Les musiques militaires françaises
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Ils accompagnent les soldats lors du défilé du 14 juillet, donnent le rythme ou une ambiance au cours de cérémonies officielles… Depuis l’Antiquité, les musiciens militaires font partie intégrante de l’histoire et de la culture française. Depuis les premières utilisations de la musique sur le champs de bataille, jusqu’aux missions des différentes formations musicales qui composent aujourd’hui les armées, Défense Zone revient sur les évolutions et le rôle de la musique militaire.
Histoire de la musique militaire
De l'Antiquité à nos jours, l'organisation et les compositions des formations musicales ont évolué, s'adaptant à des missions de plus en plus variées.
Antiquité
La musique a été utilisée depuis l'antiquité dans le domaine militaire, afin de donner des ordres ou d’intimider l'ennemi, notamment en Asie. En Grèce, l'étude de la musique était encouragée pour honorer les guerriers, qui devaient être habiles à la fois avec l'épée et la lyre. Les Romains et les Francs, quant à eux, utilisaient des trompettes pour stimuler leur armée. Au fil du temps, la musique est devenue un symbole de la puissance des armées et un signe de triomphe. En résumé, la musique militaire accompagnait les soldats au combat, annonçait la retraite ou célébrait une victoire.
Historique en France
A la fin du 15ème siècle, les premiers corps de musiciens voient le jour. Ils marchent en tête des troupes afin de les accompagner, transmettre des ordres, mais aussi distraire les soldats au camp. Les instruments utilisés sont des tambours pour donner les ordres, des trompettes et des timbales, ainsi que des fifres (un instrument à vent similaire à une flûte) pour les mélodies. Parallèlement, des chants guerriers sont composés pour chaque campagne ou bataille.
Au milieu du 17ème siècle, sous le règne de Louis XIV, les armées sont réorganisées et le rôle de la musique est modifié : en plus de divertir les troupes lors des campagnes, la musique est un outil de communication auprès de la population lors de représentations publiques. Les grands compositeurs de l'époque, tels que Lully, Philidor et Couperin, ajoutent des flûtes, des hautbois et des bassons aux formations musicales.
Au 18ème siècle, un premier orchestre de 16 musiciens militaires est créé et financé par le ministère. Cette initiative s'étend ensuite à chaque régiment d'infanterie, qui comptent alors huit musiciens. Les formations musicales sont enrichies de clarinettes, de cors et de percussions. Les musiciens commencent à être employés dans le cadre de cérémonies (présentations au drapeau, parades, convois de dignitaires, défilés, entrées d'honneur, messes militaires…) et parfois pour divertir les troupes ou renforcer le lien entre l'armée et la nation.
Pendant la Révolution française, l'armée est réorganisée et la musique de la Garde nationale est créée, ainsi qu'une école de musique gratuite pour les musiciens militaires. Les formations musicales sont alors utilisées comme un outil de propagande du gouvernement, pour divertir les foules et favoriser le recrutement. Le tambour-major, un sous-officier chargé de diriger la formation, devient particulièrement populaire. En outre, certains musiciens payés par la caisse des officiers complètent les formations, et donnent des représentations exclusives afin de distraire les officiers. Cependant, en 1827, ces musiciens sont repris par le ministère et mise en œuvre comme vecteur de communication.
La musique de la Légion Etrangère est créée en 1831. Peu de temps après, le gouvernement instaure la nomination des chefs de musique après un passage devant un jury, l'édition d'un journal officiel avec les œuvres recommandées, l'utilisation d'un métronome et d'un diapason fixe. La réforme la plus importante de cette période est celle d'Adolphe Sax qui invente de nouveaux instruments, le saxophone et le saxhorn, adoptés par la réforme des orchestres militaires en 1845.
En 1854, l'armée française comprend 100 régiments d'infanterie, 54 de cavalerie et 16 d'artillerie, chacun dotés de leur musique régimentaire. Trois fois par semaine, les militaires jouent dans les kiosques à musique des communes, offrant à la population des concerts gratuits.
A la fin du 19ème siècle, les coûts élevés des campagnes ont conduit à une réduction du nombre de musiciens. De plus, ces derniers ne sont plus seulement engagés pour leurs compétences musicales, mais sont par exemple utilisés comme brancardiers.
Au début du 20ème siècle, chaque formation était composée de 38, puis 58 musiciens, avec un chef et un sous-chef. La sonnerie "Aux morts" composée par Pierre Dupont est jouée pour la première fois à l'Arc de Triomphe le 14 juillet 1931. La fanfare de la Garde républicaine est créée en 1934 et la Musique de l'Air en 1936.
Influence des conflits militaires
Les conflits militaires ont directement influencé les thèmes et les paroles des musiques militaires. Les musiques composées pendant les guerres, comme la première et la seconde guerre mondiale, ont souvent reflété les émotions et les sentiments des soldats et des civils, tels que la peur, l'espoir, la tristesse, la colère et la nostalgie.
Certaines musiques sont aussi réadaptées pour les usages militaires et patriotiques. Pendant la Première Guerre mondiale, on pouvait par exemple entendre :
- "La Marseillaise" évidemment, l'hymne national français souvent joué par les orchestres militaires pour encourager les soldats avant les batailles.
- "La Madelon", une chanson populaire parmi les soldats qui célébrait les femmes françaises qui restaient à la maison pendant la guerre.
- "Le Chant des Africains", un chant patriotique qui célébrait les soldats français d'origine africaine combattant dans les troupes coloniales pendant la guerre.
- "Le Temps des cerises", une chanson populaire souvent jouée par les musiciens militaires pour remonter le moral des soldats.
- "La Victoire est en nous", était un chant patriotique qui appelait à la victoire de la France contre l'Allemagne.
Les événements politiques ont également influencé les musiques militaires en termes de style et de forme. Les régimes politiques ont souvent imposé des styles musicaux particuliers ou des formes de propagande pour renforcer leur message ou leur idéologie. Par exemple, le régime de Vichy, dirigé par Philippe Pétain pendant la Seconde Guerre mondiale, a utilisé la musique militaire comme un moyen de propagande pour renforcer l'idée de la supériorité de la nation française et pour inciter les citoyens à soutenir le régime. Les marches et les hymnes nationaux étaient fréquemment joués lors des manifestations officielles et des cérémonies, et les orchestres militaires étaient souvent utilisés pour promouvoir l'idéologie de Vichy. De plus, le régime a créé de nouveaux hymnes et chants pour remplacer ceux de la République française, dans le but de promouvoir une image positive de Vichy et de la collaboration avec l'Allemagne nazie. Citons par exemple :
- "Maréchal, nous voilà !", utilisé pour célébrer le Maréchal Pétain.
- "La Marseillaise de l'Etat français", une version réécrite de l'hymne national, utilisé pour promouvoir l'idéologie de Vichy et la collaboration avec l'Allemagne nazie.
- "Chant des prisonniers", un chant qui célébrait les prisonniers de guerre français qui étaient détenus en Allemagne et qui appelait à leur libération.
- "La France, ma patrie", un hymne patriotique qui appelait à la défense de la France et à la loyauté envers le régime de Vichy.
- "Notre avenir est dans la victoire", un chant qui appelait à la victoire de l'Allemagne nazie et à la collaboration entre la France et l'Allemagne.
Les musiques militaires des armées
Si aujourd’hui, la France ne compte plus autant de formations musicales que de régiments, chaque armée (armée de Terre, armée de l’Air et de l’Espace, Marine nationale) dispose toutefois d’un ou plusieurs groupes.
Armée de Terre
En 1989, une nouvelle réglementation est mise en place pour les musiques militaires, divisant les formations en musiques principales, régimentaires, ou en fanfares. Aujourd’hui, l’Ecole de la Musique de l’armée de Terre (EMAT) est chargé de l’organisation, la formation et l’encadrement de ses musiciens. L’armée de Terre compte sept formations principales :
- La Musique des Troupes de Marine (implantée à Satory)
- La Musique des Transmissions (Rennes)
- La Musique de l’Infanterie (Lille)
- La Musique de l’arme blindée de cavalerie (Metz)
- La Musique de l’Artillerie (Lyon)
- La Musique des Parachutistes (Toulouse)
- La Musique de la Légion Etrangère (Aubagne)
De plus, elle dispose de fanfares (6e régiment du génie, 1er régiment de chasseurs…), composées de militaires intégrés aux unités opérationnelles de l’armée et qui peuvent donc être employés à des postes « classiques » (administration, logistique etc), et de fanfares des lycées militaires (St-Cyr l’Ecole, Autun…), composées d’élèves volontaires.
A noter également que la Brigade de sapeurs-pompiers de Paris possède sa propre formation de musique, rattachée à l’armée de Terre.
Armée de l’Air et de l’Espace
La Musique de l’Air a été fondé en 1936 par le général Victor Denain, et prend le nom de Musique de l’Air et de l’Espace en 2022 afin de s’adapter à la nouvelle nomenclature de l’armée à laquelle elle est rattachée. Elle est implantée à Villacoublay et se compose de 116 musiciens répartis dans trois orchestres (brass-band, orchestre d’harmonie et jazz). Elle fait d'ailleurs partie des ambassadeurs de l'armée de l'Air et de l'Espace.
L’armée de l’Air et de l’Espace dispose d’une seconde formation : la Musique des Forces Aériennes, stationnée à Bordeaux.
Les musiciens de ces formations sont des sous-officiers qui ont tous eu un prix de conservatoire supérieur et un prix d’enseignement supérieur.
Marine nationale
De 1827 à 2013, la Marine nationale a possédé deux grandes formations musicales : la Musique des Equipages de la Flotte (MEF) implantée à Toulon, et celle de Brest (dissoute en 2013). La MEF dispose de plusieurs orchestres (harmonie, jazz, cuivres etc). En 1952 le bagad de Lann-Bihoué voit le jour sur la base d’aéronautique navale de Lann-Bihoué près de Lorient. Il regroupe une trentaine de musiciens maîtrisant des instruments celtiques (bombarde, cornemuse…) et jouant spécifiquement des airs bretons.
Utilisation des musiques militaires
Dans l’armée de Terre, les fanfares régimentaires participent localement aux cérémonies officielles, défilés ou parades. Outre leur rôle au sein de l’institution, les formations militaires sont aussi un vecteur de communication, et elles peuvent se produire lors de concerts ou événements publics. Les Musiques principales quant à elle, rayonnent sur le territoire national voire international.
La Musique de l’Air et de l’Espace soutient également les cérémonies et protocoles nationaux, et peut aussi se déplacer sur les bases aériennes pour des cérémonies propres à l’armée de l’Air et de l’Espace (prises de commandement, meeting aérien etc.) Enfin, elle touche le public en enregistrant des CD ou en entretenant le lien entre l’armée et la jeunesse (accueil de jeunes, visite dans les conservatoires etc.)
Enfin, les musiciens de la Flotte peuvent être déployés sur les bâtiments de la Marine ou les bases navales afin de participer aux cérémonies officielles, parades militaires et commémorations.
En résumé, chaque armée dispose de son ou ses formations musicales afin d’accompagner les événements officiels (cérémonies, défilés…) en France mais aussi en opération extérieure, de rayonner localement, nationalement voire internationalement (concerts…), de renforcer le lien armée-Nation et de maintenir de la cohésion au sein de son armée grâce à la musique.
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