Dans les coulisses du salon Milipol

Bienvenue dans Défense Zone, le podcast qui traite des questions de Défense et de sécurité. Cette semaine nous entrons dans les coulisses du Milipol, l’un des plus grands salons professionnels dédiés à la sécurité intérieur dans le monde. Anne Frayssinet, directrice des évènements du pôle sécurité chez Comexposium va nous en apprendre plus sur cet événement dont Défense Zone est partenaire cette année et qui se déroulera en novembre 2023. N’oubliez pas de vous abonner au podcast et au magazine papier en vous rendant sur le site internet defense-zone.com.

Présentation

Anne Frayssinet est la directrice d’événement Milipol chez Comexposium. Il est important de noter que le réseau Milipol a une envergure internationale. Elle possède une expérience de 20 ans dans le domaine de l'événementiel, déclarant : " je suis tombée dedans quand j’étais petite. J’ai tout de suite aimé et je n’en suis jamais partie. J’ai fait du marketing, des congrès, de l’international. Et c’est ça qui m’a attirée dans ce métier, c’est l’opportunité de faire de l’interculturel et du développement à l’international."

En 2015, elle a occupé le poste de directrice de la communication du pôle sécurité au sein de Comexposium, englobant Milipol et Trustech. En septembre 2023, elle a pris la direction de ce pôle.

Le salon Milipol

Qu’est-ce que la salon Milipol ?

Le réseau Milipol comprend quatre salons, tant en France qu'à l'international. Ces événements sont spécialement conçus pour aborder les questions de sécurité intérieure des États, s'adressant ainsi tant au secteur public qu'au secteur privé, ce dernier étant de plus en plus représenté.

Le Salon Milipol à Paris, qui a vu le jour en 1984 en tant que premier événement de cette nature, continue de prospérer. En 1996, un salon a été inauguré au Qatar et a depuis connu une croissance significative. En 2015, Milipol a acquis un salon à Singapour, qui a désormais été rebaptisé Milipol Asia Pacific pour refléter son affiliation. Enfin, en 2023, une nouvelle édition, Milipol India, verra le jour en octobre, marquant ainsi son entrée sur la scène internationale.

Le fonctionnement de Comexposium

Comexposium opère les salons pour le groupement d'entreprises "Milipol," composé de quatre entités distinctes : Civipol (une société de conseil en sécurité affiliée au ministère de l'Intérieur, dont le Président est le Préfet Yann Jounot, également Président des salons Milipol), Visiom, Protecop, et Thales.

Il est important de noter que Milipol est traditionnellement associé au ministère de l'Intérieur, couvrant ainsi les domaines de la police et de la gendarmerie, mais au fil des années, la portée de Milipol s'est également élargie pour inclure le secteur privé.

Lorsque l'entreprise lance un nouvel événement, son objectif principal est d'optimiser les relations internationales entre la France et le pays hôte, dans le but de positionner le salon de manière stratégique. L'entreprise ne procède jamais à l'organisation d'un salon sans obtenir au préalable l'accord du ministère, car il est essentiel de développer des partenariats solides qui intéressent également l'État hôte.

La place du secteur privé

Le secteur privé englobe divers domaines, notamment la sécurité privée ainsi que les OIV (Opérateurs d'Importance Vitale). Il s'étend également aux grandes entreprises figurant au CAC 40, lesquelles possèdent toutes des départements de sécurité. Ces entreprises manifestent un intérêt croissant pour la prospection de projets et de technologies liés à la sécurité, notamment la télésurveillance. De nombreux acteurs du secteur privé exposent leurs innovations lors de nos événements, et un grand nombre d'entre eux viennent en tant que visiteurs.

Anne Frayssinet précise davantage : " nous, on parle surtout des entreprises qui accueillent du public et ont des problématiques de sécurité, et tous les grands groupes qui ont de grosses directions de sureté : SNCF, RATP, Orange, Veolia etc. "

L’enjeu international

« Il y a deux enjeux majeurs à l'international pour le salon Milipol », précise Anne Frayssinet, qui illustre ensuite son propos par l’exemple le plus récent, celui de la création de Milipol en Inde. En premier lieu, l'Inde, un pays de dimension continentale, représente un « marché colossal ». Il existe notamment une demande pressante pour l'expertise étrangère dans deux domaines clés : la modernisation, incluant l'acquisition d'équipements et de véhicules, et l'adoption de technologies avancées telles que les drones. Actuellement, bien qu'ils disposent des compétences requises, ils ont besoin de partenaires étrangers pour développer ces initiatives. Le salon Milipol s'est implanté en Inde dans le but de contribuer à leur modernisation.

Le contenu du salon est adapté aux enjeux spécifiques de chaque pays. En Inde, cela inclut des discussions sur les problèmes d'infrastructure et de transport, la sécurisation des frontières, les défis liés à la pédocriminalité (qui a connu une augmentation en ligne pendant la pandémie), ainsi que la promotion du rôle des femmes au sein des forces de police.

Le salon Milipol Paris

Il s'agira, pour novembre 2023, de la plus grande édition du salon Milipol Paris depuis son inauguration. Près de 1 200 exposants seront présents, répartis entre le Hall 4 et le Hall 5 à Paris Nord Villepinte. Il est à noter que de nombreuses délégations officielles ont déjà exprimé leur intérêt, notamment la confirmation de la participation du Ministre de l'Intérieur de Singapour. D'autres délégations devraient également se confirmer au fil du temps.

Qui peut participer à Milipol Paris ?

Le salon Milipol Paris est un événement professionnel spécialement conçu pour les acteurs de la sécurité et n'est pas ouvert au grand public. « On est particulièrement sélectif, indique Anne Frayssinet. C’est réservé aux professionnels de la sécurité. Pour chaque demande d’accréditation, si vous souhaitez un badge, vous devez prouver que vous êtes dans la sécurité, ce que vous y faites, quelle est votre fonction et votre rôle. » Chaque demande est traité individuellement par un service dédié. 

Les exposants du salon

Il y a plusieurs catégories d'exposants au salon Milipol Paris, allant des grandes entreprises françaises telles que Thales, Airbus et Idemia, aux exposants internationaux qui représentent environ 60 % du total. L'une des forces du salon réside dans ses 17 pavillons internationaux qui regroupent des entreprises d'un même pays (États-Unis, Espagne…) En outre, des groupements français tels que le GICAT, Eden et Primus, regroupant une dizaine d'entreprises chacun, participent collectivement à l'événement.

Cette année, « on a aussi beaucoup travaillé sur le coté startup pour mettre en avant le coté innovation », précise Anne Frayssinet.

Cette année, une attention particulière a été accordée aux startups pour mettre en avant l'aspect innovation. De plus, le salon a organisé une « place stratégique », un programme qui soutient des entreprises hautement technologiques. C'est d'un grand intérêt pour le salon car, bien que l'équipement, les véhicules et l'armement restent des composantes importantes, on constate de plus en plus l'émergence de technologies innovantes. Il est essentiel d'établir des liens avec les startups dans ce domaine. « Je pense que dans la sécurité, il y a de vraies applications, on voit en quoi ça peut être bénéfique, on voit des usages, soutient la directrice du pôle sécurité. Avec tous les problèmes éthiques, rgpd etc. qu’il y a autour je pense que ça ne sera pas simple quand même. »

La place de l’IA

Il est observé que certains thèmes reviennent en force année après année au salon Milipol, en particulier dans le domaine de la vidéosurveillance et de l'analyse d'images, où l'intelligence artificielle (IA) joue un rôle essentiel. L'IA s'avère extrêmement utile pour analyser un grand nombre d'images, une tâche que les agents de police dans un commissariat ne pourraient pas accomplir efficacement. Par conséquent, les solutions basées sur l'IA suscitent une forte demande dans ce secteur.

L'IA trouve également des applications dans le secteur privé, par exemple avec des entreprises comme la société 22, qui peut détecter et compter des silhouettes dans une zone donnée. À titre d'exemple, lors des Jeux olympiques, la sécurité et la protection des participants et du public sont des préoccupations majeures, et l'IA est un domaine qui est sérieusement pris en considération pour relever ces défis.

L’enjeu des Jeux Olympiques Paris 2024

L'intégralité du programme de conférences sera axée sur les Jeux Olympiques de Paris 2024 lors de l'édition 2023 du salon Milipol. Ce programme est élaboré en collaboration avec l'Institut des Hautes Études du Ministère de l'Intérieur (IHEMI) et portera sur divers aspects, notamment les technologies impliquées dans les JO, l'héritage que les Jeux laissent derrière eux, « axé sur l’aspect sécuritaire évidemment », indique Anne Frayssinet. Cet élément lié aux Jeux Olympiques sera au cœur du salon, en particulier en ce qui concerne la vidéosurveillance, qui connaîtra un renforcement significatif pour l'événement. La directrice souligne que, en tant qu'organisateur du salon, Milipol n'adopte pas un rôle de modération ni de prise de position officielle sur ces questions. Bien que Milipol puisse avoir son propre point de vue en tant qu'entité, elle ne se positionne pas en tant qu'entité pour trancher ces questions.

Le futur de Milipol à l’international

« Notre objectif est de continuer à se développer, assure Anne Frayssinet. Mais un développement ne se fait pas en un claquement de doigts. La phase préliminaire d’étude est assez longue pour savoir où on va se lancer, et avec qui. Pour l’Inde, Comexposium a un partenaire local qui est extra et qui opère plusieurs de nos autres salons là-bas, sur d’autres secteurs mais du coup ça a facilité le développement de Milipol. Donc il y a ça, trouver le bon partenaire, trouver le bon pays qui a du potentiel, et se dire que nos autres salons sont suffisamment forts et lancés pour qu’on puisse se consacrer à un autre. Tel qu’on le conçoit, je ne suis pas sure qu’on puisse aller plus vite, mais en tout cas j’aimerai bien oui qu’on aille encore plus loin. »

Toutefois, cela dépend toujours de l’accord du ministère de l’Intérieur : « on ne fera pas de choses qui ne sont pas conformes avec la coopération internationale. »

Recrutement et vision du marché

L'idée de se lancer dans le secteur de la sécurité est fortement recommandée. Selon Anne Frayssinet, le secteur en pénurie actuellement est celui de la cybersécurité, ce qui en fait une opportunité attrayante pour les jeunes. Elle encourage vivement les jeunes à envisager cette carrière, car elle estime que la demande restera forte pendant de nombreuses années, offrant ainsi la possibilité de trouver rapidement un emploi dans de bonnes conditions. L'armée et la gendarmerie recrutent également activement dans ce domaine, tout comme les institutions gouvernementales, notamment le ministère de l'Intérieur, qui a d'importants besoins en matière de recrutement.

Le secteur de la sécurité privée connaît également des pénuries d'emploi à tous les niveaux, ce qui en fait un secteur en constante recherche de talents.

En ce qui concerne le salon, il s'efforce depuis plusieurs années de promouvoir ce secteur. En tant que salon professionnel, il attire des entreprises à la recherche de professionnels. Cependant, les organisateurs reconnaissent qu'il serait bénéfique de devenir une plateforme permettant aux jeunes de se connecter avec les entreprises. « C’est dommage de ne pas être une plateforme qui pourrait aider les jeunes à connecter avec les entreprises. Je dirai qu’actuellement c’est plus qu’on n’a pas encore trouver la bonne méthode pour le faire », regrette Anne Frayssinnet.

La place des femmes dans ce secteur

« Ce n’est pas un problème, mais c’est vrai qu’on va dans de nombreux évènements et on se sent souvent seul. Mais ce n’est pas un problème en soit, et je ne peux pas dire que les gens ont un a priori. Je me dis « quand ? » et « elles sont où ? », c’est une vraie interrogation de ma part. Mais je pense que ça va venir, peut-être que ce ne sont pas des métiers qui attiraient, mais c’est en train de changer. Il y en a de plus en plus. Et à l’étranger c’est encore pire. Ministère de l’Intérieur du Qatar, je ne vous cache pas qu’il n’y en avait pas beaucoup… il y en avait quelques unes quand même. Ils ne sont pas misogynes mais je pense qu’ils ne savent pas gérer encore la mixité », explique la directrice.

Dernier conseil

« Je dirai d’y aller à fond ! L’événementiel, soit on aime soit on n’aime pas, car ce sont des métiers assez stressants », indique Anne Frayssinet qui souligne qu’il y a de gros pics de travail ou de pression. C’est un métier de communication, de contact, et ce secteur est très riche et intéressant car il y a beaucoup de paramètres. « On est tous citoyen, on a tous des questions sur ce secteur-là. On rencontre des gens qui ont des parcours incroyables, qui ont fait des choses dingues, et moi il y a aussi cet aspect international que je trouve hyper riche », conclut-elle.