Exercice Manticore : le prélude d'Orion

Exercice Manticore : le prélude d'Orion

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En 2023 les armées se déploieront pour le plus gros exercice de ces 50 dernières années : Orion. Pour s’y préparer l’armée de Terre à pour la première fois, mixé les trois exercices annuels majeurs de la 11e BP, de la 4e BAC et du COMFST. Pendant quatre semaines, près de 3 000 militaires ont conduit des opérations entre l’Occitanie et la Nouvelle-Aquitaine. Pour l’occasion Défense Zone a suivi les hommes de la brigade para. Entre parachutages, combats et simulation de crash, retour sur Manticore, la dernière étape de la préparation à la haute intensité avant 2023.

L’enjeu de la profondeur

7h. Le jour se lève sur la base aérienne de Francazal où plusieurs centaines d’hommes et de femmes de la 11e brigade parachutiste (11e BP) s’apprêtent à sauter au-dessus de la Mercurie, en plein territoire ennemi, marquant le lancement de la manœuvre Manticore. Cet « exercice d’ampleur », comme le rappelle le colonel Baptiste Thomas, chef de corps du 2e régiment étranger parachutiste (2e REP), rassemble « environ 3 000 soldats pour trois semaines » entre Toulouse et le plateau de l’Aubrac. Première mission des paras : prendre d’assaut et contrôler l’aéroport de Castres. Malgré la météo capricieuse, les vols au départ de Francazal sont maintenus et la pression se fait sentir à mesure que l’heure fatidique approche. Mais avant de sauter, il faut d’abord percevoir son matériel.

En file indienne, les militaires perçoivent un parachute principal et un "ventral", de secours. Chacun d’eux est minutieusement scanné afin d’en assurer la traçabilité pour, en cas de problème, suivre le parcours de chaque parachute depuis son pliage jusqu’à son utilisation. Cette mission incombe au 1er régiment du train parachutiste (1er RTP) basée à Francazal. Spécialiste des opérations de largage, le régiment est aussi responsable de l’organisation, de la logistique et de la sécurité des opérations.

La 11e BP n’est pas la seule à participer à cet exercice. Elle coopère avec le commandement des forces spéciales Terre et la 4e brigade d’aérocombat. Ces trois brigades n’ont pas associé leur manœuvre annuelle respective sans raison. Elles sont toutes trois naturellement dédiées au combat en profondeur. C’est là tout l’enjeu de ces trois semaines d’exercice. En effet, qu’il s’agisse de territoires occupés par un envahisseur, comme dans le Donbass, ou de terres disputées par des groupes armés terroristes, comme au Sahel. Il devient parfois nécessaire de projeter des hommes au-delà des lignes ennemis pour reprendre du terrain ou une position stratégique, un aéroport dans le cas présent. Cette capacité de la brigade parachutiste « n’avait pas été mise œuvre dans le cadre d’un exercice depuis longtemps » rappelle le colonel Thomas. 

Les 90 paras prévus pour la prochaine rotation sont prêts. Ils s’avancent vers la tranche arrière béante de l’A400M, le plus gros avion de transport de l’armée de l’air et de l’espace.

 

Il faudra à peine 20 minutes de vol tactique, pour larguer les militaires sur l’aéroport de Castres.

 

Autre "première" dans cet exercice, un officier communication de l’armée de Terre, a produit une série de vidéos type "reportage en immersion" entièrement tournées au téléphone. Ce format a été ensuite partagé sur les réseaux sociaux, Facebook, Instagram, YouTube et TikTok (oui, l’armée de Terre a un compte TikTok).

Prévoir le pire 

Non loin de Castres, dans le ciel du Tarn, un NH90 de l’aviation légère de l’armée de terre a subi un tir de roquette. L’hélicoptère s’est écrasé dans un champ et six corps gisent près de l’appareil. Certains sont gravement blessés mais peuvent encore être sauvés.

Si bien sûr, tout ceci est fictif, il s’agit cependant d’un scénario destiné à mettre en difficulté les hommes qui viennent d’être parachutés. Cependant, l’exercice restera « peu crédible » selon les principaux concernés. Les hommes du "3" mettront plusieurs heures à atteindre les lieux faute de moyens de transport à disposition. Dans le cadre d’un véritable conflit armé, un second hélicoptère serait projeté au secours du premier. Une fois sur place les hommes ont travaillé les différentes étapes à suivre dans une telle situation. Sécuriser la zone, compter les morts, faire le terrible choix entre les camarades que l’on peut sauver et ceux pour dont le pronostic vital est sans espoir. Sans oublier les procédures à respecter et les gestes de secours au combat que chaque soldat doit connaître sur le bout des doigts.

La « tache d'huile »

Après la première phase de l’exercice sur Castres, les hommes du colonel Thomas entament la deuxième partie de leur mission. Déployés sur l’aéroport de Cahors par posé d’assaut, les légionnaires font « tache d’huile » autour du site. Ils étendent progressivement leur position dans toutes les directions pour « contrôler et neutraliser les poches de résistances ennemies localisées aux abords de la zone aéroportuaire » expliquent le chef de corps du 2e REP.

Pour mener cette opération de quatre jours, les légionnaires mettent rapidement en place un poste de commandement tactique en lisière de forêt, à quelques mètres de la piste d’atterrissage.

Composé dans un premier temps d’une carte d’état-major, d’un ordinateur portable et d’une radio. Le reste du matériel, aérolargué en même temps que les hommes, ne tardera pas à être acheminé sur la zone.

Un exercice de haute intensité

À l’heure de la troisième et dernière phase de l’exercice, cela fait déjà 12 jours que les hommes de la 11e BP sont mis à rude épreuve. Ils ont enchaîné un largage, un posé d’assaut, entrecoupé par des phases de combat contre une force adverse joué par le 1er RCP. Pour autant, Manticore ne s’arrêtera pas là. Comme lors d’un véritable conflit de haute intensité, les paras peuvent être redéployés plusieurs fois dans un temps très court. Le 24 septembre au matin, à Cahors, les légionnaires du 2e REP perçoivent à nouveau leur parachute pour êtres largués au-dessus de Rodez. Objectif : bloquer la chaîne logistique de l’ennemi pour contrer tout arrivée de renfort vers Cahors.

Depuis quelques années les forces terrestres sont clairement tournées vers le combat de haute intensité. Traduction : combattre une force adverse puissante, fortement mécanisée et de même volume. Mais pour la première fois, au choc des combats s’est ajouté la complexité d’enchaîner deux sauts en parachute, un posé d’assaut et plusieurs réarticulations dans un même exercice. Sans aucun doute, Manticore fait office, pour les trois brigades, de répétition générale avant Orion, le plus grand exercice de l’armée de Terre des 50 dernières années prévu pour débuter en février 2023. À cette occasion, ils seront près de 10 000 hommes et femmes à se frotter à la haute intensité.