Commander un régiment d'infanterie

Commander un régiment d'infanterie

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Bienvenue dans Defense Zone, le Podcast qui traite des questions de défense et de sécurité à travers des entretiens avec des militaires, des membres des forces de l'ordre, des personnalités politiques, ou encore des entrepreneurs.

L'objectif de cette émission audio disponible sur toutes les plateformes en ligne de Podcast est d'ouvrir au grand public les portes d'un univers d'ordinaire plutôt secrets, dans le but de donner à réfléchir à des questions qui nous concernent tous, quelles soient politiques, géopolitiques, économiques ou plus largement sociétales.

Dans ce nouvel épisode, nous avons rendez-vous à Nîmes au 2e REI, pour échanger avec le chef de corps de ce régiment d'infanterie de la Légion étrangère et nous en profiteront pour parler de cette fascinante institution qu'est la Légion au sein de l'armée de Terre.

 

 

 

Présentation

Parcours

Le Colonel Geoffroy Desgrées du Loû est chef de corps du 2e régiment d’infanterie (2e REI) depuis août 2020. Il débute sa formation en 1997 par trois années à l’école de Saint-Cyr, puis enchaîne avec une année à l’école d’infanterie. Affecté au 2e REI, il est tour à tour chef de section de combat, officier adjoint en compagnie de combat, puis commandant d’unité à la 4e compagnie. Son parcours se poursuit par l’administration centrale à Paris dans le programme armement, en parallèle de l’école de Guerre. Il effectue ensuite un master spécialisé à Centrale Supélec en management de projets industriels, dans le cadre de sa formation sur les programmes d’armement. Après un passage de deux ans par le bureau instruction emploi du 4e régiment d’infanterie (dont nous vous parlons en détail dans cet autre podcast), il revient à Paris comme officier traitant à l’état-major de l’armée de Terre, sur les programmes d’armement du domaine de l’infanterie (combat débarqué). Il passe ensuite deux ans dans la filière « finances » de l’état-major des Armées. Enfin, il devient chef de corps du 2e REI en 2020.

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Il décrit son parcours comme un « cursus qui a trois volets : un volet formation, un volet plus dédié aux opérations avec notamment ce passage en corps de troupes et un détachement de six mois dans un état-major opérationnel de l’OTAN, et une dernière spécialité en programme d’armement, relations avec les industriels et construction budgétaire de la loi de programmation. »

 

Les avantages de la double expérience troupes/état-major

Le Colonel Desgrées du Loû considère que ses nombreuses expériences au contact des corps de troupes, lors d’opérations notamment, lui ont apporté de réelles compétences dans le domaine de l’armement et des finances, car elles lui ont permis de « rester accroché aux besoins opérationnels », à la finalité de l’engagement. Mieux connaître les réalités du terrain justifie ses « allers-retours entre les corps de troupes et les états-majors », qui permettent également de développer son réseau. En effet, il fait parfois appel à ses propres contacts encore en régiment afin d’avoir des retours d’expériences ou des informations (système d’arme Félin, emploi du système d’information Scorpion…), pour ensuite soumettre des améliorations.

 

 

La haute intensité

Pour le chef de corps du 2e REI, « on parle davantage aujourd’hui d’hypothèse d’engagement majeur que de haute intensité », ce qui fait référence aux contrats opérationnels des armées décrits dans le livre blanc : « la capacité de l’armée de Terre à s’engager sur faible préavis face à un ennemi symétrique» L’officier explique qu’au quotidien, cette hypothèse d’engagement majeur amène au concept de haute intensité, mais se vit différemment selon le niveau de responsabilité du militaire : « un chef de groupe la connaîtra à Barkhane (bombardement direct) ; pour un chef de corps c’est l’engagement de son régiment de manière massive avec un ennemi quasiment à parité. Au quotidien pour un chef de corps, c’est durcir la préparation opérationnelle tout en prenant en compte les réalités du terrain. » Le Colonel Desgrées du Loû indique bénéficier à Nîmes du camp des Garrigues, un « terrain d’entraînement privilégié ». Dans le contexte actuel, les soldats du 2e REI se focalisent davantage sur les fondamentaux du fantassin : endurance, tir, manœuvre embarquée et débarquée, afin de « revenir à l’essence même du combat d’infanterie, qui est cette dualité entre une troupe physiquement et moralement aguerrie et qui maîtrise le combat embarqué et débarqué, tout en employant ses appuis », précise le chef de corps. Le régiment perfectionne également ses savoir-faire spécifiques, notamment la capacité amphibie par exemple, en s’entraînant régulièrement avec la Marine Nationale (opération Corymbe, mission Jeanne d’Arc…). En résumé, cette préparation à un engagement majeur se traduit par un durcissement de l’aguerrissement physique et moral, et un retour aux fondamentaux.

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L’importance de l’infanterie

Quelle place tient l’infanterie dans un monde de plus en plus connecté, quand des champs de bataille prennent place dans l’espace virtuel ? Le chef de corps du 2e REI compare sa vision à celle de Napoléon : « à l’amour comme à la guerre, ça se finit toujours les yeux dans les yeux. » Et de poursuivre, « je pense que l’infanterie demeure la reine de la bataille dans la mesure où c’est elle qui tiendra le terrain à la fin de l’action. » En effet, même si des moyens aériens, navals et immatériels sont engagés, il faut « in fine, occuper le terrain dans la durée, ce que permet l’infanterie. » En outre, l’infanterie peut aussi être utilisée dans un champ immatériel grâce à son effet dissuasif (communication, tenue de la troupe, équipement…) sur les troupes ennemies. Enfin, l’officier rappelle que « tout soldat est un capteur » et est ainsi un élément de renseignement : « la meilleure perception du théâtre d’opération aéroterrestre est largement alimenté par le renseignement de l’infanterie sur le terrain. »

 

 

 

Le contact avec les populations

Pour l’officier supérieur, être au contact de la population, comme lors de l’Opération Sentinelle, est l’essence même du métier de soldat, qui au service de la France et de la protection de la population française. Cette mission dans les rues françaises est aussi une « bonne école du renseignement », car le chef de groupe produit des comptes-rendus chaque jour, va au contact des populations et des autorités locales.

A l’étranger, les militaires sont souvent confrontés aux populations locales, par des actions au cœur de celles-ci. « La question est de savoir quelle est l’instrumentalisation de la population dans les conflits et quelle est la manière dont on va se prémunir d’éventuelles imbrications ou instrumentalisation de la force par les populations ? », interroge le Colonel Desgrées du Loû. Celui-ci précise que, comme il l’a expérimenté au cours de ses opérations extérieures (Centrafrique, Kosovo…) ou entraînements (Corymbe en Côte d’Ivoire…), la population locale est au cœur de la réflexion tactique et fait partie de la manœuvre.

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Armement et relations avec les forces de sécurité

L’armement non létal

Le chef de corps du 2e REI indique qu’une réflexion sur l’armement non létal pour les militaires est déjà en cours depuis de nombreuses années pour certains types de missions, mais que « l’armement létal est au cœur du métier de militaire, qui contribue à la protection de la France parfois au péril de sa vie. » Malgré tout, un entraînement récent à Sissonnes a vu des soldats manipuler des armes létales lors d’un exercice de contrôle de foule. La difficulté étant de trouver un équilibre face à la foule, lors d’une manifestation par exemple, tout en ayant la capacité de basculer vers une autre attitude en cas d’attaque terroriste.

 

Les échanges entre forces de sécurité et forces armées

L’officier remarque une « militarisation des forces de l’ordre », qui sont dorénavant dotées d’au moins une arme longue même pour un simple contrôle routier. Cette montée en gamme est une conséquence des attentats de 2015 et 2016, et depuis, les relations entre militaires et forces de sécurité se sont aussi équilibrées : « les armées n’interviennent pas en supplétif des forces de sécurité, mais en appui, de manière à soit être primo-intervenant si les forces armées sont confrontées à un attentat, soit à renforcer le dispositif pour neutraliser une menace le plus vite possible. » Les échanges entre les différentes forces sont facilités à Nîmes, explique le chef de corps du 2e REI, car le camp des Garrigues accueille des unités locales qui viennent s’y entraîner, comme récemment le PSIG lors d’un exercice de neutralisation d’un forcené. Parfois, la Préfecture organise aussi des exercices de grande ampleur, faisant intervenir les militaires mais aussi le SAMU, les pompiers, les gendarmes, sur des scénarios de victimes nombreuses (tuerie de masse), afin de partager les connaissances mutuelles et développer les procédures.

 

 

Derniers conseils

L’officier délivre trois conseils succincts :

    • « faire le choix du cœur » : le choix rationnel n’est pas toujours le bon, et il faut parfois mettre de côté la raison ; l’officier indique que si la Légion Etrangère n’était pour lui pas un choix rationne l(sacrifices, disponibilité…), c’est toutefois une expérience très riche qui développe les relations humaines au quotidien.
    • « être le meilleur » : car cela garantit d’avoir le choix dans sa carrière.
    • « se renseigner avant sur ce qu’on attend d’un légionnaire, d’un sous-officier, d’un officier » : et également sur ce qu’on attend de lui d’un point de vue situtation familiale car si le choix de vie militaire est compatible avec une famille, il n’est tout de même pas facile

 

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