appelés lorsque l’avalanche touche une zone urbaine (route, bâtiment…)
La formation des équipes d’avalanche
Deux voies existent pour devenir maître-chien d’avalanche, selon le corps auquel celui-ci appartient. La formation du chien quant à elle, varie légèrement mais se base sur les mêmes procédés.
La formation des gendarmes maître-chien d’avalanche
Pour accéder à cette spécialité, le candidat doit avoir fait un an d’école de sous-officiers de gendarmerie, au terme de laquelle il choisit son affectation (brigade, escadron…). Il peut se porter volontaire au bout de deux ans de service, s’il est âgé de moins de 35 ans, est apte médicalement et détient son certificat d’aptitude technique. Comme il évoluera en montagne au même titre que les secouristes du PGM/PGHM, il doit lui aussi détenir son Certificat élémentaire montagne (CEM), son Diplôme de qualification technique montagne (DQTM) et son Brevet de spécialiste montagne (BSM). Toutes ces qualifications sont détaillées dans notre article sur le PGHM.
Si toutes ces conditions sont réunies, le militaire réalise les tests de sélection au Centre national d’instruction cynophile de la Gendarmerie (CNICG) situé à Gramat (Lot): un parcours de huit kilomètres en treillis et rangers puis un 100m avec un sac lesté de 30kg, le tout seul puis une seconde fois avec un chien en laisse. S’il est sélectionné, il poursuit par une formation initiale de 14 semaines, toujours au CNICG, pendant laquelle les instructeurs lui attribuent un chien en essayant de faire concorder les personnalités des deux équipiers du futur binôme.
A l’issue de cette formation, le maître-chien est validé “piste”. Un an plus tard, le binôme cynotechnique effectue un stage initial de trois semaines à Chamonix, au sein du Centre national d'entraînement à l’alpinisme et au ski (CNEAS). Ce centre appartient aux CRS montagne, mais les moyens sont mutualisés entre police et gendarmerie. Une fois validé, le binôme est opérationnel pour ses missions de secours.
Tous les ans, il doit cependant effectuer un recyclage afin que ses compétences soient vérifiées.
La formation des pompiers ou civils maître-chien d’avalanche
Les sapeurs-pompiers et les civils souhaitant acquérir cette spécialité doivent obtenir le brevet national de maître-chien d’avalanche. Ce diplôme est délivré par l’ANENA (association nationale pour l’étude de la neige et des avalanches), seul organisme agréé par la Direction de la Défense et de la Sécurité Civile.
Ce brevet est accessible aux professionnels de la montagne (pisteur-secouriste, personnel des remontées mécaniques, moniteur de ski, gardien de refuge…) et aux sapeurs-pompiers. Le candidat doit:
- valider une pré-formation
- être titulaire du PSE1 et PSE2 (Premiers secours équipe de niveau 1 et 2)
- détenir un chien mâle âgé de 1 à 4 ans à jour de ses vaccins
- avoir un certificat médical d’aptitude à la pratique du secours en montagne
L’admission au stage se fait sur dossier, et le candidat doit recevoir quatre avis favorables, du SIDPC (service interministériel de Défense et protection civile), de son employeur, du vétérinaire et d’un formateur de l’ANENA.
Le stage de pré-formation dure 40 heures et coûte 550€. La formation à l’issue de laquelle le candidat tente d’obtenir son brevet, dure 88 heures étalées sur onze jours et coûte 2400€. Elle comprend de la théorie (matériel du sac avalanche, déplacement, les types d’avalanche…) et bien sûr de la pratique (randonnée en peau de phoque avec le chien, exercices de recherche…).
Une fois breveté, le maître-chien doit quand même passer cinq exercices de recyclage annuels.
La formation du chien d’avalanche
Le chiot destiné au secours peut commencer quelques exercices dès ses trois mois. Son maître peut par exemple développer son répertoire d’odeurs en lui faisant sentir de nombreuses odeurs différentes, ou l’habituer à son futur environnement (foule, véhicule, hélicoptère…) L’apprentissage de l’obéissance est aussi un point important, puisque le chien évoluera souvent en autonomie, sans longe, et devra donc écouter parfaitement son maître. La gendarmerie forme ses chiens au CNICG de Gramat puis les attribue à des maîtres-chiens gendarmes. Les sapeurs-pompiers et les maîtres-chiens civils doivent quant à eux réussir avec leur chien une formation certifiante de 15 jours délivrée par l’ANENA. Pour participer à cette formation, le chien doit avoir au minimum 15 mois.
La formation du chien est toujours basée sur le jeu. Son objectif est de retrouver son jouet (généralement un boudin en tissu qu’il peut facilement attraper avec sa gueule), qui est tenue par une personne simulant une victime. Dans un premier temps, le chiot a son jouet en visuel, puis l’exercice se complexifie au fur et à mesure de son apprentissage. Au terme de son entraînement, le chien est capable de détecter une odeur humaine enfouie jusqu’à quatre mètres de profondeur sous la neige. Il apprend également à ne pas tenir compte des odeurs parasites (végétaux, bâtiments, nourriture, autres humains…)
Déroulé d’un exercice avalanche
Le procédé est sensiblement le même quel que soit le maître-chien (gendarme, pompier ou civil). Un trou est creusé dans la neige sur le terrain d’entraînement, dans lequel va se glisser un plastron simulant la victime, qui emporte avec lui le jouet du chien.
Le trou est ensuite recouvert et fermé, par des blocs de neige et/ou de la neige fraîche. Le maître-chien attend au moins une dizaine de minutes avant de procéder à l’exercice, afin que les odeurs se dispersent un peu. Pendant ce temps, il réalise la détente de son chien, notamment hygiénique afin que le chien soit concentré pendant la phase de travail. Avant d’intervenir, lors d’un cas réel ou d’un exercice poussé, le maître-chien doit prendre du renseignement, notamment sur le secteur, les éventuels témoignages, savoir si des victimes ont déjà été trouvées (et auraient laissé un point chaud sur lequel le chien peut réagir) etc. Le binôme se place ensuite à l'extrémité du terrain et le chien est harnaché (souvent, il est conditionné pour associer le harnais au travail), puis lâché en autonomie sur la zone de recherche.
Seul, il peut quadriller un secteur six fois plus rapidement qu’un homme. En cas de besoin, le maître-chien peut indiquer à son équipier à quatre pattes une zone à (re)contrôler. Dès lors que le chien détecte une odeur, il aboie et commence à creuser avec ses pattes, appuyé ensuite par son maître avec sa pelle.
Le chien va jusqu’au plastron, afin d’attraper son jouet et tirer la victime vers l’extérieur du trou.
Il reçoit alors sa récompense en jouant avec le plastron.
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