Commander un porte-hélicoptères amphibie

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L'objectif de cette émission audio disponible sur toutes les plateformes en ligne de Podcast est d'ouvrir au grand public les portes d'un univers d'ordinaire plutôt secret, dans le but de donner à réfléchir à des questions qui nous concernent tous, qu'elles soient politiques, géopolitiques, économiques ou plus largement sociétales.

Cette semaine, nous embarquons sur le porte-hélicoptères amphibie Mistral afin de nous entretenir avec son “Pacha”, le Capitaine de vaisseau Alexis Muller. Passé par les commandos marine, l’officier a également commandé une frégate type La Fayette avant de prendre le commandement du Mistral en juillet 2020. Cet épisode fait partie d’une mini-série exclusive de 9 épisodes sur la mission Jeanne d’Arc de la Marine nationale, uniquement réservé aux abonnés à notre espace Premium.

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Présentation

Le Capitaine de vaisseau Alexis Muller est le commandant du porte-hélicoptères amphibie Mistral, et pour l’année 2022, également le commandant de la mission du groupe Jeanne d’Arc, qui comprend le PHA Mistral et la frégate de type La Fayette Courbet.

La mission Jeanne d’Arc

Les objectifs de la mission Jeanne d’Arc

Le Capitaine de vaisseau explique que cette mission répond à deux objectifs. Tout d'abord, il s'agit de former les futurs officiers de marine et de les préparer à devenir « les chefs de demain ». Pendant cette mission de cinq mois, les élèves sont immergés dans un environnement opérationnel et acquièrent des compétences pratiques. Ils apprennent à utiliser les équipements modernes du navire et à les utiliser dans des conditions dégradées. En termes de comportement, la mission leur permet de développer leur force morale, leur confiance en eux, leur combativité et leur courage. Elle leur permet également de s'éloigner de leur cocon familial et de leur confort habituel à l'école navale.

La mission Jeanne d'Arc a également un volet opérationnel et vise à promouvoir l'influence française à travers le monde. Pendant les cinq mois de déploiement, le porte-hélicoptères amphibie Mistral et la frégate La Fayette visitent cinq mers différentes, ce qui leur permet d'interagir avec des pays partenaires, de renforcer des alliances et de défendre les intérêts français. Les zones maritimes visitées sont souvent densément peuplées et stratégiquement importantes, offrant ainsi de nombreuses opportunités d'opérations et de coopération multilatérale ou bilatérale.

Une multitude d’exercices et de missions

La mission Jeanne d'Arc comprend des exercices de coopération avec des pays tels que l'Égypte, la Jordanie et l'Inde, ainsi que des opérations de lutte contre la drogue et des actions humanitaires. De plus, la présence de forces françaises à Djibouti et dans le golfe de Guinée offre des occasions d'interagir avec elles. En tant qu'officier de marine, cette mission offre aux élèves une expérience pratique de la réalité opérationnelle et les prépare à leur futur rôle de chef.

Le capitaine de vaisseau souligne que la mission Jeanne d’Arc permet aux élèves d'être au contact de l'actualité et de développer une appréciation autonome des situations géopolitiques. Cette promotion 2022 a par exemple été déployée en Méditerranée juste avant le déclenchement de la guerre en Ukraine : « ça leur a permis de voir un peu la situation navale avec la présence des bâtiments russes, ils voyaient sur leur radar ce que l’actualité disait dans les journaux. C’est important, ça les ancre dans le monde qui les entoure », explique l’officier. Il met également en avant l'importance de la coopération interarmées entre la Marine, l'armée de Terre et l'armée de l'Air et de l’Espace, en particulier pour les opérations futures qui nécessiteront cette approche interarmées.

Commander un PHA

Développer ses capacités

Le commandant du groupe Jeanne d’Arc aborde la question complexe de jongler entre le temps de commandement relativement court et les impératifs du développement économique. Selon lui, cette situation ne conduit pas nécessairement à la frustration, car ces deux aspects se situent sur des niveaux et des échelles de temps différents. En tant que commandant, il se pose légitimement la question de la manière dont il faudrait développer de nouvelles capacités et équipements pour faire face aux attentes et se projeter dans l'avenir, en préparant l'armée à la guerre de demain. Afin de répondre à cette interrogation, le commandant et son état-major travaillent à formuler des propositions concrètes dans le but de développer les capacités requises. Il estime que, en tant que commandant, il doit composer avec les ressources dont il dispose actuellement, mais il souligne également l'importance d'innover et de rechercher des modes d'action différenciés, plus évolutifs, dans le cadre des contraintes existantes.

Le commandant affirme que travailler sur les deux échelles de temps est essentiel pour se projeter dans l'avenir en termes de capacités militaires. Pour cela, il suggère d'établir un cahier des charges détaillé et de réfléchir à la manière dont les ressources disponibles peuvent être utilisées de manière innovante pour répondre aux défis à venir. Il mentionne également l'importance de s'inspirer des pratiques des alliés et des nations non alliées, en observant leurs stratégies et leurs réalisations lors de divers exercices. Il pense que regarder vers l'extérieur est essentiel, tout comme le font les entreprises privées qui examinent les pratiques des autres entreprises pour rester compétitives sur le marché. Il encourage ses équipes à s'interroger sur les approches adoptées par d'autres navires similaires, à partager leurs expériences et à réévaluer les schémas existants afin de les adapter à leurs propres opérations. Il insiste sur le fait que cette démarche ne se limite pas au bloc occidental, mais qu'il est également important de s'intéresser aux pratiques des autres nations, qu'elles soient alliées ou non.

En ce qui concerne la vision à long terme et la façon dont le commandant appréhende le monde de demain, il souligne l'incertitude qui règne dans les affaires militaires. Il mentionne l'exemple frappant de la guerre qui a éclaté en Europe seulement dix jours après le début de la mission Jeanne d’Arc. Cet événement a permis de démontrer aux officiers élèves l'importance de l'incertitude et de la rapidité avec laquelle les circonstances peuvent changer. En tant que commandant, il considère donc essentiel de préparer son équipage à cette incertitude et à l'engagement futur, même si l'on ignore quand celui-ci se produira.

Préparer les équipages

Pour se préparer à ces défis, le commandant met en avant l'importance de renforcer la force morale des équipages. Il souligne les discours du chef d'état-major des armées et du chef d'état-major de la marine, qui mettent l'accent sur le renforcement des capacités militaires et la nécessité de se préparer à des affrontements de haute intensité. Il explique que la préparation de l'équipage face à l'incertitude passe par le développement de la force morale, qui est essentielle pour travailler dans des conditions de brouillard et d'incertitude.

Le Capitaine de vaisseau mentionne également l'importance de s'entraîner de manière de plus en plus réaliste, en se rapprochant le plus possible des situations de combat réelles. Il souligne que cela implique l'utilisation régulière de munitions spécifiques et complexes lors des exercices, tout en maintenant un niveau de sécurité adéquat. Il estime qu'il est nécessaire de développer des mentalités qui permettent d'utiliser ces armes de manière réaliste et efficace lors d'un véritable combat.

En plus de la préparation physique, le commandant souligne l'importance de la posture informationnelle. Il explique que la réalité ne se limite pas au monde physique, mais englobe également le monde des perceptions et des informations. Il souligne la nécessité de faire valoir sa position et son influence numérique, ainsi que les empreintes laissées dans les espaces communs tels que le cyberespace et l'espace. Pour cela, il insiste sur l'éducation des personnels en ce qui concerne la gestion des empreintes numériques et la sécurité opérationnelle, notamment envers les jeunes générations qui sont de plus en plus dépendantes des réseaux sociaux et des smartphones.

Confronter la réalité

L’approche de l’officier est guidée par l'idée que le monde peut changer rapidement et que les alliances et les circonstances peuvent évoluer. Il considère donc essentiel de préparer son équipage à faire face à ces changements et à être prêt à s'engager à tout moment. Il mentionne un phénomène qu'il a observé au moment de l'attaque russe, où des messages circulaient dans des groupes de militaires sur Facebook et Instagram. Ces messages témoignaient des doutes de certains quant à leur engagement, se demandant s'ils avaient fait le bon choix et exprimant une certaine peur. Il soulève ainsi la question de l'image idéalisée de l'engagement militaire par rapport à la réalité de la guerre, en mentionnant les films et la communication entourant des figures emblématiques comme « Top Gun ».

Le commandant reconnaît son rôle d'éducateur et souligne la chance qu'il a avec la mission Jeanne d'Arc, car il dispose de conférenciers qui interviennent à bord pour aborder des sujets tels que l'histoire militaire, le sens de l'engagement et la réalité de la mort sur le champ de bataille. Ces conférences sont ouvertes à l'équipage, ce qui permet de sensibiliser non seulement les officiers élèves, mais aussi les autres membres de l'équipage.

Il aborde également le recrutement dans la Marine nationale et reconnaît qu'il peut être difficile de trouver des candidats qualifiés pour certains postes. Cependant, il est optimiste quant au fait que les événements récents, tels que la guerre en Ukraine, pourraient susciter une prise de conscience et une volonté accrue de s'engager dans les forces armées.

Dernier conseil

Le Capitaine de vaisseau souligne l'importance de vivre pleinement son aventure humaine dans la Marine, d'être enthousiaste, engagé et épanoui dans son métier. Il encourage les jeunes marins à choisir une spécialité qui correspond à leur personnalité et à leurs aspirations. Il insiste sur la diversité des métiers au sein de la Marine, comme par exemple pilote d'hélicoptère, et la possibilité de changer de spécialité au cours de sa carrière.

Enfin, il met en avant la mission du porte-hélicoptère amphibie, qui va au-delà de la guerre, en incluant des actions humanitaires, des évacuations de ressortissants français en période de crise et des opérations de secours aux populations touchées par des catastrophes naturelles. Il insiste sur l'importance de l'accueil et de l'accompagnement des personnes à bord du navire, qu'il s'agisse de militaires d'autres corps d'armée, de pilotes d'hélicoptère ou de médecins, mais aussi sur la cohésion d'équipe et le soutien mutuel au sein de la Marine. Il mentionne que les missions à bord d'un navire sont exigeantes et nécessitent une confiance absolue en ses camarades. Chaque membre de l'équipage joue un rôle crucial dans le bon fonctionnement du navire et dans la réussite des missions.

Retrouvez la présentation de la mission Jeanne d'Arc 2022 en vidéo:

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