L'armée veut mieux soigner ses blessés

L'armée veut mieux soigner ses blessés

de lecture - mots

Le 10 mai dernier, le ministère des Armées dévoilait son “Plan Blessés 2023-2027”. Une feuille de route en 116 mesures réparties sur deux axes prioritaires, censées améliorer l’accompagnement des soldats blessés et de leurs familles.

Ce n'est pas le premier, mais c’est "le plus complet", a affirmé Patricia Mirallès, lors de la présentation du “Plan Blessés 2023-2027” du ministère des armées, le 10 mai dernier. Sa “philosophie est de faire en sorte que le blessé n'ait qu'une seule préoccupation : celle de se soigner", a ajouté la secrétaire d’Etat chargée des anciens combattants. Le plan comprend 116 mesures, dont 12 phares répartis en deux chantiers : renforcer l'offre de soins et simplifier les démarches administratives. Certaines de ces mesures sont déjà en cours de déploiement.

170 millions d'euros seront alloués aux dispositifs d'indemnisation et d'accompagnement, dont 50 millions via la nouvelle loi de programmation militaire (LPM), dont le vote à l'Assemblée est prévu le 22 mai. Cette somme s'ajoute aux quelque 800 millions d'euros que la France consacre chaque année à ses blessés. Il est difficile d'évaluer de manière précise le nombre de soldats français blessés. On sait cependant que 120 000 personnes sont titulaires d'une pension militaire d'invalidité et qu’entre 2 600 et 3 500 militaires souffrent d'un syndrome post-traumatique, selon les estimations du ministère des Armées. "Ce plan met en œuvre des principes forts tels que l'inversion de la charge de la preuve ou la présomption de bonne foi afin de simplifier au maximum le parcours administratif du blessé pour que sa seule préoccupation soit de se soigner", résume-t-on au ministère des armées.

Le Plan Blessés du gouvernement

L'accompagnement des soldats blessés est souvent considéré comme un parcours du combattant par les victimes et leurs familles. Les témoignages de soldats, qui peinent à faire valoir leurs droits, se heurtent à l'inadaptation des assurances et à l'isolement, sont fréquents. Un sentiment “d'abandon” se fait parfois entendre.

Les maisons Athos

Les maisons Athos, nommées en référence au plus tourmenté des mousquetaires, sont des lieux de réhabilitation psychosociale dont la mise en place a débuté en 2021. Les équipes y accompagnent, sans limite de durée, des militaires en activité ou anciens militaires souffrant de troubles psychotraumatiques. Actuellement, quatre maisons Athos sont opérationnelles, à Bordeaux, Toulon, Aix-les-Bains et dans le Morbihan.

Ces maisons sont conçues pour proposer une variété d'activités manuelles, sportives et artistiques, permettant aux résidents de s'exprimer et de se reconstruire sur le plan psychologique. En offrant un cadre sécurisé et adapté, elles favorisent la résilience et la réintégration sociale des blessés psychiques.

D'ici à 2030, six autres lieux de ce genre devraient ouvrir, dont deux en outre-mer. Chaque maison a une capacité d'accueil d'environ 100 personnes, offrant ainsi un total d'environ 1 000 places disponibles pour les bénéficiaires. Ce chiffre est à comparer aux quelque 3 000 militaires français souffrant de blessures psychiques, d'après les données de l'Office national des combattants et des victimes de guerre.

Renforcer l’accompagnement post hospitalisation

L'Institution nationale des Invalides est l'établissement français spécialisé dans la prise en charge des blessés de guerre et du grand handicap. Afin de mieux accompagner la sortie de l'hôpital, l'institution va faire l'objet d'une réorganisation. Cette réorganisation prévoit la mise en place d'un pôle de rééducation et de réadaptation à moyen et long terme, dont l'activité a commencé en mars et doit progressivement monter en puissance.

Le ministère a également prévu la création d'un "village des blessés" d'ici fin 2024, situé au sein du Centre national des sports de la défense à Fontainebleau (Seine-et-Marne). Ce lieu sera orienté sur la rééducation par le sport et pourra accueillir une centaine de personnes dans de petites maisons individuelles.

En outre, le ministère prévoit d'augmenter le nombre d'emplois réservés dans le public et le privé pour tous les blessés de guerre. Par ailleurs, une réflexion est engagée pour former les psychologues de ville aux spécificités des syndromes de stress post-traumatique, afin de mieux accompagner les blessés psychiques.

Simplifier les démarches administratives

Le parcours du blessé est souvent semé d'embûches, nécessitant non seulement des soins médicaux, mais également une navigation complexe à travers les méandres de l'administration. Des soins aigus jusqu'à la consolidation des blessures, en passant par les soins de rééducation, de réadaptation et de réhabilitation physique et psychique, les blessés doivent également faire face à un parcours médico-administratif qui ajoute une couche supplémentaire de difficultés. Cette étape est décrite par de nombreux blessés comme un véritable "parcours du combattant", une lutte incessante, 24 heures sur 24, 7 jours sur 7, un véritable "chemin de croix" ou encore un "mur administratif", rapporte le député Bastien Lachaud, auteur d’un rapport parlementaire sur la question.

Désormais, un seul dossier suffira pour remplir la demande de pension militaire d'invalidité. De plus, chaque blessé disposera d'un "coffre-fort numérique" personnel où tous les documents émis par l'administration seront automatiquement stockés. Cela signifie que les militaires n'auront plus à fournir ces documents à chaque étape des procédures, allégeant ainsi considérablement leur charge administrative.

Une avancée majeure est également prévue grâce à l'article 12 de la Loi de Programmation Militaire (LPM). Cette disposition vise à lever les freins à l'indemnisation des blessures ou maladies professionnelles survenues dans des conditions différentes des seules opérations extérieures conventionnelles. Ainsi, les blessés pourront bénéficier d'une meilleure prise en charge après des missions qui ne sont pas directement revendicables par la France, telles que celles effectuées par la direction générale de la sécurité extérieure ou dans le cadre d'un crash aérien lors d'un entraînement militaire, ou encore les dommages subis lors d'un stage d'aguerrissement. Il s’agit là d’une demande formulée de longue date par les associations et les commissions défenses qui se sont succédé à l’assemblée nationale ces dernières années.

Le soutien aux familles

Le Plan Blessés prévoit également quelques mesures destinées aux familles de militaires blessés ou tués au combat. À l’image des sas de fin de mission mis en place depuis 2013 pour les retours d’Opex, un dispositif a été expérimenté pour la première fois cet hiver. Des proches de militaires blessés ou décédés ont pu passer quelques jours à Meribel. De plus, un dispositif destiné à fournir un complément de revenu aux familles doit être élargi.

La France pas toujours au rendez-vous

La prise en charge des militaires blessés est un enjeu majeur pour l’efficacité de nos opérations militaires, la cohérence du statut militaire, la cohésion de nos armées et pour la solidarité nationale. Pourtant la représentation nationale n’a porté qu’une attention tardive au suivi des militaires blessés. Il a fallu en effet attendre 2014 pour voir la publication d’un premier rapport d’information sur la prise en charge des blessés. Cinq années plus tard, un deuxième suivra pour faire le constat des lacunes de la France en la matière. “La sédimentation multiséculaire de privilèges royaux, de décisions jurisprudentielles et d’initiatives avantageuses mais non coordonnées, pour généreuse qu’elle soit, ne forme pas un droit simple, accessible et opposable, et faute de moyens suffisants, tous les plans de prévention, d’accompagnement et de prise en charge, fussent-ils des joyaux d’orfèvrerie administrative, ne constituent pas une politique”, cinglent les députées Anissa Kheder et Laurence Trastour-Isnart. C’est donc seulement après des efforts considérables et des délais insupportables que les blessés accèdent à des dispositifs d’indemnisation obtenus de haute lutte par leurs prédécesseurs ou sont rentrés dans les subtiles catégories de titres et de décorations différenciées selon les circonstances des souffrances qu’ils ont endurées. Malgré les meilleures intentions, le nombre d'interlocuteurs et d'aides s'est multiplié ces dernières années, tout comme le nombre de formulaires. Les efforts de rationalisation entrepris en 2010 dans le cadre de la Révision générale des politiques publiques étaient censés entraîner des gains financiers, mais ils ont en réalité conduit à une détresse croissante pour ceux qui ont sacrifié leur santé au service de la France. “Le renversement de la charge de la preuve”, leitmotiv de ce nouveau Plan Blessés, n’est quant à lui pas nouveau et a été introduit par la loi du 13 juillet 2018. Déjà à l’époque, il n’avait pas eu l’effet simplificateur escompté.