Mécanicien Rafale dans l'armée de l'Air et de l'Espace

Mécanicien Rafale dans l'armée de l'Air et de l'Espace

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Bienvenue dans Défense Zone, le podcast qui traite des questions de Défense et de sécurité.

Cette semaine, nous avons rendez-vous à Saint-Dizier, pour rencontrer l’un des mécaniciens de la BA 113. Avec lui, nous parlerons des spécificités de ce métier d’ordinaire assez peu mis en avant et pourtant nécessaire pour faire voler les avions Rafale. N’oubliez pas de vous abonner au podcast ainsi qu’à notre magazine papier en vous rendant sur le site defense-zone.com.

 

Présentation

Je suis le sergent-chef Guillaume, de la base aérienne 113 de Saint-Dizier. Je suis mécanicien armement, issu de la spécialisation 2320 technicien armement, et plus précisément je suis formé à travailler sur Rafale. Juste après le bac je me suis rendu au centre de recrutement des forces armées en Corse car je suis de Corse. J’ai passé une séance de tests sur Lyon qui a duré trois jours et à l’issue j’ai intégré l’école des sous-officiers de l’armée de l’Air à Rochefort.

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Devenir mécanicien dans l’armée de l’Air et de l’Espace

La formation de mécanicien

Ces deux années à Rochefort comprennent une formation initiale, basée sur tout le côté militaire, l’ordre serré, marcher au pas, savoir se présenter, connaître les grades qui nous entourent et l’environnement de la base aérienne qui nous attend. Puis sur une formation de spécialisation, du coup 2320 technicien armement et là on fait vraiment la généralité de la pyrotechnie et de l’armement au sein de l’armée de l’Air et on sera spécialisé après en fonction du métier que l’on exercera sur notre future base. La spé mécanicien armement est variée car il peut y en avoir en dépôt conventionnel, en dépôt nucléaire comme ici à Saint-Dizier, ou à l’atelier sauvetage survie et faire uniquement de la sécurité pilote (siège, paquetage, effets de vol).

 

Est-ce que la formation est difficile ?

Non, parce qu’on ne vous demandera pas de tout maîtriser, il faut se spécialiser. Par exemple moi je fais du Rafale, donc ce n’est pas mon boulot d’aller en dépôt pour assembler une munition ; par contre je travaille avec ces gens-là qui m’amènent une munition, par exemple lorsque je suis en opex, pour que moi je la monte sur l’avion. C’est un gros travail d’équipe, c’est une grande chaîne où tout le monde doit bien faire son travail pour qu’au bout la mission soit réussie.

Si le mécanicien est amené un jour à changer de base et changer d’aéronef, il faudra recommencer une formation, qui sera forcément un peu plus légère parce que vous avez déjà des connaissances de l’environnement aéronautique, vous avez déjà travaillé sur un avion, vous avez déjà été parrainé, vous avez déjà été formé à la sécurité.

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Est-ce un métier stressant ?

Le fait de manipuler de l’armement, d’avoir des responsabilités, n’est pas forcément stressant, je dirai plutôt motivant, et ça met un peu de peps dans notre travail. Il ne faut pas avoir peur d’être stressé parce que c’est là qu’on va faire des erreurs. Mais c’est très motivant, on ne fait pas de la mécanique conventionnelle comme on pourrait faire dans le civil. Il faut avoir une approche minutieuse, mais on bosse en sécurité, il y a des barrières de sécurité à lever avant de pouvoir délivrer de l’armement.

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Il y a aussi un côté excitant surtout quand on vous téléphone le matin, qu’on vous dit que c’est parti, qu’il faut envoyer. On est rentré dans l’armée pour ces moments un peu particuliers, on ne sait pas ce qu’il va se passer, ou quand on voit partir les aéronefs avec de l’armement, on se demande tous si l’armement va revenir.

 

Les qualités à avoir

On est amené à travailler constamment en équipe, on bosse jamais seul ou c’est très rare, donc il faut un esprit de corps très important, car même si une personne ne peut pas vous aider sur une tâche à un moment donné, un autre jour il pourra vous tirer vers le haut sur une autre tâche. Donc l’entraide est très importante, le rapport humain, la cohésion entre nous. Il faut aussi se dire qu’il n’y a pas de question bête, c’est comme dans tous les métiers, il faut se tromper pour avancer, pour s’en rappeler et ne plus refaire la même erreur.

 

 

Les missions du mécanicien

Sur certaines missions, on sait que si l’avion part pour 5h de vol par exemple, pendant 5h on sait qu’on a de l’armement à préparer parce qu’en revenant l’avion va être vide et il faut mettre la même quantité qu’au départ. Certaines fois, l’avion revient, se pose et repart. Il faut jongler entre des périodes d’attente assez longues et des moments de stress rapides. Lors des périodes d’attente, pour gagner du temps ou alléger une charge de travail, on le fait pendant que l’avion est en vol. Ainsi, on n’aura pas à le faire une fois qu’il est posé, on aura vraiment que l’avion à s’occuper. Donc si on fait tout le travail en amont, qu’on prépare notre matériel et notre armement, l’avion se pose, on fait notre débrief (est-ce qu’il y a des pannes, de la casse etc.), on remet en état si besoin, on pose nos équipements et voilà. En plus, on a des limites de temps, on va nous demander à quelle heure l’avion sera dispo car derrière il y a toute une chaîne de commandement qui doit s’organiser pour travailler.

Il n’y a cependant pas que l’armement, mais tout ce qui est lié à la pyrotechnie, comme par exemple le siège éjectable. C’est un équipement tellement précis et avec énormément de matériel, qu’il faut beaucoup de connaissance pour bien maîtriser son siège, et que c’est une spécialité, certains mécanos ne font que di siège éjectable (montage, démontage…). On doit aussi vérifier le paquetage de survie du pilote, en fonction de sa mission.

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L’importance de « manager » une équipe

Il peut arriver que des jeunes un peu inexpérimentés fassent des erreurs. Il faut se rappeler qu’on était à leur place, c’est pour ça que je dis qu’il n’y a pas de question bête. On était à leur place il n’y a pas si longtemps que ça et quel bonheur d’avoir un chef d’équipe qui prenait soin de nous et nous formait, c’est super enrichissant et agréable d’avoir quelqu’un qui s’intéresse à nous surtout quand on sort d’école. Quand je suis arrivé ici j’avais 20 ans, je venais de quitter la Corse, loin des parents, odnc avoir un parrain qui s’occupe de nous, c’est toujours agréable. Et il faut transmettre notre savoir aux autres parce qu’un jour on ne sera plus là, et ça sera à leur tour de transmettre aux plus jeunes.

 

L’évolution de l’armement

L’aéronautique est un domaine qui évolue tous les jours, que ça soit la documentation de l’avion, celle de l’armement, ou les standards avion. C’est un peu comme un iPhone : avant il y avait l’iPhone 7, après il y eu l’iPhone 8. Sur Rafale c’est pareil, les standards évoluent donc il faut qu’on se tienne toujours à jour de la documentation et des procédures écrites, pour ne rien louper. Le travail du chef de service est de s’assurer que les nouveaux éléments sont apportés dans la documentation, qu’ils ont été pris en compte par les mécanos. Ce que j’ai connu il y a 5 ans par exemple n’est plus d’actualité aujourd’hui, ou des choses ont été supprimées, ou d’autres ont évolué ou ont été remplacées.

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La particularité de l’armement nucléaire

Ce n’est pas de l’armement conventionnel, donc on doit assurer au gouvernement qu’on est capable de mettre en œuvre de l’armement nucléaire mais tout le temps en sécurité, et en tout temps en tout lieu. Si demain le président de la République décide de faire monter la composante aéroportée, il sait qu’on est capable de le faire parce qu’on lui prouve lors des exercices, mais surtout et avant tout on lui a prouvé qu’on était capable de le faire en sécurité, et que la population autour de la base aérienne n'a pas de souci à se faire, on travaille sans risque et c’est le point le plus important du nucléaire. Mécaniquement parlant, c’est une opération qu’on apprend et au bout d’un an on est capable de la faire avec son équipe, parce qu’on ne fera jamais ce genre de chose tout seul. Mais ce n’est pas plus compliqué que d’autres opérations. On apprend et répète tellement, on connaît notre matériel. Après, on reste des humains et il y a quand même cette appréhension à se dire que ce n’est pas anodin, mais ça doit être pareil lorsqu’on est au-dessus de l’un point sur lequel on va larguer une bombe de 150 ou 250kg. Mais nous, dans notre manière de travailler, on fait la même chose, ça reste une munition parmi tant d’autres.

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Les opex

L’esprit de corps

Ma dernière opex a eu lieu en Jordanie en fin d’année 2022. Pour les mécaniciens, l’opex dure 2 mois, même si avant c’était 4 mois. On s’est aligné sur la durée des opex des pilotes, qui ont toujours fait 2 mois, mais du coup on avait une relève de pilote au milieu de notre opex et c’était parfois un peu compliqué à gérer. Il faut s’imaginer qu’on part à l’autre bout du monde en petit groupe, et au bout de 2 mois on va scinder le groupe et remplacer une partie, c’était compliqué. Il faut cet esprit de corps, de cohésion, pour oublier qu’on est loin et que potentiellement on a notre femme, nos enfants, qui sont seuls à la maison. Après, en 2023, on peut désormais faire des visios à l’autre bout du monde, c’est tellement simple et toujours étonnant de pouvoir avoir ses parents ou sa conjointe derrière un écran, ça fait plaisir.

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Les échanges internationaux

J’ai eu des échanges avec de nombreuses armées. En Jordanie, sur le camp français, j’ai pu croiser beaucoup de Jordaniens, ça m’est arrivé aussi de croiser des Américains. Sur d’autres missions, ça arrive de partir avec beaucoup de nations et là c’est top. C’est intéressant pour l’échange de culture, sans parler du côté militaire qui, lui, permet de s’approcher de différents avions et souvent on se rapproche de la spécialité dans le pays étranger, on échange nos manières de travailler, par exemple je montre le canon du Rafale, il montre le canon de son avion. Evidemment, on n’a pas le droit de rentrer dans le secret donc on échange dans la limite de ce qu’on sait déjà et de ce qu’on peut dire.

 

 

Dernier conseil

Ecoute les anciens, ils étaient là à notre place, ils savent ce qu’on pense, ils savent à quoi on s’attend, ce qu’on espère, ils savent qu’on est venu là pour faire des missions, des opex, pour travailler sur une machine d’exception, pour apprendre le plus vite possible. Mais on ne peut pas apprendre vite, donc ils sont là aussi pour nous canaliser. Le meilleur des conseils est d’écouter les plus anciens dans une institution comme l’armée.


1 commentaire

  • Campo

    Bonjour et merci pour ce partage de témoignage de qualité d’un individu au poste combien essentiel.
    L’article nous fait vivre le quotidien et nous permet d’imaginer, c’est le plus important.
    De l’information par des témoignages, c’est Top.
    Merci.

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