Mission AIGLE : zoom sur la présence française en Roumanie

Mission AIGLE : zoom sur la présence française en Roumanie

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Désignée « nation cadre », la France a pris la tête de la mission AIGLE en Roumanie. En plus des Belges et des Néerlandais, un millier de soldats français y participent et ont été déployés dans le pays en un temps record. Leur objectif ? Renforcer la posture dissuasive de l’Otan et décourager Poutine d’aller plus loin.

En réponse à l'agression militaire de la Russie contre l'Ukraine, le Commandement suprême des forces alliées en Europe (SACEUR) a obtenu l'autorisation du Conseil de l'Atlantique Nord (NAC) de mettre en place les « plans de réponse graduée » (GRP), première étape des « plans de défense régionaux » de l'OTAN.

« Être aux avant-postes »

L’activation de ces plans de réponse graduée s’est matérialisée de plusieurs façons. Plus de 40 000 soldats, appuyés par des moyens aériens et navals, sont passés sous le commandement direct de l'OTAN. En outre, des milliers de soldats, en provenance de plusieurs pays membre, ont renforcé le dispositif. Quatre groupements tactiques multinationaux sont maintenant constitués en Bulgarie, Hongrie, Roumanie et Slovaquie, en plus de ceux qui étaient déjà déployés en Estonie (mission LYNX), Lettonie, Lituanie et Pologne. Ces huit groupements tactiques couvrent tout le flanc est de l'OTAN, de la mer Baltique au nord à la mer Noire au sud. C’est dans ce contexte que la France lance la mission AIGLE le 28 février 2022. En l’espace de quelques jours, 500 militaires atterrissent sur la base aérienne roumaine de Mihail Kogalniceanu, au bord de la mer Noire, à une centaine de kilomètres au sud de la frontière ukrainienne.


Source : EMA

Ces hommes constituent le bataillon « Fer de lance ». Cette démonstration de force vise à renforcer la posture dissuasive de l’alliance sur le flanc oriental de l’Europe. « C'est la fierté de la France d'être aux avant-postes », a déclaré le président de la République en s'adressant à une partie du contingent français rassemblé dans un hangar de la base de Mihail Kogalniceanu, le 14 juin dernier. Un engagement « fondamental », a-t-il insisté, pour « prévenir toute tentative de déstabilisation et d'agression contre l'Europe ». Quatre mois plus tard, « nul ne sait dire » quelle tournure peut prendre la guerre dans « les prochaines semaines, les prochains mois », mais « nous aurons besoin de nous protéger » et de « dissuader sur la durée », a prévenu le chef de l’État. Emmanuel Macron confirmait ainsi l'implantation pour de nombreuses années, de l'armée française en Roumanie.

Source : ministère des armées

Une montée en puissance progressive

Le 2 mars, les chasseurs alpins du 27e BCA de Cran-Gevrier, près d'Annecy, sont les premiers soldats français à fouler le sol roumain. En deux semaines, 500 hommes et leur équipement ont été transportés à bord d'avions Antonov, effectuant 28 rotations. Une grande partie de ces troupes est alors stationnée sur la base Mihail-Kogalniceanu. Une autre section part construire les fondations d'une deuxième base à Cincu, en Transylvanie, pour des exercices de terrain franco roumain à l’intérieur des terres. Le 9 mars 2022, les soldats français sont rejoints par 300 militaires belges.


Source : EMA

À partir du 1er mai, cet ensemble forme le « Collective Defence Battle Group » (CDBG), dont la France est nation cadre. Il succède au « spearhead battalion » de la « NATO Response Force » (NRF) engagé le 28 février.

Le CDBG est doté de capacités adaptées déployées par la France et les Pays-Bas, qui ont relevé les Belges le 3 août dernier. Il participe à des actions et des missions communes grâce aux normes de l'OTAN qui permettent d'uniformiser les concepts et les méthodes. Ces actions sont menées avec les forces armées également présentes sur les bases de Constanta, Cincu, Caracal et Craiova. Ces forces sont composées de militaires roumains, portugais, polonais, américains et canadiens. Le CDBG, composé de près de 750 militaires accompagnés par 150 Néerlandais, est commandé par le colonel Alexandre de Féligonde, chef de corps du 1er RCh. Côté français, il est armé par :

  • Un escadron blindé du 1er régiment de chasseurs (1er RCh), de Verdun
  • Une compagnie d'infanterie du 152e régiment d'infanterie (152e RI), de Colmar
  • Une compagnie de combat de génie du 3e régiment de génie (3e RG), de Charleville-Mézières
  • Une batterie d’artillerie mixte du 1er régiment d’artillerie (1er RA), de Belfort
  • Un état-major tactique et le train de combat n°2 (détachement logistique) du 1er RCh

Le 16 mai 2022, à la demande des autorités roumaines et de l’OTAN, les armées françaises déploient le système de défense sol-air MAMBA et son Centre de management de la défense dans la 3e dimension (CMD 3D) au bord de la mer Noir, sur la base de Capu Midia.

Source : EMA

Opéré par une centaine d’hommes, le système de défense aérienne MAMBA (SAMP) est composé de plusieurs modules interconnectés et complémentaires. Il assure la défense antiaérienne au profit des forces otanienne présentes dans la zone. Ce système peut utiliser jusqu'à huit missiles ASTER 30, chacun pesant 465 kg. Ce missile peut atteindre une vitesse supérieure à 5 000 km/h et neutraliser une cible à plus de 100 km de distance. Plusieurs missiles peuvent être tirés simultanément contre différentes cibles dans toutes les directions. Afin d'améliorer son efficacité, le système MAMBA est connecté et intégré par une liaison de données tactiques au système de défense roumain et à celui de l'OTAN, qui en assure le commandement. Après une phase de test, le système MAMBA a été certifié et fait maintenant partie de l'Integrated Air Missile Defence (IAMD) de l'OTAN.

Transporté par voie ferroviaire depuis France, un escadron de chars Leclerc est arrivé en Roumanie le 16 novembre, en gare de Voila. Les blindés ont ensuite été déchargés des wagons puis mis sur porte engins afin d’être acheminés jusqu’au camp de Cincu à quelques kilomètres de la gare.


Source : EMA

Ces chars doivent contribuer au renforcement des capacités de la mission AIGLE et en particulier du CDBG, « constituant ainsi une capacité de combat majeure pour celui-ci », s’est réjouit le Ministère des Armées lors de l’arrivée des blindés.

Un millier de soldats français sont aujourd’hui présents en Roumanie et mettent en œuvre :

  • 13 chars Leclerc et 2 dépanneurs de chars Leclerc
  • 24 VBCI (véhicule blindé de combat d’infanterie)
  • 19 VAB (véhicule de l’avant blindé)
  • 19PVP (petit véhicule protégé)
  • 32 VBL français (véhicule blindé léger)
  • 37 VT4 (véhicule tactique 4x4)
  • 3 LRU (lance-roquettes unitaire)
  • 3 mortiers de 120 mm
  • Plus de 40 véhicules légers de reconnaissance, dont une quinzaine aérotransportable.
  • Plus de 10 camions de transport

Un défi logistique auquel la France n’est pas habituée.

Le ministre des armées Sébastien Lecornu a inauguré, le 3 novembre dernier, le camp français de la base de Cincu, une opération communication rondement menée.


Source : EMA

Cependant, au même moment, les militaires français font face à des conditions de vie difficiles. « C’est un bourbier, avec souris et chiens errants », ont rapporté des soldats présents sur place. Il est évident pour les officiers accueillant le ministre des armées que l'aménagement de ce vaste terrain argileux représente un véritable défi logistique. « Cela peut paraître paradoxal, mais c’était presque plus simple au Sahel », affirme un gradé. Sur près de 500 préfabriqués dont dispose le camp, l’écrasante majorité provient justement de cette région, où la France a achevé son retrait du Mali en août. Une partie des quelque 750 soldats déployés dans le camp, aux côtés de 150 Belges et Néerlandais en rotation, sont encore logés sous tente. Le réseau d'eau (installé progressivement) connaît de nombreux dysfonctionnements. La rusticité et l’isolement du camp de Cincu convient parfaitement pour l’entraînement à la haute intensité mais il a mis à rude épreuve la logistique française. Il semblerait que le service du commissariat des armées (SCA) ait progressivement repris le contrôle de la situation. Le 15 décembre, le SCA a publié une série de photos et assure que le camp « gagne progressivement en autonomie au fur et à mesure que les infrastructures se construisent ».